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Il faut privatiser les banques

Publié le 20 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Pourquoi vouloir nationaliser les banques alors que nous sommes d’ores et déjà dans une crise des banques étatisées? On a fini par caricaturer le capitalisme et donner raison aux gauchistes : « Il y a privatisation des profits et socialisation des pertes ».

Par Jacques Garello, administrateur de l’IREF et président de l’ALEPS
Publié en collaboration avec l’ALEPS(*)

Il faut privatiser les banques

Il faut privatiser les banques ! Mais elles sont privées, direz-vous.

Ma formule a en effet de quoi surprendre, mais c’est à dessein :

- d’une part, elle marque mon hostilité, et celle de beaucoup d’autres, à l’idée de génie qui germe dans certains esprits français : il faut nationaliser les banques ;

- d’autre part, elle traduit une réalité : les banques, et notamment les banques françaises, sont largement entre les mains de l’État.

De la sorte, nous vivons une crise des banques étatisées, et il en sera ainsi tant qu’on n’en viendra pas à la seule solution d’avenir : la privatisation de la monnaie et du crédit.

Nationaliser les banques : puisque les banques ont du mal à faire face à leurs obligations, l’État doit les aider, grossir leur capital et, tant qu’à faire, en devenir propriétaire. Je rappelle que les banques françaises sont en mauvaise posture parce qu’elles ont fait crédit à des emprunteurs pourtant au-dessus de tout soupçon comme les États, le grec, le portugais, l’italien, voire même le français.

En 2009, déstabilisées par les subprimes, les banques avaient accepté le prêt que leur avait amicalement proposé l’État français ; ce prêt a été entièrement remboursé, et a coûté fort cher car le Trésor français n’a pas fait de cadeau. Aujourd’hui, il semble qu’on veuille aller plus loin avec une nationalisation, sans doute à cause de la méfiance qu’inspire, à tort ou à raison, la conduite des banquiers et peut-être aussi, pour certains, la haine qu’ils vouent aux banques, temples du capitalisme.

Cependant, la nationalisation des banques se heurte à deux impossibilités :

1° L’État n’a plus d’argent non plus. À cause de l’euro il ne peut pas en faire fabriquer par la Banque de France ; il faudrait s’adresser à la Banque Centrale Européenne, qui a interdiction de le faire, et il faudrait l’accord des partenaires européens, Allemands compris. La seule possibilité pour l’État français serait donc d’emprunter pour fournir des liquidités aux banques. La « dette souveraine » de l’État français se gonflerait encore, et l’on amorcerait une opération de cavalerie : emprunter pour prêter, et prêter pour rembourser, donc emprunter pour rembourser.

2° L’expérience des banques nationalisées a prouvé ses limites et ses dégâts de 1945 à 1993, qu’il s’agisse des quatre plus grandes banques nationalisées en 1945, ou de toutes les banques nationalisées en 1981 en application du bon Programme Commun de la Gauche conçu en 1973. Pendant cette période les banques françaises ont perdu tout dynamisme pour devenir de vastes bureaucraties, alors que la finance mondiale se développait à toute vitesse. Les investissements ont été largement abandonnés entre les mains de la finance étatique, l’épargne française s’est évaporée dans des projets ruineux, tandis que les entreprises privées ont été sevrées de crédits. L’inflation a toujours été au rendez-vous, et le franc a été dévalué trois fois en deux ans (1981-1983). Enfin, la gestion a été scandaleuse, dans tous les sens du terme, en particulier avec l’épopée du Crédit Lyonnais et du Groupe Tapie. À l’heure actuelle encore, la Caisse des Dépôts et Consignations, le « bras financier de l’État », gaspille des centaines de millions d’euros, ce que la Cour des Comptes n’a cessé de relever. L’État banquier, l’État financier, ce n’est pas mieux que l’État transporteur, l’État postier, l’État électricien ou gazier.

Si l’État banquier n’inspire pas confiance, les banquiers de l’État ne sont pas davantage fiables. J’appelle banquiers de l’État ces personnes qui dirigent des établissements bancaires et organisent leur activité en servilité de l’État.

Cette servilité est souvent subie, et la réglementation imaginée par le pouvoir politique pour « réguler la finance » est sans doute l’une des origines de la crise. Les règles de Bâle, les encouragements au crédit immobilier à travers les subprimes, ont mis les pilules empoisonnées dans les comptes bancaires américains. L’abondance monétaire due au laxisme de la FED pour financer le Trésor et stimuler la dépense a fait le reste.

Mais cette servilité est aussi en partie acceptée, parce qu’en France gens des banques et gens de la politique sont les mêmes : issus des mêmes écoles (dont l’ENA), ayant fait carrière côte à côte dans les allées du pouvoir, ces grands banquiers n’appartiennent pas au monde de l’entreprise. Ils sont plus à l’aise dans les montages financiers que dans les investissements productifs. Il faut avoir une certaine dose d’inconscience pour accepter de financer des dettes souveraines, et les banques françaises l’ont pourtant fait avec beaucoup plus d’ampleur que les banques allemandes ou anglaises.

Mais allons au-delà des acteurs, pour parler de la scène où se déroulent les opérations monétaires aujourd’hui. La scène est dominée par des Banques Centrales, qui jouent le rôle du « prêteur en dernier ressort ». Les banques « de second rang » savent que, directement ou indirectement, l’État est derrière elles, et ne les abandonne pas à leur triste sort, surtout si elles ont une dimension nationale : « too big to fail ». On finit par caricaturer le capitalisme et donner raison aux gauchistes. « Il y a privatisation des profits et socialisation des pertes ». L’une des règles du marché est pourtant que celui qui accumule des pertes est éliminé par la concurrence, disparaît, ou est absorbé. L’une des exigences de la liberté est la responsabilité. Mais nos banquiers sont-ils responsables du capital dont ils ont théoriquement la charge, sinon la propriété ? Les administrateurs ne sont pas sous le contrôle des actionnaires et s’ils échouent ils reviennent reprendre leur place dans le secteur public, ou ouvrent leur parachute doré.

C’est pourquoi je me range dans le camp de ceux qui, comme Hayek, veulent voir disparaître les banques centrales, la gestion macro-économique de la monnaie et le droit régalien de battre monnaie, qui n’est en fait que le droit d’émettre de la fausse monnaie pour financer les dépenses publiques.

On va bien être obligé d’en venir tôt ou tard à cette solution. Dans ce domaine, comme dans d’autres, on peut et on doit se passer de l’État.

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Sur le web

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(*) L’ALEPSprésidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le progrès social, fondée il y a quarante ans, sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.


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