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Karachigate : le 21 septembre (2011) de Nicolas Sarkozy

Publié le 24 septembre 2011 par Kamizole

Il n’est pas certain qu’il eût envie de marquer cette date d’une pierre blanche. Poursuivi par une «fable» selon ses propres termes, ce que rappelle fort opportunément Le Parisien le 22 sept. 2011 ... Je ne sais quelle en serait la morale selon Jean de La Fontaine sinon peut-être, s’agissant de la vérité, «qu’on lui ferme la porte au nez, elle reviendra par la fenêtre». Le Monde a illustré son article Karachi : avec Bazire et Gaubert, la justice touche au "premier cercle" sarkozyste (21 sept 2011) d’une photo des plus "parlantes" : il y tire une tronche encore plus dépitée et crispée que d’habitude. La mise en examen - le même jour ! - par le juge Van Ruymbeke (dont on connaît la coriacité) - de deux proches de Nicolas Sarkozy fera peut-être plus de dégâts dans sa carrière future que l’explosion de l’usine AZF dont on commémorait le même jour à Toulouse le triste dixième anniversaire... Serait-ce le "début de la fin" ou la "chronique annoncée" de "la chute de la maison Sarko" ?

Les occasions de me réjouir se font plutôt rares ces temps-ci mais faisant une pause repas devant la télévision dans la soirée du 21 septembre, je n’ai pu m’empêcher de franchement rigoler en suivant les nouveaux développements de cette affaire sur BFM-TV. Ne seront surprises que les personnes qui n’ont pas suivi les méandres de cette affaire d’Etat depuis la mi-juin 2009.

J’avais dépouillé à l’époque un nombre incalculable d’articles de presse, pour les plus intéressants : Libération, Le Monde, Bakchich et Médiapart, en n'ayant garde d'oublier «Plume de presse» de l’excellent Olivier Bonnet  et les blogs amis qui, à l’instar de Seb Musset, entendirent Ne pas lâcher Karachi (23 juin 2009) : Sarkofrance ; Saint-Pierre des Corps ; Bah ! by CC ; Dedalus et Nicolas de Partageons mon avis.

L'affaire était complexe à souhait ce qui n'est guère étonnant : le parcours de l'argent sale doit être des plus embrouillé précisément pour déjouer les éventuelles enquêtes. L'on se perd aisément dans ce maquis de multiples sociétés écran qu'elles fussent domiciliées dans les paradis fiscaux des Caraïbes ou du Luxembourg, d'ex-barbouzes reconverties dans l'intelligence économique - entendre espionnage - et autres personnages douteux. Si le juge Van Ruymbeke veut remonter toutes ces pistes et filières, il n'est pas près d'être au chômage. Après tout, ces affaires remontent à plus de 15 ans, la bonne justice peut être patiente. Imaginez Nicolas Sarkozy - quand il ne sera plus président de la République - en garde à vue dans les locaux parisiens de la brigade financière !

Je n'ai eu cesse de répéter qu'un John Le Carré ou autres Morris West auraient là matière à écrire un thriller, surtout en y ajoutant la non moins rocambolesque affaire des «frégates de Taiwan» où, si les intermédiaires ne sont pas les mêmes, nous retrouvons les mêmes entreprises travaillant pour la Défense nationale, à ceci près que pour corser le tout de nombreux protagonistes connurent des morts accidentelles pour le moins suspectes !

Jusqu'à présent ce n'est pas le cas mais allez savoir... D'autant que Fabrice Arfi reçut des menaces de mort ! D'un curieux sinon furieux personnage gravitant autour de l'Elysée (qu'il bombarde de "notes diverses"), proche de Ziad Takieddine et surtout des services secrets français... Pierre Sellier qui dirige une officine de renseignement répondant au nom de «Salamandre» - travaillant pour des sociétés liées au monde de la défense et de l'armement - est pour le moins aussi mal embouché que Nicolas Sarkozy, en témoignent ses menaces - enregistrées à toutes fins utiles - qui tiennent quand même du délire (Fabrice Arfi et Karl Laske parlant à son encontre de «fou utile du sarkozysme» :

«Mediapart n'est pas un journal, c'est une merde. (...) Ecoute-moi. Je suis un tueur. Je suis un tueur du service Action, tu le sais cela. Arfi, je vais le dézinguer. Lui raser la barbe et toutes ses couilles. Edwy Plenel, la moustache. Je lui rase la moustache. Je l'encule. Je suis cent fois plus intelligent que toi. J'ai rien contre toi, tu écris ce que tu veux. Tu peux me diffamer. Je m'en tape. Toi, Karl Laske, j'ai rien contre toi. Par contre, Arfi, je vais le massacrer, l'enculer. Je vais le défoncer. Enculé, enculé. Tu comprends ? Je vais le tuer. Service Action. Trois balles dans la tête. Enculé »... Charmante personne !

J'avoue quand même, que sans être parano et même compte-tenu de l'évidente dinguerie du quidam, ce n'est guère rassurant dans un monde de ouf où l'on dézingue déjà à tout va pour la moindre (dé)raison. N'oublions pas qu'il est à la tête d'une officine de barbouzes lesquels ne sont pas vraiment connus pour leur respect de la vie humaine non plus que de la légalité. Imaginons que l'un d'entre eux prenant les délires de son patron au pied de la lettre s'en aille dessouder des journalistes ou des magistrats trop curieux voire des témoins gênants comme pour l'affaire des frégates de Taiwan.

Je rappellerais que Fabrice Arfi n'est pas le seul à avoir reçu des menaces de mort dans le cadre d'affaires embarrassantes pour Nicolas Sarkozy. Ce fut également le cas de Claire Thibout, ex comptable de Liliane Bettencourt dont le témoignage sur les remises de fonds à Eric Woerth est corroboré par les pièces comptables et autres documents. Un pouvoir capable d'utiliser ces méthodes, de faire espionner les journalistes qui enquêtent sur les sujets sensibles - n'est pas, Monsieur Guéant ? - ou de très certainement commanditer le cambriolage des rédactions avec vol des ordinateurs, n'a plus rien à voir avec la République telle que nous l'entendons et la souhaitons, fondée sur la démocratie et l'Etat de droit, le respect des principes. Je pose donc l'équation : utilisation de nervis = dérive vers un régime facho. A chacun d'essayer de la résoudre.

Remarquez que Ziad Takieddine qui refusait de répondre aux questions des journalistes de Mediapart leur en sortit une bien belle : «Qu’est-ce que vous voulez? Vous voulez abattre un président de la République? Eh bien faites-le, à votre manière (...) Allez donc voir ce que Villepin a touché (le début de l’offensive contre l’ancien 1er ministre de Chirac !) Je n’ai rien à vous dire, sauf vous attaquer». Une véritable manie ! mais en attendant, c’est lui qui vient d’être mis dernièrement en examen... Et, ne manquant pas d’un sacré culot - il a très certainement une place de choix dans l’escadrille de ceux «qui osent tout et que l’on reconnaît grâce à cela», dixit Michel Audiard ! - il ajouta : «Je suis un homme propre et vous êtes sale. Vous êtes une des saletés les plus performantes dans la saleté»...

Nous ne partageons à l’évidence nullement la même conception de la propreté morale ! Que la probité fît entièrement défaut aussi bien à Ziad Takieddine qu’à Nicolas Sarkozy ne souffre aucun doute. Si vous ne deviez lire qu’un seul des articles que Mediapart leur consacre - le nombre dépasse la vingtaine et j’avoue n’avoir pas eu le temps de tous les dépouiller, seulement les plus importants ou ceux qui m’étaient nécessaires pour rédiger mes articles - je vous conseillerais Les documents Takieddine ou la sale vérité du sarkozysme (écrit le 4 août 2011 par Edwy Plenel) qui décrit parfaitement le système maffieux érigé par Nicolas Sarkozy... Je ne reviendrais pas sur les personnalités politiques de l’UMP ou proches du pouvoir qui gravitent dans l’entourage de Ziad Takieddine dont j’ai déjà amplement parlé récemment. Réservez toutefois une place de choix à Claude Guéant, homme-orchestre du système !

«Système maffieux» : le mot n’est pas trop fort et l’article cite in fine l’écrivain sicilien Leonardo Sciascia qui, dans une note qui clôt «Le Contexte», un roman de 1971 porté à l'écran par Francesco Rosi sous le titre «Cadavres exquis», confie avoir imaginé «un pays où n'avaient plus cours les idées, où les principes – encore proclamés et célébrés – étaient quotidiennement tournés en dérision», un pays «où le pouvoir seul comptait », pouvoir, ajoutait-il, qui, «de plus en plus et graduellement, prend la forme obscure d'une chaîne de connivences, approximativement la forme de la mafia».

Nous en sommes bien là et Edwy Plenel remarque à juste titre qu’avec Nicolas Sarkozy «la corruption s’est installée au coeur du pouvoir». Cette gangrène «comme installée à demeure au coeur de la République et avec tant d'impudeur, c'est de l'inédit : la corruption générale des règles administratives entraîne une corruption insidieuse des mœurs politiques. A l'argent sale obtenu de dictatures opprimant et réprimant leurs peuples s'ajoute le mépris total de la loi et des règlements, comme de ceux qui en sont les gardiens ou les instruments».

A la place de la «République irréprochable» qu’il nous promit en 2007, nous eûmes le «système Sarkozy corrompu» (Ségolène Royal) et la «République abimée» (Martine Aubry) en n’ayant garde d’oublier «Le voyou de la République» de Jean-François Kahn dans Marianne.... Qui firent monter au créneau tous les habituels chiens de garde de la meute sarkoïdale, jappant à qui mieux-mieux les fameux «éléments de langage» concoctés à l’Elysée.

Aujourd’hui, c’est au tour de l’inénarrable Bernard Accoyer qui ose parler d'«hypothétiques polémiques autour de comptes de campagne qui ont été validés par le Conseil constitutionnel lui-même et sans réserve, il y a plus de 15 ans»... Cela ne vaut nullement brevet de sincérité surtout sachant que ce fut le si honnête Roland Dumas qui présidait alors le Conseil constit ! Il ne craint nullement le ridicule se disant «frappé par le contraste entre la gravité de la situation dans le monde et tout le bruit autour de ces allégations»...

Je suis quant à moi beaucoup plus scandalisée de voir Nicolas Sarkozy ne se préoccuper en réalité que de sa réélection et se foutre pas mal du sort véritable de la France et des Français ! D’ailleurs dans sa crétinerie parlementaire native Bernard Accoyer ne peut s’empêcher de cracher le morceau : «On voit bien qu'une polémique politicienne, à quelques mois d'élections essentielles, est en train de naître» et que «l’on se détournerait de l’essentiel : qui est que le chef de l'Etat est en action», citant ses déplacements à l'ONU, en Libye, ou sa présidence du G20... autant d’opérations de com’... Seront-elles suffisantes pour séduire les électeurs ?

C’est quand même fort de café : depuis plus de 3 ans, Sarkozy , son gouvernement de gribouilles et l’UMP ne cessent de provoquer scandales et polémiques à répétition, ensuite de quoi ils accusent l’opposition de réagir... Il n'y a que dans les dictatures que la prétendue opposition alibi reste coite.

Je n’ai pas encore lu de réactions à la petite sortie toute en finesse de François Hollande dont on connaît le sens de l’humour pince-sans-rire. Dénonçant «le règne des intermédiaires, les commissions» et estimant que «les affaires, il faudra en sortir après 2012» il ne put se retenir d’ajouter «C'était un candidat, je ne me rappelle plus son nom, qui avait parlé de République irréprochable. Il faudrait le retrouver pour savoir ce qu'il pense de la situation d'aujourd'hui»...

Accoyer perd une autre occasion de fermer son clapet à sarkonner : il maintient, au nom de «la séparation des pouvoirs», son refus de publication des auditions réalisées par la mission parlementaire sur l'attentat de Karachi. Nous savons tous comment Nicolas Sarkozy se contre-fiche éperdument de la séparation des pouvoir - exécutif, législatif et judiciaire - quand cela l’arrange. Autrement dit, les juges non plus que nous, les citoyens n'avons ni le droit ni la possibilité de connaître la vérité lors même que les parlementaires n'ont d'autre fonction que nous représenter ! Abus de pouvoir manifeste.  

Et je suis aussi indignée de voir Roland Dumas opposer le secret des délibérations» aux questions du juge... Nicolas Sarkozy nous promit également «la transparence» et nous évoluons dans l’opacité la plus totale. Je suis loin d’être une spécialiste du droit canon mais il me semble que les prêtres peuvent être délivrés du pourtant sacro-saint «secret de la confession» s’agissant de la connaissance de crimes.

Les noms de Takieddine et Nicolas Bazire n’étaient pas des inconnus dans les articles consacrés au Karachigate dès la mi-juin 2009. Celui de Thierry Gaubert ne fit son apparition que plus tardivement dans les dossiers de Médiapart, avec la publication à partir du 10 juillet 2011 des "documents Takkieddine" dus à Fabrice Arfi et Karl Laske qui ont longuement enquêté sur cette affaire et s’appuient sur du solide : «plus de 5.000 documents incontestables» ! Je leur tire mon chapeau car je sue sang et eau en me battant avec mille fois moins d’articles - toutefois nettement plus s'agissant du Karachigate - à collationner pour écrire mes articles... Je suis heureusement dotée d'une bonne mémoire (quand j'ai lu et enregistré quelque chose, je m'en souviens de façon indélébile) et utilise abondamment la fonction "recherche" pour explorer mes dossiers.

Ziad Takieddine a essayé en vain de faire interdire la publication (Mediapart 18 mai 2011) de leur ouvrage «Le Contrat» - sous-titré «Karachi, l'affaire que Sarkozy voudrait oublier» - affaire que l’on peut à l’évidence qualifier "d'Etat" car mettant en jeu les plus hautes sphères de la République.

Pour «l’oubli», c’est évidemment raté... Nicolas Sarkozy a cru une fois de plus qu’il pouvait s’en tirer en niant et en louvoyant ou en maniant l'ironie (stupide). Pour l’instant, impossible de paralyser la justice par de sordides manoeuvres. Je doute qu’il puisse faire dessaisir le juge Van Ruymbeke même s’il en rêve ! Ce serait en effet son ennemi personnel depuis l'affaire Clearstream. Il a bien tenté de le déstabiliser mais sans succès. Aujourd'hui nous assistons - sans que cela soit franchement exprimé - à une nouvelle mise en cause par l'Elysée et même (à mots couverts par Nicolas Sarkozy) de l'enquête qu'il mène dans le cadre du Karachigate. Voilà qui ne devrait pas calmer sa détestation névrotique des juges. L’on comprend mieux son projet de supprimer le juge d’instruction. Une justice à sa botte !

A la lumière des derniers développements judiciaires du Karachigate et alors que cette affaire mobilise tous les médias - je l’ai même entendue longuement développée sur les informations «en français facile» (entendre que les mots sont expliqués) sur RFI. Nos amis africains pourront se dire, en matière de dictateurs corrompus : on a les mêmes à la maison ! Il est évident que Fabrice Arfi et Karl Laske ne se trompaient nullement en titrant le 16 juillet 2011 Les documents Takieddine : le financier secret qui met en danger le clan Sarkozy.

La plupart des éditorialistes de la presse nationale ou régionale estiment qu’avec cette affaire Karachi la justice touche avec Bazire et Gaubert au "premier cercle" sarkozyste (Le Monde 21 sept 2011). Cela porte bien plus encore quand presse populaire prend le relais, ainsi Elisabeth Fleury dans Le Parisien du 22 septembre 2011 Les hommes du président au coeur de l'enquête, l’article commence par «Le sulfureux M. Takieddine»... le contenu témoignant à l’envi qu’elle s’est inspirée des révélations de Mediapart.

Un grand nombre estiment - France-Soir s’en fait l’écho Affaire Karachi : Nuisible à Nicolas Sarkozy ? - que «Nicolas Sarkozy pourrait être éclaboussé par l'affaire Karachi», ces révélations empoisonneront la campagne électorale et risquent d’hypothéquer encore davantage ses chances d’être réélu en 2012. Acceptons-en l’augure !

Bouclant l'article, je lis ce matin sur 20 minutes un article dont le titre résume bien la situation : Affaire Karachi : «Plus préjudiciable pour Sarkozy que pour n'importe quel autre politique» (23 sept 2011) sentence (peut-être) définitive de Gaël Sliman (de BVA) relevée par Maud Pierron parmi les réactions des politologues : «Ce n’est pas qu’un problème de morale. Les Français donnent une cohérence globale aux affaires et à la politique menée par Nicolas Sarkozy qu’ils identifient comme favorable aux riches. Ils font la connexion». Cela me semble très bien vu.

Je trouve plutôt marrant après avoir écrit dernièrement 14 septembre 2011 : Villepin relaxé, Takkiedine mis en examen… L’étau des «affaires d’Etat» (et de fric) se resserrerait-il autour de Nicolas Sarkozy ?  de retrouver le même terme «d’étau» en titre de nombreux articles... N’allez pas me faire dire que les journalistes sont venus me copier ! Encore faudrait-il qu’ils connussent l’existence de Lait d’beu et sauf Mourad Guichard de Libération, cela m’étonnerait fort. J’y vois tout simplement la preuve que l’image que j’avais choisie était bonne. et pour tout dire, j’aimerais bien voir quelque jour Nicolas Sarkozy avec le carcan que l’on mettait au temps jadis autour du cou de certains condamnés, indiquant le délit qu’ils avaient commis.

L'Elysée vient de réagir, aussi stupidement et avec la plus parfaite mauvaise foi à laquelle l'on pouvait s'attendre. J'en reparlerais dans un autre article car aussi succinct qu'eût été le communiqué il déclencha un autre de ces scandales dont Sarkozy et ses sbires ont le secret !

à suivre :

Exclusivité mémé Kamizole : le satellite Karachi s'écrase sur l'Elysée


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