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Thierry Vissac : Les écueils du développement personnel

Publié le 20 septembre 2011 par Unpeudetao

Un dénuement total

Nous faisons semblant d’oublier que nous sommes tous destinés à un dénuement total. Nos entreprises, nos familles et même notre corps disparaîtront un jour, sans prévenir. Une partie de nous peut trouver cela révoltant, mais il reste que c’est une loi de la nature qui ne peut être contournée.

Sur la base de cet oubli volontaire, nos croyances, nos certitudes, nos emportements et nos jugements sont sans fondement. La justice des hommes, elle-même, se fonde sur l’illusion que toutes ces choses éphémères ne devraient pas disparaître. Nous jugeons finalement les autres et les événements à partir de notre ignorance et de nos peurs. Nous vivons dans l’illusion.

Mais, en réalité, nous ne sommes pas ici pour jouer à ce jeu d’aveugles, pas de manière inéluctable en tous cas.

Notre société pourrait être animée par un regard plus honnête et courageux sans lequel nous continuerons à toujours blâmer quelqu’un pour les canicules, les ouragans, la mort de nos proches et l’évanescence de nos entreprises.

Il est nécessaire de confronter la réalité et de voir ce qu’elle nous enseigne.

Il est nécessaire, en conséquence, de voir tout ce que nous avons construit sur l’illusion.

Un conducteur qui perd le contrôle de son véhicule ne perd pas de temps à régler son autoradio.

Nous sommes en permanence en train d’aménager notre petit univers comme s’il était éternel, comme s’il était le but ultime de notre existence, comme s’il était l’objectif de notre vie. Et nous sommes donc en permanence les créateurs de nos détresses à cause de la loi naturelle dont je parle plus haut.

Nous sommes ici de passage, notre corps n’y survivra pas et nos alliances, amoureuses et familiales seront défaites à notre départ. Pouvons-nous regarder cette réalité en face et en tirer une conclusion inspirée pour notre vie ? Où voulons-nous continuer à croire que nos entreprises et nos alliances préservées à tout prix pendant quarante ou cinquante années sont les fruits véritables de notre passage sur terre ?

Il y a vraiment autre chose à réaliser. Nous ne sommes pas condamnés à cet aveuglement. Notre passage a un sens bien plus profond qui demande toute notre attention et une grande partie de l’énergie consacrée à faire durer … ce qui ne durera pas.

Nos hauts cris et nos lois ne font qu’exprimer notre terreur devant les lois de la nature. Nous refusons le changement, le transitoire, ce qui ne peut être maîtrisé, et nous condamnons ceux qui voient autrement. Ceux qui risquent un regard au-delà du décor que nous avons créé pour éviter de contempler la grande perspective nous renvoient à notre peur et notre fuite. Nous préférons les faire taire plutôt que de voir se réveiller nos peurs enfouies. C’est compréhensible, car nous sommes éduqués à croire en un monde factice où l’homme serait devenu maître des lieux et pourrait croire à son immortalité. Le reste ne peut être que délire mystique ou sectaire, comme on dit aujourd’hui. Prendre même un instant de recul sur la tourmente qui nous emporte dans l’illusion de nos entreprises et de nos croyances est assez mal vu. Il faut entretenir le rythme de la frénésie, pour qui et pour quoi, d’ailleurs, puisque nous sommes tous dans le même bateau ? C’est toute l’absurdité de l’hypnose collective où ceux qui pensent tirer les ficelles sont victimes de leur propre manipulation.

Nous avons besoin d’un réveil vigoureux. Nous avons besoin de ne plus museler les sages et de cesser d’écouter les fous (les premiers étant confondus avec les seconds depuis trop longtemps). Nous avons besoin de regarder la condition humaine dans sa réalité abrupte et d’en tirer une leçon fondamentale pour nos actions et nos engagements sur terre. Et nous devons cesser à tout prix de nous offusquer quand quelqu’un secoue un peu brutalement l’arbre auquel nous sommes accrochés.

Nous sommes tous destinés à un dénuement total. Mais nous sommes également destinés à aimer profondément cette nudité et à en comprendre le sens. Nous devons poser nos perruques poudrées de juges et de censeurs, nos costumes étroits qui seraient les symboles d’un pouvoir que nous n’avons pas et notre arrogance criminelle devant l’inconnu.

Nous ne savons rien, mes frères et sœurs. Mais nous avons passé des siècles à nous entretuer pour défendre notre ignorance ! Qui pourrait souhaiter en son âme et conscience faire durer une telle folie ?

Nous avons négligé une part essentielle de notre mission, laquelle ne nous empêche d’ailleurs pas de faire des enfants, des familles, des entreprises prospères etc. mais sans plus nous leurrer. Nous avons quelque chose à découvrir de bien plus important et nous avons tant généré de souffrances et d’injustices en accordant une importance primordiale, au point de les croire immortelles, à des choses secondaires.

Pour ceux qui s’intéressent à cette découverte, c’est la fin de la course et le début de la Vie.

Thierry Vissac   (Novembre 2005).

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 Son site :

www.istenqs.org


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