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Corruption « soft » au Québec

Publié le 19 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Québec. Le premier ministre Jean Charest est confronté à des allégations de corruption dans la construction. Le rapport Duchesneau, qui a fait l’objet de fuites à Radio-Canada et dans La Presse, avant d’être finalement rendu disponible sur le site Web de Radio-Canada, a levé le voile sur un système organisé et assez répandu de collusion dans le domaine du transport, qui implique des entreprises de construction ainsi que des firmes de génie-conseil et le financement de partis politiques.

Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec

Corruption « soft » au Québec

Jean Charest, premier ministre du Québec

Ce coup-ci, espérons que la revue Maclean’s va laisser Jean Charest se débrouiller tout seul.

Rappelez-vous la Une du magazine torontois il y a un an : « Québec : la province la plus corrompue ». Maclean’s voulait exposer une situation bien réelle au Québec : la corruption qui gangrène l’État. Dans son reportage, le magazine aurait pu soulever qu’ici, le gouvernement intervient plus dans la vie de ses citoyens qu’ailleurs. Que les fonctionnaires, malgré leurs bonnes intentions, demeurent humains. Et qu’un État tentaculaire, en tripotant plus d’argent des autres, risque d’accoucher de plus de magouilles.

Mais non. Il fallait que Maclean’s — grosse gaffe! — pique au vif la fierté des Québécois. En enrobant son reportage d’une pseudo-théorie, mal bâclée, qui laissait entendre que cette corruption s’expliquerait par le nationalisme. Plus loufoque encore : par les gènes des Québécois!

Québec Bashing!

La réaction fut instantanée. Tous ont crié au « Québec bashing »!

Fin renard, Jean Charest a flairé l’occasion. Il a enfilé son costume de victime, et pris le micro pour défendre les pauvres Québécois. Et devinez quoi? Beaucoup d’entre eux, blessés dans leur orgueil, se sont rangés derrière lui et son gouvernement. Gare à quiconque osait associer Québec et corruption! L’ennemi extérieur nous avait tous unis.

Il y a un an, j’y voyais une occasion ratée. Une occasion pour les Québécois de prendre conscience d’un sérieux problème. La corruption, oui. Mais surtout : la corruption « soft ». Celle, légale, qui cause encore plus de dommages.

J’écrivais : « les Québécois ont tort de croire que l’État, c’est nous. Certaines fonctions du gouvernement sont essentielles et doivent demeurer. Et plusieurs fonctionnaires travaillent de façon exemplaire. Mais aujourd’hui, les groupes d’intérêt ont infesté l’État. Ceux-ci – centrales syndicales, grosses entreprises, lobbys de toute sorte – cherchent avant tout à s’enrichir à même les fonds publics. À même vos impôts. Ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus enracinés, de plus en plus indélogeables. Avec la complicité de politiciens opportunistes, ils nous mèneront tous (la gauche, la droite comme le centre) au bord du précipice financier. Demain? Dans 5 ans, dans 10 ans? Pas certain. Mais c’est le destin qui nous attend si nous les laissons faire. »

Car si le financement des partis politiques engendre des problèmes, l’« achat » de votes pour se faire élire en entraîne d’autres.

J’ajoutais : « C’est un problème de société fondamental. Un problème qui draine des ressources hors des missions essentielles de l’État. Qui met en péril la viabilité future des programmes sociaux, si chers à plusieurs. »

Cette fois, la bonne?

Soyons réalistes : le cancer est loin de se limiter à l’industrie de la construction, ou à la mafia. Comment peut-on s’endetter de 8 milliards par année, tout en ayant des services médiocres, qui dépérissent — routes, hôpitaux, écoles? Ça prend un sacré gaspillage. Un sacré détournement des fonds publics, à plusieurs endroits.

(Soulignons que le Québec n’est pas seul. La même logique prévaut ailleurs au Canada, même aux États-Unis.)

Les Québécois, pour une fois, s’intéressaient au problème, écrivais-je à l’époque. Des chroniques sur la théorie des groupes d’intérêt? C’est ennuyeux. Mais constater de visu, à la télé ou dans les journaux, à quel point on détourne votre argent durement gagné, tout en vous riant en plein visage, ça secoue. Comme voir des gens bien connectés à l’appareil politique s’enrichir pendant qu’on vous bombarde de nouvelles taxes.

Mais Maclean’s gâchait tout, en détournant notre attention. Déçu, j’écrivais : « Demain, sentirons-nous cette même ardeur chez la population pour exiger une enquête sur la construction? »

Aujourd’hui, je la sens. Ainsi qu’un parfum de révolte chez les contribuables. Et cette fois, personne ne viendra sauver Jean Charest.

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