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Un jour, c'est promis ...

Publié le 25 février 2008 par Vincent


 Un jour, c’est promis, les songes auront leur évidence. Le ciel aura ses crues tout comme le Nil. On ne sera pas étonné d’ouvrir les yeux et de se retrouver dans un lieu dont on ignorait l’existence. Et si cela on ne peut l’assumer, il suffira de fermer à nouveau les yeux et de les rouvrir.



 


Sanaa. Le primordial redoublé. Là où on ne dit pas à chaque chose sa place mais – son étage. A chaque chose sa proximité avec le ciel. Pour seule vérité, la verticalité, le vertige. Et en un mot trois commencements. A la croisée des lettres, il faudra oser s’engager sur un chemin.



 


L’aura de l’âme. C’est si douloureux d’être une aurore pour les autres et jamais pour soi-même, d’avoir cette obscure grâce de rendre manifeste le lever de la lumière. Un jour, c’est promis, nous aurons les yeux pour voir la lumière qui se lève dans la lumière elle-même.



 


En attendant, quelle amertume : le feu, on nous l’a donné mais on l’avait volé. Alors, à présent, il faut sans cesse le restituer. Prométhée fut le premier supplicié, non le dernier. Nous sommes tous attachés au roc, défiant de nos liens l’aigle vengeur.



 


Un jour, c’est promis, nous cesserons de comprendre nos vies à la lumière des mythes. Nous serons des mythes pour d’autres vies. On ne sera pas étonné d’apprendre l’histoire de cet homme qui ne s’est pas brûlé les ailes en voulant atteindre le ciel.




On ne dira plus : « J’ai un train à prendre » mais « J’ai un songe à prendre ». On sera un peu contrarié car dehors il pleure et on n’a rien pris pour se protéger de l’amertume. Une fois de plus, on rentrera tout salé.



 


Et on rentrera quand même. Amertume ou pas, rien n’y changera. Tout le monde veut rentrer quelque part. Nous avons tous une destination, peut-être même un destin. Nous ne sommes pas d’ici mais d’ailleurs. Ce n’est pas le sel de la vie qui changera cette vérité.



Lui, il ne veut pas rater son songe car il ne l’attendra pas c’est certain ! Le prochain, de toute façon, ce n’est pas un direct, il y a une correspondance, peut-être deux voire même plus. Une fois qu’on est embarqué, on ne sait pas, on ne sait plus, personne n’est là pour nous renseigner.



 


Un jour, c’est promis, on n’aura plus besoin de courir après des songes, ce seront eux qui apprendront à nous rattraper. Et on n’aura plus à demander les horaires d’une destination que l’on ignore. Dès le début, on saura. La seule surprise, ce sera le voyage lui-même.



 


Il ne se rappelle plus c’était quand au juste mais il lui avait dit de patienter, qu’il serait à lui juste dans un tout petit instant. Une fois qu’il en aurait terminé avec l’autre personne, il répondrait enfin à sa question. Qu’il attende un petit peu et ce serait bon.



Lui, il est resté au bout du fil un bon moment et il a attendu, attendu. Pas jusqu’au bout cependant. Quand il a enfin compris, il s’est décidé à marcher tout seul sur le fil au risque de tomber. Et c’est périlleux ! Les voix et les mots traversent les fils sans prévenir, tout d’un coup, et ils les font trembler. Mais lui, il n’a pas peur, il n’a qu’une idée en tête: arriver tout au bout pour le rejoindre.



 


L’autre, gêné par sa venue, aura l’affront de lui dire que ce n’est pas le moment, qu’il n’est pas prêt, qu’il vaut mieux attendre. Ou encore qu’il est trop tard, qu’à présent il connaît quelqu’un, que c’est du sérieux. Dans un sens comme dans l’autre, cela reviendra au même.



 


Et peut-être qu’il pleurera en entendant cela, attendrissant la parque qui coupe les fils de la vie. Tout au bout, ce n’était pas le début du songe, c’était toujours et encore l’amertume, les pleurs, l’immense océan où se jettent toutes les peines du monde. Tout au bout, c’était un faux départ.

Un jour c’est promis, on ne s’entendra plus dire : « il n’est pas temps ». Tout ceux que nous rencontrerons nous diront : « le temps, c’est toi ; alors pourquoi te dirais-je de partir puisque avec toi le temps s’en irait aussi ?  ».


Un jour, c’est promis, on ne s’endormira plus avec un goût de lèvres absentes. L’absence, en personne, touchée de notre peine viendra nous offrir ses lèvres. Et le marchand de sable figera ce baiser dans un rêve qui partira loin, très loin, sur un quai, vers une destination inconnue, pour quelqu’un que nous ne connaissons pas, que nous ne connaîtrons peut-être jamais. Notre peine sera un voyage pour quelqu’un d’autre, une âme elle aussi en peine à l’autre bout de la Terre.



 


Un jour, c’est promis, on ne s’endormira plus au bord des larmes, le cœur serré en pensant aux bras qui ne nous prennent pas. Nous aurons autour de nous les anges qui ont perdu leurs ailes et qui, eux, comprendront ce que c’est que de ressentir cela. Ils nous empêcheront de nous noyer dans les sentiments et le soir, sur le point de nous endormir, nous sentirons un souffle frais sur le front. On rêvera de la Turquie et d’un homme brun souriant qui nous tend ses bras sans même nous connaître.



 


La rencontre des pleurs et de la lumière fera naître un arc-en-ciel qui partira chevaucher les montagnes et les océans. On dit que tout en bas de l’arc-en-ciel ou tout au bout, c’est selon, il y a un trésor. Il faut juste être assez rapide pour dépasser la course folle des couleurs.



 


Un jour, c’est promis, on comprendra que le seul vrai trésor, c’est l’arc-en-ciel lui-même . Au moment où il s’évanouit dans l’air, il laisse ses couleurs derrière lui pour prendre l’habit du monde. Et après plus personne ne sait le voir.



 


Un jour, c’est promis, je prendrai mon courage à deux mains et j’emprunterai le chemin de l’arc-en-ciel pour venir te rencontrer. Mes couleurs se confondront avec celles de l’arc-en-ciel et c’est tout juste si tu arriveras à me voir. Il faudra que je me dépêche car, bientôt, l’arc-en-ciel va disparaître et toi aussi et moi aussi.



 


Un jour, c’est promis nous finirons par nous rencontrer. Il te suffira de fermer les yeux et de les ouvrir : je serai là, face à toi. Je te ferai prendre un songe qui t’emmènera encore plus loin que tu ne l’espérais. Tu verras, il y a des promesses qui finissent par se réaliser.



 


Un jour, c’est promis, il n’y aura même plus besoin de faire des promesses car chaque jour sera l’accomplissement d’une promesse. Quand viendra la nuit, nous n’aurons qu’à penser avant de fermer les yeux : « Ah si seulement … » et à attendre le lendemain matin, lorsque nos yeux s’ouvriront.



Car les iris de nos yeux sont porteurs des plus beaux arcs-en-ciel. Sans rien attendre en retour, ils adressent une déclaration d’âme à tout ce qu’ils effleurent du regard. Même si nous ne pouvons pas voir nos propres yeux, nous pouvons toujours en saisir le reflet dans le regard de l’autre. Lorsque nous voyons ses yeux scintiller, c’est qu’un astre est venu au monde.



 


Un jour, c’est certain, de scintillement en scintillement, on finira bien par comprendre que le ciel est depuis bien longtemps descendu parmi nous et que la terre a toujours été tout là haut. Pris de vertige, on fermera les yeux et en les ouvrant, on se retrouvera à Sanaa.



 


On demandera le chemin de la gare des songes à un vieil homme qui vend des cartes postales. Celui-ci nous sourira et sans un mot nous tendra une carte qui montre un dresseur d’aigles. Il déclinera notre argent et disparaîtra.



 


C’est en vain que toute la journée on le recherchera. Et ce sera comme si personne ne nous voyait dans la ville. Il y aura juste un enfant en train de dessiner qui nous sourira, comme si notre vieillard avait en l’espace de quelques heures rajeuni. Pris de fatigue, on fermera les yeux.



 


On les ouvrira sur le dos d’un aigle immense qui va punir Prométhée de sa faute antique et on le suppliera de le laisser en paix sur son rocher pour un jour au moins. On lui demandera de nous conduire tout en haut, le plus haut possible, dans cette gare des songes qui n’est indiquée sur aucune carte.



 


Et l’aigle acceptera sans trop de difficultés à notre grand étonnement. Ce n’est que plus tard que nous comprendrons que dès le départ il était là pour nous emmener, qu’il était le songe que nous attendions depuis si longtemps.



 



Un jour, on ne sera pas étonné si les points de fuite se révèlent être les points de départ, qu’avant le début il y ait la fin. Que l’aigle soit depuis le début un phénix ou qu’encore il le devienne, quelle importance au fond ? Quelle importance pour nous qui, accroché sur son dos, commençons à sentir nos paupières se fermer ? Nous aurons beau tenter de lutter, elles finiront bien par se fermer. Et lorsqu’il sera temps de les ouvrir, qui pourra dire d’avance où nous serons ?



 


Un jour, c’est promis, les songes finiront par vaincre l’évidence des jours. La terre aura ses états d’âme comme nous et l’on verra ses couleurs changer perpétuellement. On ne sera pas étonné d’ouvrir les yeux et de se retrouver dans un lieu dont on ignorait l’existence. Et si cela on ne peut l’assumer, il suffira de fermer à nouveau les yeux et de les rouvrir. Entre temps, en un seul battement de paupières, l’arc-en-ciel aura tout changé.


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