Avertissement: ce qui suit n'est pas à prendre au premier degré (on ne sait jamais ...)
Comme il était normal de rendre hommage à la Salle 101 qui a fait de moi une star internationale (à peu de choses près), je me suis creusé la tête, qu'est-ce qui pourrait leur faire plaisir ? Pas évident de trouver me suis-je dit ... et puis je me suis rappelé qu'ils faisaient souvent l'éloge du travail (ce qui est bien, d'ailleurs, j'ai envoyé une lettre au ministère - comme c'est le devoir de tout citoyen depuis la loi Pb101a édictée en 2111 - pour souligner la bonne moralité des camarades Raoul, Alfred et Alice). Pourquoi ne pas parler du travail et leur livrer mes modestes réflexions sur la question ? Voilà qui les ravirait à coup sûr non sans permettre au passage, à la masse laborieuse, de s'intruire via ce blog à présent très fréquenté ! Alors voilà, commençons par une brève historique:
I L'époque bénie, l'âge d'or: des origines au 18ème siècle (grosso modo, jusqu'à la révolution industrielle exclue):
* L'idée de cette époque bénie: beaucoup de gens travaillent pour vivre mais on s'en fout parce qu'on ne leur donne pas la parole. La parole, ce sont les gens qui ne travaillent pas qui l'ont. Et ils ont inventé une théorie pour justifier qu'eux ils ne travaillent pas et tous les autres, oui.
* Les grecs ont inventé l'esclavage pour permettre à une élite d'être déchargée des nécessités de la vie. L'élite quand elle fait de la philosophie, de la science, de la politique ou la guerre ne travaille pas, elle occupe son temps libre, nuance.
* Les romains: à peu près pareil, "du pain et des jeux", les romains sont les premiers à inventer l'ancêtre de TF1 avec du cirque-réalité pour empêcher la masse de penser (le gladiateur va-t-il mourir avant la fin de l'épisode ? Si oui, baissez le pouce, sinon, levez le pouce - l'ancêtre du texto/SMS) . Le divertissement, c'est bien pratique de ce point de vue.
* Le moyen-âge chrétien et nolens volens les régimes monarchiques du 17ème voire du 18ème siècle: on ne retire pas une idée qui marche si bien, c'est toujours les mêmes qui travaillent, l'élite se consacre à Dieu ou est noble (on peut cumuler les deux: "la noblesse de robe" - le cumul des mandats date de cette époque). Là, on trouve d'autres trucs pour empêcher la masse de penser, plus du cirque-réalité mais du monde-réalité. Ex: l'an mille: le monde va-t-il disparaître ? L'antéchrist apparaître ? En matière de divertissement, ils savaient y faire quand même les gens du moyen âge.
> "La répugnance pour le travail est le symptôme d'une absence de grâce" (c'est ce que disent les protestants de la Réforme, une de ces formules choc pour vous faire prendre conscience que si vous n'allez pas travailler, c'est l'enfer direct)
A NOTER: des gens déjà au moyen âge se plaignent qu'il y ait trop de jours fériés (un minimum de 141 jours sont fériés, presque la moitié de l'année). Dommage pour eux, il n'y a pas à l'époque de Sarkozy qui se présente aux élections. Cependant, pour les générations suivantes, pas de panique: la révolution industrielle va leur montrer c'est quoi le travail ...
II Travailler plus, vivre moins: 18ème, 19ème siècle
Vu que la masse demandait plus de travail (une constante dans l'histoire, certains politiques ont su s'en rappeler parfois pour être élu), et que l'élite éclairée avait à coeur de combler ses attentes, on a accéléré le mouvement. Révolution industrielle, progrès technique, mise au point d'une réelle division du travail, une organisation scientifique qui compartimente les gens et leur font faire des tâches répétitives, monotones, abrutissantes. Ah, ils voulaient plus de travail, ils allaient être servis !
III Un drôle de siècle 20ème et début du 21ème siècle
Pendant que le débat faisait rage au 20ème siècle sur la question de la durée du temps de travail, certains chefs d'Etat se lançaient dans des expériences à grande échelle sur leurs populations et inventèrent les camps de travail.
Drôle de siècle quand même.
D'un côté, on se demandait s'il fallait travailler plus ou moins. Quand les gens travaillaient trop (c'est ce qu' ils croyaient), ils votaient pour un bord politique, quand ils ne travaillaient pas assez (c'est ce qu'ils s'imaginaient là aussi), ils votaient pour l'autre bord. Bien entendu, personne ne posait la question qui fâche, à savoir que le problème n'était pas tant de travailler plus ou moins mais d'avoir déjà un travail gratifiant, épanouissant tant pour le corps que pour l'esprit (et ce type de travail est en effet rare, c'est pour cela que les anciens grecs ne l'appelaient pas travail justement). La question du plus ou moins (de temps de travail) n'a de sens qu'une fois trouvé ce type de travail. Pour faire oublier ce type de question, les têtes pensantes avaient inventé la société de consommation. A présent, fait partie de l'élite ceux qui peuvent consommer beaucoup. Ceux qui sont malheureux, ce sont ceux qui ne peuvent pas assez consommer. La société de consommation est une trouvaille géniale qui permet de faire croire que le bonheur est un produit disponible en supermarché et que la problématique est de gagner assez pour se l'offrir.
Dans d'autres pays du monde, la problématique ne se posait pas du tout ainsi. Comment faire comprendre à la masse ignorante les vertus de la théorie ? Le travail évidemment qui, rappelons le mot de Nietzsche, est la meilleure des polices. Tu n'es pas d'accord ? Hop, au camp de travail ! Tu écris de la poésie, c'est-à-dire des textes subversifs, déviants ? Hop, au camp de travail ! Et toi là, tu n'es pas content ? Tu dis que la vie, ce n'est pas que travailler ? Hop, au camp le philosophe ! Et le rêveur à côté aussi ! Vous tous, je vous donne la chance de comprendre par le travail quelles sont les vraies valeurs du monde !!! L'avantage du travail, c'est quand même ses vertus sociales, il met tout le monde au même niveau et donc d'accord. Plus de manifestation qui empêche les gens de bonne volonté de donner un sens à leur vie par le travail. Chacun se consacre à sa tâche (attribuée par le gouvernement) et c'est beau.
IV Aujourd'hui tout va mieux (22ème siècle)
Nous sommes loin aujourd'hui des excès du siècle précédent. Les gouvernements qui se sont succédés ont bien compris que les hommes qui travaillaient peu avaient plus de chance d'être malheureux que ceux qui travaillaient beaucoup. En effet, les premiers ont trop le temps de réfléchir, de penser, de lire des livres déviants. Les seconds, au contraires, quand ils rentrent chez eux, bien fatigués, ont juste la force d'allumer la télé et de regarder les divertissements que l'on a préparés pour eux (de toute façon, un petit logiciel intégré à chaque maison surveille que tout le monde regarde bien la télé le soir). C'est pour cela que le gouvernement a fait en sorte que chacun puisse travailler davantage (et avoir une télé).
Le réchauffement climatique ayant aggravé l'état atmosphérique de la planète, chacun se trouve être confiné à deux ou trois endroits (lieu de travail, lieu de résidence et un lieu de loisir pour les plus méritants au travail) en attendant que le gouvernement trouve une solution au problème de la pollution (de mauvaises langues disent jamais, ce sont des déviants qui devraient s'estimer heureux que les camps de travail n'existent plus).
Aujourd'hui tout va mieux. Les camps de travail en masse ont été aboli au profit de solutions thérapeutiques individualisées. Lorsque quelqu'un ne va pas bien, la société s'en occupe (au lieu, comme autrefois, de le laisser livré à lui-même) et lui donne le travail qui lui permettra d'être soigné, guéri.
Les gens travaillent tous et c'est beau.
P.S: Conformément à la loi Pb101a, si quelqu'un trouve des éléments pré-subversifs dans cet article, qu'il adresse un e-mail au ministère de l'identité individuelle et de l'intégration afin que le gouvernement puisse prendre les mesures qui s'imposent.