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Au fond des âmes (6)

Publié le 25 février 2008 par Vincent

Si nos âmes étaient aussi bruyantes que nos corps, nous pourrions entendre l’affreux craquement que font nos aspirations institutionnalisées, nos désirs d’absolu sagement canalisés, nos rêves d’enfant piétinés. Tout cet immense élan qui traversait autrefois notre âme, nous l’entendrions de plus en plus au fil des jours jusqu’à ce qu’un craquement sinistre nous prévienne du point de non retour. Ce serait tout un chœur qui chercherait à recouvrir ce craquement en scandant : « Il faut bien vivre, il faut bien travailler, il faut bien s’amuser ». Au point de submerger le crac final, notre abdication avant d’aller nous aussi rejoindre le chœur pour entamer la scansion éternelle. De toute façon, nous avions tout fait pour. Par peur de cette ouverture incroyable dès laquelle, dès notre naissance nous avions été placé dans la nudité, nous avons érigé des barricades, des murs. La lumière nous faisait si mal, alors nous l’avons atténué. Nous avions si froid, il fallait bien se protéger, nous réchauffer un petit peu. Il fallait bien … Et puis, l’obscurité étant si agréable à vivre, nous avons continué. Les matériaux, on les trouve si facilement ! Un boulot commencé sans grande motivation deviendra une finalité bien commode, un divertissement occasionnel sera finalement vécu comme une raison de vivre, des relations de travail se transformeront en des amitiés. Cela et tant d’autres choses encore nous aideront à n’habiter qu’un tout petit coin de notre âme qu’on aura soigneusement aménagé en un coquet réduit.

On trouvera le moyen de se plaindre que c’est étriqué. On dira : « La philosophie, ça m’a toujours passionné mais je n’ai jamais eu le temps de m’y intéresser entre le boulot et les enfants, je ne sais plus où donner de la tête. ». Peut-être y a-t-il un dieu tout là haut et il est indéniable  que cela changerait beaucoup de choses mais la question restera en suspens. Peut-être l’art n’est-il pas destiné qu’aux galeries interminables des musées et aux salles de concert  mais on ne peut pas tout faire. Pour aller au cinéma, faire des achats en ville ou voir une relation avec laquelle on n’a rien à dire au fond, pour toutes ces choses là, le temps ne manquera pas, ne manquera jamais. On a trop peur, en vérité, de se retrouver happé par cela, de voir à quel point notre existence est fondée sur le néant. Alors, non merci, pas de ravissement pour aujourd’hui ! Peut-être demain et encore … Et le pire, c’est que ce n’est même pas par peur que l’on laissera l’essentiel de côté, non, juste par lassitude, parce qu’on a perdu le feu sacré, qu’on se croit incapable de tout remonter et, de toute façon, il est déjà trop tard. La fatigue nous prend et on est déjà entré dans la mort. Et pourtant on se trompe : ce n’est pas parce que notre corps va nous lâcher qu’on va mourir, c’est parce que notre âme n’y habite plus.


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