Certains disent qu’il y a sept cieux. Parmi eux, certains raffinent en disant que chacun de ces cieux est lui-même composé de sept cieux. D’autres sont plus attachés à l’autre grand chiffre sacré – le 9. Neuf cieux voire 99 (ou 81 si on reprend la logique mentionnée ci-dessus : 9 cieux avec 9 étages chacun). On peut aller jusqu’à 999.
La vérité, l’archange grave aurait pu vous le dire, c’est qu’en réalité, les anges et les archanges eux-mêmes n’en savent pas plus. Les cieux sont infinis. On démarre tout en bas de l’échelle et au long de sa carrière, on ne cesse de s’élever (même si, bien sûr, on peut rester parfois bloqué à un certain échelon pendant très longtemps). Et plus on monte, moins on redescend. Autant il n’est pas improbable pour un ange du huitième ciel de croiser un archange du onzième, autant il est impossible pour un ange du huitième ciel de rencontrer un archange du quarante quatrième ciel (ces chiffres étant ici purement théoriques vu que personne n’est jamais descendu du premier ciel pour dire combien il a dû gravir de cieux avant d’y arriver). Les mathématiques célestes qui ne sont enseignées nulle part et à personne semblent vouloir que certains niveaux symboliques, une fois franchis, ne peuvent pas être redescendus. C’est pour cela que l’image de l’ange déchu, bien que séduisante au premier abord, est plus une invention des romantiques qu’autre chose.
L’archange grave était loin de se douter qu’une promotion l’attendait. Et pourtant, un des novices qui étaient en train de jouer, s’arrêta en le voyant et lui remit une fine feuille de nuage au dessus de laquelle dansait une phrase sans équivoque. L’archange sourit au novice après avoir soufflé sur la phrase et rendu sa liberté au petit bout de nuage. Il savait que le ciel du dessus correspondait à un de ces seuils qu’on ne franchissait que dans un sens et pas dans l’autre.
L’archange aurait aimé revoir une dernière fois les anges d’en bas mais il savait que ce n’était plus sa tâche désormais et qu’il était vain de différer son départ. Cette pensée à peine évoquée puis congédiée, un chemin qui n’existait pas la seconde précédente apparut devant lui : une rivière d’étoiles serpentait vers un sommet nouveau, noyé dans une lumière d’élection. L’archange se mit à avancer, revêtant l’habit de lumière qu’on lui offrait et passa dans le ciel supérieur.