Semaine cruciale pour la reconnaissance d’un État palestinien devant les Nations unies. La Palestine va-t-elle devenir le 194e membre de l’ONU ? C’est ce que demande, malgré les pressions d’Israël et de ses complices américains et européens, le président palestinien Mahmoud Abbas alors que s’est ouvert la 76e session de l’Assemblée générale.
Lundi 20 septembre s'est ouvert à New York, comme tous les ans, l’Assemblée générale des Nations unies. Un rendez-vous rituel de ce que l’on appelle « la communauté internationale ». Cette année, le rituel va être bousculé par un événement dont la perspective agite depuis des mois les puissants de ce monde : la demande d’admission de l’État de Palestine. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas doit la présenter vendredi au Conseil de sécurité de l’ONU. Si ce dernier l’accepte, il suffira que l’Assemblée générale approuve et la Palestine sera le 194e membre des Nations unies. Ce scénario de rêve, qui gonfle les cœurs d’espoir, les Palestiniens savent qu’il a peu de chance de se réaliser : les États-Unis s’y opposeront. L’alternative pour les Palestiniens sera de s’adresser directement à l’Assemblée générale. Elle n’a pas le pouvoir d’admettre un nouveau membre contre l’avis du Conseil de sécurité, mais peut accepter un « État non membre » qui participe à ses travaux sans droit de vote.
L’annonce de cette intention palestinienne a provoqué un branle-bas de combat sans précédent. Israël a lancé une campagne intense de lobbying, sonnant l’alarme comme si une guerre lui était déclarée. « Ce serait un tsunami pour Israël ! » déclarait à Washington Ehoud Barack, ministre de la Défense (ex-travailliste) du gouvernement de Netanyahou. Ce dernier menace l’Autorité palestinienne de représailles économiques. Son bras d’extrême droite, Lieberman, agite les foudres de la répression, voire de la déportation, et mobilise des colons armés à travers toute la Cisjordanie.
Mettre fin à une injustice
Pourtant, quoi de plus légitime que la demande palestinienne ? Et quoi de plus naturel qu’un tel vote pour l’ONU ? N’a-t-elle pas décidé, en 1947, la création d’un État palestinien à côté de celui d’Israël ? N’a-t-elle pas confirmé, maintes fois depuis, le droit des Palestiniens à cet État ? Au nom de quoi lui interdirait-on, soixante-trois ans plus tard, de tenir cette promesse ?
Déjà, près de 130 pays sur 193 se sont engagés à voter pour. Parce qu’il s’agit, tout simplement, d’appliquer le droit. De mettre fin à une injustice qui a déjà provoqué trop de guerres, trop de souffrances. Parce qu’ils savent que l’illégalité est du côté d’Israël, qui occupe et opprime un autre peuple. Parce qu’ils ont compris que tolérer ce crime aggrave le désordre du monde. Comme l’ont compris 82 % de Français, qui estiment juste la création de cet État, libre et indépendant, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Ce que craint Israël, c’est la solitude face aux peuples du monde. Un isolement aggravé par la récente rupture avec la Turquie, le retrait des ambassadeurs d’Égypte et de Jordanie, la fermeture de tous les bureaux d’intérêt ouverts dans le monde arabe après Oslo. Malgré ses puissants complices – États-Unis, Canada, une partie de l’Europe –, Israël est seul dans un monde méditerranéen en révolution.
Ses arguments sont d’une effarante mauvaise foi : il faut, dit Netanyahou, que l’État palestinien résulte d’une négociation avec nous. Mais celle qui dure depuis les accords d’Oslo en 1993, qu’a-t-elle produit ? Toujours plus de terres occupées pour bâtir toujours plus de colonies et rendre un État palestinien impossible en pratique. Et elle est gelée depuis deux ans, Netanyahou ayant refusé d’arrêter de construire dans les colonies, au moins pendant les discussions. Yasser Arafat nous avait dit un jour : « Les Israéliens ont une étrange conception de la négociation : ils volent votre voiture puis vous proposent de négocier combien de roues ils vont vous rendre. Israël occupe plus de 80 % de la Palestine et refuse de reconnaître nos droits sur les 22 % qui restent. »
Le moment est donc venu. L’heure de vérité. Il faut saluer le courage des Palestiniens qui osent, en dépit des pressions et des menaces, ce geste politique, porteur de paix. Un geste qui rappelle celui de Yasser Arafat tendant en 1974 à la tribune de cette même Assemblée le rameau d’olivier. Les Nations, cette fois, sauront-elles le saisir ?