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Le procès politique de Jean-Claude Bouthemy

Publié le 24 septembre 2011 par Mister Gdec

Le procès politique de Jean-Claude Bouthemy

Droit à obtenir un emploi : Un procès politique le 28 septembre

Notre camarade Jean-Claude Bouthemy nous adresse une Lettre ouverte que nous publions dans son intégralité. Depuis des années, il revendique l’application de l’Alinéa 5 du Préambule de la Constitution qui stipule : «Chacun a le Devoir de travailler et le Droit d’obtenir un emploi». Le 28 septembre, Jean-Claude comparaît devant le Tribunal correctionnel de Rennes pour l’avoir taggé sur une agence Pôle Emploi. Il encourt 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende à l’occasion d’un procès qu’il qualifie de «politique».

Le procès politique de Jean-Claude BouthemyMesdames, Messieurs,

Le 28 septembre 2011, je dois passer devant le Tribunal correctionnel de Rennes pour avoir revendiqué le Droit constitutionnel d’obtenir un emploi.

Pour avoir inscrit ces quelques mots sur un bâtiment occupé par l’agence ANPE de Fougères : «ALINÉA 5 un EMPLOI pour CHACUN», le parquet me demande des comptes pour délit de dégradation ou détérioration d’un monument ou objet d’utilité publique. Il s’agit d’un procès politique !

Je vais démontrer que le pouvoir, en réponse à ma revendication d’un Droit inscrit dans le Préambule de la Constitution, a instrumentalisé une administration, en l’occurrence Pôle Emploi, pour pouvoir porter cette affaire devant le tribunal et obtenir ma condamnation.

J’imagine votre incrédulité face à une telle affirmation et je comprends qu’avant d’adhérer à une telle idée, vous ayez envie d’en savoir un peu plus et surtout de voir les documents sensés étayer mes affirmations. C’est la raison de ma démarche.

J’ai créé un site http://jcbouthemy.blogspot.com sur lequel j’ai mis en ligne mes conclusions qui contiennent les arguments juridiques que j’entends présenter devant le tribunal.

Résumé de l’affaire :

Suite au tag que j’avais écrit revendiquant le Droit constitutionnel d’obtenir un emploi, qui faisait suite à d’autres démarches visant le même objectif, l’ANPE, sans informer le propriétaire du bâtiment et se substituant à lui, a porté plainte contre moi. Ce qui a permis de mettre en route l’action de la justice et semble la seule réponse du pouvoir politique au problème du chômage et à l’application effective du Droit constitutionnel d’obtenir un emploi.

Un procès politique :

Pour affirmer qu’il s’agit d’un procès politique, plusieurs conditions doivent être réunies. Il faut démontrer qu’il s’agit d’une initiative du pouvoir en place. Qu’il s’agit de museler, d’étouffer ou de sanctionner une revendication politique. Qu’il y a une instrumentalisation de l’appareil répressif.

1) Initiative du pouvoir
À partir du moment où ma revendication était inscrite sur le mur extérieur d’un bâtiment appartenant à une personne privée, et que ce bâtiment était lui-même construit sur un terrain appartenant à cette même personne privée, la justice ne pouvait être saisie que si il y avait au départ une plainte en bonne et due forme déposée par le propriétaire du bâtiment.

Lorsque la directrice de l’agence ANPE de Fougères a déposé plainte au commissariat, c’est en application des directives de sa hiérarchie comme elle me l’a confirmé au téléphone. Les responsables de l’ANPE d’alors, fonctionnaires de l’État, ne pouvaient ignorer que l’État n’était pas propriétaire du bâtiment. Ce n’est certainement pas de leur propre initiative qu’ils ont décidé de se substituer au propriétaire. Cette décision a été prise par la hiérarchie administrative.

À la lecture du PV de dépôt de plainte de l’ANPE, on apprend plusieurs choses qui nous permettent d’appréhender une partie de la vérité. Il est évident que la directrice savait, avant même de se rendre au commissariat, que j’étais l’auteur de l’inscription puisqu’elle avait pris soin de prendre des informations sur mon dossier personnel.

En portant plainte contre moi, il s’agissait de donner au parquet les moyens d’entamer une procédure juridique contre moi, comptant sur le fait que personne n’irait se renseigner sur le véritable propriétaire du bâtiment sur lequel j’avais écrit ma revendication.

2) Sanctionner une revendication politique
Il fallait que l’enjeu soit considéré comme important pour franchir le cap de la dénonciation calomnieuse. Il est quasiment certain que si mon inscription n’avait pas consisté en une revendication politique, elle n’aurait pas subi le même traitement. Je reconnais que mon entêtement à me réclamer de ce Droit constitutionnel que le monde politique dans son ensemble considère comme incompatible avec le libéralisme mondialisé, a pu en irriter certains qui ont vu l’occasion de me dissuader de poursuivre dans cette voie.

3) Instrumentalisation de l’appareil répressif
Le Code pénal prévoit plusieurs niveaux de sanction pour ce type d’infractions.

• D’une part, les articles 322 et suivants envisagent des peines d’emprisonnement et relèvent du tribunal correctionnel.

• D’autre part, l’article R635-1 du même code envisage une contravention et relève du tribunal de police.

À partir du moment où je suis considéré comme primo délinquant, que j’ai agi seul et que le préjudice peut être effacé par simple «gommage», la logique aurait voulu que mon acte relève tout au plus du tribunal de police, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de Cassation du 25 juin 1963 qui avait considéré qu’à partir du moment où les prévenus s’étaient bornés à tracer des inscriptions qui, n’étant pas indélébiles, n’étaient pas susceptibles d’altérer dans leur substance les bâtiments sur lesquels elles ont été apposées (…), ces inscriptions n’entrent pas dans la classe des dégradations visées par l’article 257 du Code pénal (art 322-1 ncp).

Le parquet a donc choisi l’axe le plus répressif qui porte la peine de prison à 3 ans et l’amende à 45.000 euros lorsque le bien est destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et qu’il appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public.

Manque de chance, je suis en mesure de prouver que le bâtiment ne remplissait aucune de ces deux conditions et, de plus, ce paragraphe a été abrogé. Le parquet s’est laissé aveugler par son acharnement à vouloir m’infliger la plus haute sanction. Le fait d’apporter une réponse judiciaire à une juste revendication politique suffit à démontrer que le procès qui m’est fait est bien un procès politique.

Puis-je avoir raison en étant seul à revendiquer ce Droit ?

À partir du moment où je me retrouve seul dans cette affaire qui touche un Droit fondamental et concerne plusieurs millions de citoyens, il est logique qu’un observateur impute mon comportement à un délire paranoïaque. Il me faut donc répondre à cet argument (…).

Tout d’abord, dans n’importe quel pays, sous n’importe quel régime, les dissidents sont le plus souvent isolés. Est-ce pour autant que cela enlève de la pertinence à la justesse de leur combat ?

Ensuite, il me faut revenir sur un précédent combat judiciaire que j’ai mené avec succès, lorsque je me suis battu contre Véolia pour obtenir une eau du robinet conforme aux normes en vigueur. J’ai été le plus souvent seul alors même que nous étions plusieurs milliers de consommateurs à être concernés par ce problème. Aucun parti politique, pas même les Verts, ne m’a soutenu. Aucune association, fut-elle écologique, aucun syndicat, aucun groupe de citoyens n’a voulu se joindre à mon action. Les rares individus qui ont accepté de mener le combat avec moi se sont fatigués au long des 9 années de procédure.

Pour autant, la décision du tribunal de condamner, en date du 4 juin 2009, la société Véolia à me verser la somme de 5.127 euros en réparation du préjudice subi pour fourniture d’eau polluée a-t-elle moins de valeur que si la même somme avait été accordée aux milliers d’individus qui en avaient autant le droit que moi ?

Le fait que je sois seul rend mon combat plus difficile mais ne saurait le priver de fondements juridiques.

Pour éclairer le tribunal sur l’interprétation du Droit constitutionnel d’obtenir un emploi, j’ai fait citer Mr DEBRÉ, président du Conseil Constitutionnel, Mr WARSMANN, Président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale et Mme AUBRY, alors Secrétaire nationale du Parti Socialiste.

Certains ne manqueront pas de se poser la question sur les raisons d’un tel revirement dans ma stratégie de défense et pourront même me suspecter d’opportunisme, de profiter de l’approche des élections pour ouvrir un nouveau front anti-sarkozy, de me joindre à la meute des «Sarkozy m’a tuer».

L’explication est plus simple, révélatrice de notre justice et des droits de la défense.

D’une part, ce n’est qu’à l’audience de février que l’avocat de Pôle Emploi m’a communiqué ses conclusions dans lesquelles l’organisme se constituait partie civile contre moi. Jusqu’alors, pour me défendre, je ne disposais que de la convocation remise par la gendarmerie sans avoir accès à l’ensemble du dossier qui n’était pas disponible, ne pouvait être photocopié faute de temps, et sans que je connaisse les demandes qui m’étaient faites.

Suite au renvoi de l’audience, j’ai été victime du même comportement de la part du greffe qui trouvait toujours un nouveau prétexte pour me refuser l’accès au dossier. Une fois, deux fois, jusqu’à ce que je décide de ne plus quitter le greffe sans avoir pu consulter l’ensemble du dossier. Des gros bras sont venus. On a fait appel à la police, à des pressions et des menaces, mais j’ai tenu bon. Et on m’a enfin remis une copie du dossier ainsi que le prévoit la loi.

C’est alors que j’ai pu l’étudier, comprendre le rôle de chacun des intervenants, mener un minimum d’enquête auprès du cadastre, des chambres de commerce, et que j’ai constaté que Pôle Emploi avait usurpé la qualité de propriétaire pour permettre ensuite au parquet de mener la charge contre moi.

Il est évident que si je n’avais pas demandé le renvoi, jamais je n’aurais pu me rendre compte du piège qui m’était tendu par le pouvoir et qu’il m’aurait été impossible de déjouer faute d’accès aux documents et de temps pour effectuer les recherches.

C’est certainement ce scénario qu’avaient imaginé ceux qui se sont prêtés à cette dénonciation calomnieuse. C’était sans compter sur le hasard, sur la surcharge de l’audience de février, sur mon entêtement…

J’ai pris acte de ces nouvelles informations et j’ai reconsidéré le rôle de chacun et, en particulier, celui du pouvoir qui, dans sa volonté de ne pas rendre effectif pour tous le Droit d’obtenir un emploi, n’hésite pas à se servir du bras armé de la justice pour me dissuader de poursuivre ma revendication d’un tel Droit.

J’estime donc que cela relève d’un procès politique.

Mes objectifs :

• En me défendant, je veux porter devant la justice cette question du Droit constitutionnel d’obtenir un emploi dont sont exclus plusieurs millions de nos concitoyens.

• Je veux aussi démontrer que ce pouvoir n’hésite pas à recourir à des méthodes très contestables lorsqu’il s’agit de briser des revendications légitimes.

• Il me paraît aussi intéressant de démontrer que l’on peut se battre pour le progrès social par des moyens pacifiques. D’une certaine façon, je prends exemple sur la démarche de Granville Sharp qui, en 1772, avait obtenu de la justice anglaise la reconnaissance de l’illégalité, pour un être humain, de s’octroyer un titre de propriété sur un autre être humain. Je reste persuadé que cette initiative a grandement contribué à l’abolition de l’esclavage.

• À l’occasion de ce procès, je souhaiterais mobiliser ceux qui considèrent que la situation de chômeur est intolérable en leur permettant de se constituer partie civile (lire dans les commentaires).

• Et enfin, je rêve au jour où le «Droit d’obtenir un emploi» figurera au nombre des Droits de l’Homme.

Jean-Claude Bouthemy

Merci au site Actu-chômage pour ses combats pour les chômeurs et les précaires… car, en politique, qui les défend encore ?

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