(…) Tous ces préparatifs minutieusement achevés, et les tas en place bien comme il faut, les affaires sérieuses peuvent commencer.
Discrètement, les mariés ont pris place sous un faré spécialement installé pour l’occasion. La foule des invités commence à défiler dans le calme pour aller les féliciter et leur souhaiter une
vie heureuse remplie de petites ignames.
En tête du cortège, pudiquement dissimulées sous un grand manou, se dandinent cinq jeunes filles, probablement l’équivalent de nos damoiselles d’honneur.
Viennent ensuite les porteurs des cadeaux destinés directement aux mariés. Ces présents sont tous plus alléchants les uns que les
autres : valises anachroniques renfermant un contenu secret (j’opte pour des régimes de bananes, mais la présence de pièces de bœuf n’est pas à exclure), nattes tressées, râteaux, bassines en
plastique…
Les invités, à la queue leu leu, se pressent sous le faré. Ils embrassent les deux tourtereaux et, avant de ressortir, reçoivent en échange et en pleine poire une poignée d’une poudre blanche mystérieuse, ni farine, ni cocaïne, que pour t’enlever ça, après, c’est tout un bordel… Renseignement pris, il s’agit d’une poudre spéciale vendue uniquement pour un usage festif. Lorsque j’explique que, chez moi, la coutume veut que ce soit des poignées de riz que l’on jette sur les nouveaux époux, je déclenche quelques regards surpris devant des mœurs aussi curieuses :
- Ici, le riz, on cuit et on mange lui.
Au bout d’une demi-heure, les derniers invités quittent le faré. Je guette fébrilement l’apparition des deux épousés de frais, histoire
de leur tirer le portrait. Je n’aperçois que la jouvencelle, qui apparaît mollement dans un nuage féerique de poussière crayeuse. Visiblement, elle n’a pas mégotté sur la poudre magique. Mariage
crayeux, mariage heureux ! Elle irradie, magnifique dans sa robe mission Jean-Paul Gaultier, modèle « Libertine ». Nous assistons émerveillés à un retour en force des imprimés, motifs
floraux novateurs aux nuances bicolores d’un bleu délicatement up-to-date, agrémentés d’un gimmick fashion audacieusement mordoré. Son mari et maître, par contre, est aux abonnés absents.
Visiblement, il s’est carapaté en douce par derrière.
Alors que, petit occidental romantique qui ne se refait pas, j’exprime à haute voix ma surprise de ne pas voir les néo-mariés sortir ensemble de sous le faré, tendrement enlacés, le regard humide chaviré par un trop plein d’émotion passionnée, pour offrir à la foule avide la vision de leur bonheur torride, j’obtiens cette réponse au charme délicieusement suranné :
« Maintenant le mariage il est fini, la vie elle redevient normale : les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes. »
A suivre…