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Les monades urbaines (Silverberg)

Publié le 25 février 2008 par Vincent

medium_Silverberg_monades.jpg"Les monades sont sans porte ni fenêtre" disait le philosophe Leibniz auquel Silverberg fait référence dès le titre. Dans l'oeuvre de Silverberg, je classe Les monades urbaines dans ce que j'appelerais "la littérature concept". La trame de l'histoire est classique voire même usée depuis 1984 ou Le meilleur des mondes mais c'est le concept - comprenez l'idée de base - qui donne tout son intérêt à la trame et même la renouvelle complètement.

Nous sommes en 2381. Les hommes vivent dans des tours de mille étages qu'ils ne quittent jamais. Curieuse façon de renverser le problème de la surpopulation en son contraire: tout le monde est invité à procréer dans la joie et la bonne humeur pour faire croitre sa monade. La société est en apparence liberataire, permissive: chacun peut coucher avec qui il veut: un homme avec sa femme, une autre femme, un homme. Mais attention, uniquement dans son secteur. Car, évidemment, la hiérarchie existe toujours et plus on est en haut de la tour, plus on a réussi.

Revenons à Leibniz: Les monades sont sans porte ni fenêtre. Les portes de chaque appartement sont ouvertes le jour et la nuit, chaque membre de la communauté est libre de visiter au sens propre et biblique du terme son prochain. Ouverture apparente car dès le début du livre, certains habitants vivent une tragi-comédie: ils sont transférés dans une nouvelle tour et la pillulle a du mal à passer. Quand on est conditionné pour vivre ensemble dans une même tour et à l'intérieur de cette tour dans un secteur donné (quelques étages, pas plus, sur un total de mille), c'est un véritable déracinement que d'aller dans une tour qu'on imagine pourtant être identique dans ses structures et au final dans ses habitants, éduqués dès le plus jeune âge aux mêmes normes. Les monades sont sans porte ni fenêtre ...

"- Et tout le monde est heureux ?

- Presque

- Qui sont les exceptions ?

- Les anomos. Nous Nous efforçons de minimiser les frictions qui peuvent intervenir dans un environnement comme le nôtre. Ainsi nous ne refusons jamais rien à personne, nous satisfaisons tout désir raisonnable. mais il arrive parfois que quelques-uns décident tout à coup qu'ils ne peuvent plus vivre sellon nos principes. Ils oublient la réalité, ils frustrent les autres, ils se rebellent. C'est très pénible.

- Et que faites-vous de ces anomos ?

-Nous les anéantissons bien sûr. "

En exergue du livre, Silverberg a placé une citation de Cicéron: "Nous avons été créé pour nous unir à nos semblables, et pour vivre en communauté avec la race humaine" Il aurait pu citer Aristote  qui disait que l'homme était sociable naturellement et que seuls les hommes dégénérés et les dieux ne savaient vivre en communauté. C'est souvent Platon qui a été accusé d'avoir décrit sous le couvert d'utopie une dictature. Silverberg montre qu'en partant d'Aristote on peut bâtir sur la base de la sociablilité humaine une utopie qui fait aussi froid dans le dos que celle de Platon.


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