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Les rites de la politique (8) : le comparatif avec un autre pays

Publié le 23 septembre 2011 par Variae

Hier après-midi, alors que je lisais les préconisations de notre premier ministre bien aimé en matière de retraites et de convergence avec l’Allemagne, je tombai sur ce tweet bien senti :

 

Les rites de la politique (8) : le comparatif avec un autre pays

Non seulement c’est exact, mais en outre, le discours politique est régulièrement truffé de références géographiques et nationales parfois obscures pour le non-initié. Variae™, blog de service public, a donc décidé de mettre à disposition de ses lecteurs un petit atlas lexical pour comprendre ce qu’on leur dit, la prochaine fois qu’on leur présentera un comparatif, ou qu’on leur parlera de « convergence », avec un autre pays. Et pour forger leurs propres comparatifs pour briller en société.

L’Allemagne

Emploi : pour rappeler à son auditoire, affectueusement mais fermement, qu’il existe un pays fantastique où l’on ne fait jamais grève, où les travailleurs travaillent, sans se plaindre quand on baisse leur salaire, et sans réclamer les 35H. Le Teuton est aussi très fort pour fabriquer des machines-outils qui s’exportent bien et pour faire grossir ses PME.

Dans la bouche de : Michel Godet, Hugues Serraf, Laurence Parisot, Nicolas Sarkozy

Exemple : « Les Allemands ont une règle d’or, pourquoi pas nous ? » « Ce n’est pas l’Europe qui s’appauvrit, ce sont les Européens qui ne sont pas assez allemands »

La Grèce

Emploi : pour mettre en garde son auditoire contre les risques à long terme du farniente, du départ à la retraite trop précoce, et du refus de se calquer sur les standards anglo-saxons. Sert aussi d’exemple canonique pour dénoncer la paresse et la désorganisation congénitales des pays latins. Le gouvernement grec a beaucoup de mal à récupérer les impôts que lui doivent ses administrés  – ou peut-être que ça le fatigue de le faire, allez savoir. Une bonne cure d’austérité ne lui fait jamais de mal.

Dans la bouche de : François Fillon, Christine Lagarde (pré-FMI), Xavier Bertrand, Jean-Jacques Bourdin, un auditeur de Jean-Jacques Bourdin.

Exemple : « Sans les courageuses réformes du président Sarkozy, la France en serait dans le même état que la Grèce » « On va quand même pas payer pour les Grecs ? »

La Scandinavie

Emploi : pour expliquer aux électeurs qu’un eldorado du parfait équilibre entre marché et régulation existe, et même que d’ailleurs ils ont toutes les solutions pour que ça aille mieux en France, et qu’on se demande bien pourquoi personne ne les applique. Remplacer « Scandinavie » par Danemark/Norvège/Suède/Finlande, au choix ; c’est pareil, en gros, il y fait froid et les rapports sociaux sont apaisés. Essayer de placer « flexsécurité » dans la phrase.

Dans la bouche de : un militant de la CFDT, Efaaa Joly, un lecteur régulier de la République des Idées ou du NouvelObs

Exemple : « En Scandinavie, la politique est totalement paritaire, transparente et honnête ». « En Scandinavie, les enfants sont dix par classe, ils ne sont pas notés et vont à l’école en raquettes »

Le Maghreb

Emploi : pour inciter son auditoire à s’indigner et à rejeter en bloc la société libérale et injuste dans laquelle il végète : ils l’ont bien fait, les Tunisiens, les Libyens, les Egyptiens ; alors pourquoi pas nous ? Vite, créons un événement Facebook pour appeler à manifester !

Dans la bouche de : Stéphane Hessel, un lecteur de Stéphane Hessel, un ravi de la crèche numérique (© Laurent Bouvet), un indigné de la place de la Bastille

Exemple : « Grâce à la seule force de Twitter, les Tunisiens ont renversé Ben Ali » « Emeutiers anglais et révolutionnaires arabes, c’est un même cri pour la liberté qui est poussé »

Remarque : un usage minoritaire a déjà été constaté chez des militants UMP pour souligner que sans Sarkozy, Facebook et Twitter n’auraient pas suffi à libérer nos voisins méditerranéens. « En Libye, tous les enfants nés depuis la révolution sont appelés Sarkozy »

La Chine

Emploi : pour désigner le grand coupable, et aussi notre maître de demain. Au début, le Chinois était communiste et nous laissait tranquille : il fabriquait même des jouets pas chers, donc avantageux pour nous. Mais à force de fabriquer des jouets pas chers, il a fait fermer nos usines et nous a volés nos brevets. Du coup on devient pauvre et on ne peut plus acheter d’autres jouets que ceux, pas chers, du Chinois. Le Chinois est fourbe.

Dans la bouche de : Arnaud Montebourg, un journaliste de Marianne, un cadre de chez Renault témoignant anonymement.

Exemple : « Sans la démondialisation, nous sommes perdus face à la Chine » « La Chine fait du protectionnisme, pourquoi pas nous ? »

Atlas à suivre !

Romain Pigenel

D’autres rites de la politique à observer par ici


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