Agences de Presse et journal d’information de Radio Canada :
L’écrivain et sociologue marocain, Abdelkébir Khatibi, est décédé, le 16 Mars 2009, à l’âge de 71 ans. Il a rendu l’âme à Rabat, après plusieurs semaines d’hospitalisation pour complications cardiaques.
Sociologue de formation, sa carrière a été dédiée notamment à la littérature. Du reste, sa thèse à la Sorbonne, en France, était consacrée au roman maghrébin. Un thème auquel il s’est intéressé durant sa vie professionnelle.
Romancier, poète, essayiste, critique d’art et sociologue, Abdelkébir Khatibi a écrit aussi des pièces de théâtre, dont le « Le prophète voilé » et « La mort des artistes ».
Ecrivain au style audacieux et novateur, il a signé son premier roman, « La mémoire tatouée », en 1971. Parmi ses 25 ouvrages, figurent aussi
. « Le roman maghrébin »,
. « Le livre du sang »,
. « Amour bilingue »,
. « Dédicace à l’année qui vient »,
. « Un été à Stockholm »,
. « Féerie d’un mutant » et
. « La langue de l’autre ».
L’une des dernières œuvres de l’homme a été philosophique. Son essai « Jacques Derrida, en effet », publié en 2008, comporte les échanges philosophiques qu’Abdelkébir Khatibi et Jacques Derrida ont eus pendant de nombreuses années.
Abdelkébir Khatibi a occupé, par ailleurs, divers postes académiques. Enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Mohamed V de Rabat, il a été aussi directeur de l’Institut de sociologie et de l’Institut Universitaire de la Recherche Scientifique.
A la tête de la revue « Signes du Présent », l’écrivain a été en outre l’un des éditorialistes les plus en vue au Maroc.
Plusieurs distinctions internationales ont ponctué la carrière de Abdelkébir Khatibi, dont le prix littéraire de la seconde édition du Festival de Lazio d’Europe et de la Méditerranée et le prix « Grand Printemps » de l’Association Française « Hommes de lettres », pour l’ensemble de ses œuvres poétiques.
Je voudrais ajouter à ces informations d’agence que parmi les autres écrits de Khatibi , il y a ceux qui ont constitué et constituent encore une référence incontournable pour toute approche lucide de la peinture arabe contemporaine et qui sont « la blessure du nom propre » , » la calligraphie arabe », son texte sur « Ahmed Charqaoui » et d’autres textes sur la peinture marocaine et maghrébine où par souci de promotion de la culture marocaine contemporaine, Khatibi semble moins rigoureux; par rapport à l’exigence de rigueur que requiert la démarche critique dont il est le véritable initiateur, au niveau du monde arabe. La dernière phrase de mon livre « Peindre à Tunis », je l’ai consacrée à un hommage à Khatibi de son vivant. Je connaissais l’homme et vers le début des années 80, j’ai eu le plaisir et l’honneur de l’approcher, en tant que membre d’un cercle d’amis que j’ai eu la chance de fréquenter depuis les années soixante dix, à un moment où le transmaghrébin fonctionnait encore et que l’on pouvait , pour la somme de quinze dinars, payée à la gare de Tunis , faire un aller et retour Tunis-Rabat-Tunis. Voici ce que j’écris à la page 246 (la dernière du corps du texte): ….De la sorte, on peut remarquer que si, en Occident, une majorité de peintres se trouve également aliénée par l’histoire, l’idéologie et le marché, il exister quand bien même une minorité d’artistes qui arrivent à renverser le rapport et à se libérer dans l’acte créateur. En ce qui concerne les artistes arabes, le renversement nécessaire du rapport devient encore plus vital. Car ils ne peuvent exister qu’en remettant en question le sens et les valeurs d’origine qui fondent leur activité. Et sans cette remise en question nécessaire, la peinture arabe d’aujourd’hui est condamnée à rester la peinture européenne d’hier. C’est dire que pour exister, l’art arabe contemporain, comme tout art, doit nécessairement, découler d’attitudes qui participent de ce que Khatibi évoque comme étant « une pensée souveraine, souverainement orpheline ».
Le dernier mot de la préface est également consacré à Khatibi où , parlant de ma démarche, je précise que celle-ci a été effectuée, dans cette optique khatibienne, qui nous engage à prendre la Tunisie et, par delà Le Maghreb, comme « horizons de penser ».
Durant un de mes fréquents séjours au Maroc, à cette époque, où j’avais même participé, en tant que journaliste culturel et politique au journal l’Action, à la couverture de deux sommets arabes qui s’étaient tenus à Fez ainsi qu’à la célébration du 25ème anniversaire de la déclaration de Tanger (1958), Khatibi m’avait accordée une interview dans laquelle il précisait avec grande clarté sa vision hautement politique de l’avenir possible des relations intermaghrébines.
C’était, chez lui à Harhoura, dans une villa modeste, voisine de celle d’un autre ami, lui aussi décédé, Mohamed El Kacimi, toutes deux situées en face d’une sorte de crique , protégée des grandes vagues de l’Océan par une sorte de digue naturelle formée par les falaises . Katibi venait, de rompre avec son épouse nordique et de publier « Amour billingue ». Ce n’est qu’en parcourant le livre que j’avais compris pourquoi il avait tenu à me montrer le site dont j’ai retrouvé des résonances dans l’évocation d’une baignade dans l’eau de l’Océan et sa vocation de passeur.
Le 14 Février 1984, moins d’une semaine, après la célébration des événements de Sakiet, j’avais fait paraitre l’interview à la page trois du journal, c’est-à-dire dans un espace consacré à la politique et non pas au culturel. C’est dire le caractère exceptionnel que je voulais donner à la parole d’un homme de culture, en l’inscrivant dans la partie du journal réservée aux informations nationales.