Air
France-KLM vient de faire connaître sa décision de répartir sa méga commande de
longs courriers à part égale, entre Boeing et Airbus (50 chacun). Cette
décision a fait hurler Bernard Carayon, député UMP du Tarn, qui reproche à Air
France – KLM de n’avoir « pas fait le choix du courage
commercial » en ne choisissant pas Air France pour l’intégralité de
sa commande.
Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir fait pression sur la compagnie et son
président puisqu’à l’instigation de ce même député, une pétition signée par 180
de ses pairs exigeait d’Air France-KLM qu’elle achète uniquement des appareils
de l'européen Airbus.
Même le
Gouvernement à travers Pierre Lellouche, Secrétaire d'Etat au Commerce
extérieur, a tenté de mettre la pression sur Pierre-Henri Gourgeon, PDG du
Groupe, en lui rappelant fort opportunément que l'Etat avait
« beaucoup aidé » Air France-KLM lors de ses démêlées avec
Bruxelles et que la moindre des courtoisies était qu’Air France fasse preuve de
reconnaissance en « renvoyant la balle » à son bienfaiteur
!
Certains ont même voulu mettre dans la balance la reconduction de
Pierre-Henri Gourgeon à la tête d'Air France-KLM (malheureusement pour eux son
mandat avait déjà été renouvelé en Mai).
Air France a donc coupé la poire en 2 et justifié sa décision par les
caractéristiques techniques et les performances des appareils des 2
constructeurs. A n’en pas douter l’attitude de Bernard Carayon a du rencontrer
un écho très favorable auprès de beaucoup et notamment de ses électeurs, mais
pour autant est-ce une bonne idée ?
Certes, on peut être tenté de penser qu’il est normal et profitable qu’une
entreprise dont l’Etat détient 15,7 % du capital, privilégie les constructeurs
français ou européens, mais c’est l’exemple même de la fausse bonne
idée.
Pour 2 raisons essentielles :
La première c’est qu’Airbus n’a rien à gagner au protectionnisme français.
Airbus a vendu plus de 2 500 appareils à des compagnies américaines et en a 750
en commande, il a donc tout à perdre à une guerre des protectionnismes qui ne
manquerait pas de s’enclencher si le gouvernement français commençait à entrer
dans ce petit jeu.
Airbus réalise 11 milliards de dollars de chiffre d'affaires aux États-Unis,
soit autour de 20 % de son chiffre d'affaires. Son activité américaine se
traduit par 200 000 emplois (source
ici).
Et puis, comment peut-on brailler comme des ânes lorsque le Pentagone
choisit Boeing suite à un appel d’offre en bonne et due forme et s’empresser
derrière de faire de grossières pressions sur une entreprise privée aussi
emblématique soit-elle !...d’autant que la flotte d’Air France-KLM est quand
même composée à 80% d’Airbus !
La seconde raison, c’est qu’il faut s’ôter de la tête qu’un Boeing acheté
c’est uniquement du travail pour les américains et un Airbus acheté c’est du
travail uniquement pour les européens …la mondialisation c’est aussi de
nombreuses interactions entre les entreprises du monde entier !
Boeing
utilise les services de sous-traitants européens dont de nombreuses sociétés
françaises puisqu’il en fait travailler une centaine. En France, Boeing achète
pour 4 milliards d'euros d'équipements et est à l'origine de 23 000 emplois
dont 11 500 directs. Avec la «Boeing French Team», créée en 2005, 14
équipementiers français, dont Zodiac, Thales, Labinal, Messier Bugatti,
Latécoère… sont impliqués sur la construction du B 787 Dreamliner.
Le protectionnisme dans cette situation est donc non seulement une fausse
bonne idée simple mais une idée contreproductive à la fois évidemment pour
l’entreprise que l’on oblige à faire un choix industriel pas forcément cohérent
mais également pour le pays qui s’y prêterait de manière trop ouverte et qui
risquerait des mesures de rétorsion extrêmement pénalisantes.
Le protectionnisme, surtout si il vole, est malheureusement une fausse bonne
idée simpliste qui est beaucoup plus répandue dans l’air que les avions
d’Airbus et Boeing réunis. Comme toutes les fausse bonnes idées simplistes, il
y aura malheureusement toujours des populistes pour la propager avec entrain et
l'entretenir dans l'esprit populaire.