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Les trous noirs

Publié le 23 septembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Les trous noirs

Dans les soirées mondaines, il est désormais du dernier vulgaire de parler de la Princesse de Clèves ou de la dernière exposition d’art contemporain dont vous n’avez vu que le vernissage. Evitez également les sujets qui fâchent comme les sous-marins et le Pakistan, qui risqueraient de vous brouiller avec vos amis, même si le tee-shirt de campagne  1995 d’Edouard Balladur reste une valeur sûre en terme de hype, tant il a rapporté de liquidité sans que personne n’en ait jamais vu. Aujourd’hui pour briller en société et pour épater vos convives, partagez avec eux votre nouvelle passion pour la physique quantique. Parsemez votre conversation de théorie des cordes, de quarks, de trous noirs, citez Richard Dawkins à tout bout de phrase, et votre auditoire plus captivé par l’extension de l’univers que par le rétrecissement de la culture boira vos paroles avec l’avidité du chameau qui n’a point vu l’oasis depuis des lustres.

L’un des mythes les plus connus de l’astrophysique est le trou noir, et divine surprise, il était à l’ordre du jour de la propagande gouvernementale hier. La France est menacée par l’un de ces monstres d’antimatière qu’elle a elle-même créé: le trou de la Sécurité Sociale. Depuis que les communistes du Conseil national de la Résistance ont juré la ruine de la France éternelle, ce trou ne cesse de se creuser en dépit de la volonté affichée de tous les gouvernements de le combler à court terme. Et les bolcheviques qui peuplent notre nation ne cessent de tomber malades exprès pour que l’Etat au comble de la paupérisation tombe entre les griffes rouges de sang français de Moscou et de Pékin. En dépit de la participation forfaitaire, du forfait journalier, des déremboursements de médicaments, du parcours de soins qui assigne le patient à un médecin traitant et autres mesures d’hygiène, rien ne semble arrêter le trou qui dévore les finances publiques. Il est vrai que jusqu’à présent, on n’a fait que réduire les dépenses, mais pas grand-chose n’a été envisagé pour augmenter les recettes de la Sécurité Sociale. Toutes les politiques de l’emploi depuis quarante ans se résument à des exonérations de charges aussi efficaces qu’un bol de soupe brûlante contre la canicule, et dame Sécu se trouva bien dépourvue quand la grippe A fut venue. Pour ne pas faire de peine aux médecins libéraux on augmente le prix de la consultation; pour faire plaisir au cliniques privées on instaure la tarification à l’activité (T2A) qui ruine l’hôpital public, transforme les campagnes en déserts sanitaires, autorise les dépassements d’honoraires les plus délirants pour les patients, et les dépassements horaires les plus surréalistes pour le personnel; pour agréér les plus poujadistes des entrepreneurs, on exonère de charges les heures supplémentaires et on baillone inspecteurs et médecins du travail; enfin, on créé des taxes sur les mutuelles qui en fin de compte sont répercutées sur l’usager. Les assurances privées s’en battent les muscles obliques internes (les flancs), la santé ne représentant pour elles qu’un produit d’appel pour la bagnole et l’assurance vie, en attendant que tout soit privatisé.

A l’intérieur du trou noir de la Sécu, il y a un autre trou, qui est l’une des marottes du Premier Ministre François Fillon. A l’aide de son téléscope ultraperfectionné, il a observé que les bolcheviques, en plus de se refiler des microbes de leur plein gré, faisaient aussi de leur mieux pour vieillir si vite que les actifs n’arrivent plus à cotiser à un rythme assez soutenu pour assurer une rente pour leurs vieux jours. Il nous avait pourtant juré sur tous les tons et tous les modes, sauf le phrygien qui lui rappelle le bonnet révolutionnaire du même nom et dont l’étymologie grecque lui rappelle la crise, que sa dernière réforme était financée pour les siècles des siècles. Mais comme les quanta sont une discipline ardue, M. Fillon refait régulièrement ses calculs et propose une nouvelle réforme des retraites tous les deux ans. Comme la croissance économique n’est pas aussi vigoureuse que prévue (les prévisions étant en général aussi fiables que l’estimation de la date de la fin du monde), le sinistre ministre envisage d’aligner le régime de retraite français sur le modèle allemand et de repousser la fin de carrière à 67 ans, privant du même coup « Des chiffres et des lettres » d’une bonne partie de son public. Là encore, pas question d’élargir l’assiette de cotisations en échaffaudant une vraie politique d’emploi ou en ouvrant un appel à l’immigration comme le préconise Dominique Staline Kahn, parce que les politiques à long terme ne rapportent pas autant que les rétrocommissions, et sont peu porteuses électoralement tant le commun des votants n’a pas l’esprit assez fin pour mesurer des ordres de grandeur en années lumières comme M. Fillon et son équipe de chercheurs du Medef, qui sont à la recherche scientifique sur les trous noirs français ce qu’Elisabeth Teissier est à l’astrologie: des sommités, et des références internationales. On ne peut que féliciter leur abnégation tant la disette touche aussi les vrais chercheurs qui essaient avec les moyens du bord de trouver des remèdes aux maladies qui affectent l’humanité pendant que l’Oréal paie grassement des arrivistes pour rendre nos cheveux plus brillants et moins cassants.

Dans un prochain épisode, nous interviewerons Nadine De Rothschild pour savoir si la bienséance impose un ordre protocolaire dans les chantiers de destruction du service public, ou si ces mesurettes ne sont que des petits-fours avant la grande exposition de fourberies de la présidentielle.


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