Perplexité. C’est la réaction du journaliste lorsque François Bayrou lui a avoué qu’on avait cherché à l’acheter avec
de l’argent sale.
Très prochainement, je reviendrai sur la rentrée politique très
réussie de François Bayrou, mais avant, je veux évoquer rapidement la prestation du président du MoDem
sur France Inter ce mardi 20 septembre 2011.
Depuis quelques jours, il a repris dans son argumentation un sujet assez populiste à propos des nombreuses affaires politico-judiciaires qui minent la
démocratie française. Si François Bayrou n’évite pas cette dérive démagogique avec quelques envolées anti-système, c’est parce que cette attitude politique est rentable électoralement.
Il l’avait déjà utilisée en s’en ayant pris énergiquement aux médias et à leur soumission aux pressions politiques et économiques en automne 2006, à
l’époque où sa candidature était inaudible dans les sondages. Cela lui a valu une percée très prometteuse dans les sondages.
Aujourd’hui, il semble renouveler le tir avec l’argent sale. Il a raison sur le fond. Sa condamnation sans
appel des pratiques de corruption est saine et salutaire : « Ce que nous vivons fait honte à tout le monde à tout le monde, (…) le fait qu’on
découvre au sein de l’État, des réseaux incroyables, deux, trois, quatre, cinq, des réseaux rivaux de corruption. ».
Mais son argumentation peut être beaucoup moins pertinente. Ainsi, ce mardi matin, François Bayrou est allé
un peu trop loin en reconnaissant avoir eu des propositions de "mallettes de billets" avec une phrase plutôt alambiquée : « Si on me l’a
proposé, les gens qui l’auraient fait se sont vu renvoyer dans les secondes de manière absolument indiscutable. ».
Patrick Cohen, l’excellent journaliste qui l’interviewait, lui a alors fait préciser : « Ce n’était pas au conditionnel. (…) Lorsque des propositions de cet ordre m’ont été faites, les porteurs de valises se souviendront assez longtemps des
réponses qu’ils ont entendues. » pour faire sa démonstration : « C’est juste pour dire qu’on peut dire non ! (…) On peut
évidemment remettre dans la vie politique française quelque chose d’élémentaire, qui est une honnêteté civique. Vous êtes en situation de responsabilités et vous êtes porteur
vous-même d’une partie de l’image, de la vie du pays qui est le vôtre, de son équilibre intérieur. ».
Prenant un air très attristé, François Bayrou en a même rajouté : « C’est très simple ; les choses dont nous parlons, je ne peux même pas en parler à mes enfants parce que c’est tellement troublant, infiniment
désespérant, je ne peux pas dire à mes enfants la réalité d’un certain nombre de choses… ».
Reprenant le troisième thème de sa future campagne ("construire une démocratie digne de ce nom"), le probable
candidat à l’élection présidentielle de 2012 a insisté : « La corruption, lorsqu’il s’agit de personnalités chargées de la République au sommet
de l’État, ça, c’est une corruption que simplement nous devons un jour ou l’autre éradiquer. ».
Ce témoignage personnel ne manquera pas de créer la polémique. En effet, ces accusations très graves et sans
beaucoup de précision font l’effet d’une bombe dans le paysage politique et rappellent amèrement les accusations vagues proférées par Luc Ferry sur un autre sujet. Malaise.
On pourrait même s’interroger sur les raisons pour lesquelles François Bayrou n’aurait pas dénoncé
immédiatement ces porteurs de valise. Il a justifié son silence un peu plus tard auprès des auditeurs de France Inter par des arguments d’ordre diplomatique, mais ses déclarations semblent à
l’évidence insuffisantes.
Nul doute qu’on n’a pas fini d’en reparler…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (20 septembre
2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Bayrou, le rassembleur de
Giens.
Interview
sur France Inter le 20 septembre 2011.