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Max | Le 22 septembre

Publié le 22 septembre 2011 par Aragon

brassens6.jpgC'était un orfèvre des mots, un artisan du verbe, un ciseleur. Il pouvait passer des mois, des années à polir un vers jusqu'à ce qu'il s'emboîta bien. Quand j'étais jeune, que je l'aimais déjà, je ne pensais pas qu'il mourait. Puis j'ai su que tout le monde meurt. Que tout meurt.

Je rends grâce à mon père de ce premier microsillon (que j'ai toujours), un 45 tours qu'il me permit d'acheter. C'était en 1964, je m'en souviens précisement. Cette année-là on eut ma soeur mon frère et moi le tourne-disque. On alla l'acheter chez Radiola à Orthez. Quel évènement ! Il nous permit, papa, d'acheter  avec, pour l'essayer, trois 45 tours au choix à condition qu'il y eut au moins André Dassary et Tino Rosbif. Alors mon dabe eut ses blés d'or et autre bella chi chi chi mais on acheta aussi ce jour-là  un disque de Brassens et y'avait dessus "le 22 septembre".

Mes parents haïssaient Brassens qui était malpoli. Mais, grâce leur soit aussi rendue, il ne nous ont jamais empêché de l'écouter, librement. Nous, enfin ma soeur et moi, mon petit frère ché pas, qui adorions Brassens. A douze ans je respirais ma vie par les poumons, les pores de Georges.  De Georges, mais je disais aussi à celui qui me demandait mon chanteur préféré que c'était Béfébéfé (Brassens-Ferré-Brel-Ferrat). Mais Georges me fascinait. J'ai appris et aimé la langue française grâce à Brassens et j'en suis toujours éperdument amoureux de cette fabuleuse langue française. Alors voilà, on est le 22 septembre 2011 aujourd'hui. Les nouvelles étasuniennes me pourrissent la vie. Quand je pense qu'ils sont sur le podium des tueurs légaux avec la Chine, la Corée du Nord, le Yémen, quelques autres pays qui n'ont de pays que le nom. Quand je pense qu'on tue légalement... Bon, enfoirés d'américains vous ne me gâcherez pas mon 22 septembre.

Depuis 1964, chaque 22 septembre je pense particulièrement à Brassens. Je me souviens de ma première chanson, ce "22 septembre", de ces mots de clôture qui me fascinaient à l'époque quand je les découvris, que je ne comprenais pas bien, que je comprends mieux aujourd'hui : "Et c'est triste de n'être plus triste sans vous"

Un vingt-deux de septembre au diable vous partites,
Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous...
Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre,
Plus une seule larme à me mettre aux paupières:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
On ne reverra plus au temps des feuilles mortes,
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous...
Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Pieusement noué d'un bout de vos dentelles,
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous...
Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
Les regrets éternels à présent me dépassent:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Désormais, le petit bout de coeur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous...
Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous.
Et c'est triste de n'être plus triste sans vous

Paroles et Musique: Georges Brassens   1964 © Editions musicales 57


Brassens-Le 22 septembre par kitsch


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