Le système de cartes bancaires français (Groupement des Cartes Bancaires) s’est engagé à réduire de 36% la commission interbancaire de paiement (CIP) à compter du 1er octobre 2011. Le montant de la CIP passe désormais de 0,47% de la valeur de l’achat à 0,30% en
moyenne pondérée. Cette baisse substantielle qui fait suite à une saisine de l’autorité de la concurrence va impacter le modèle de rémunération des banques sur l’activité des cartes.
La France, second marché européen de la carte bancaire derrière le Royaume-Uni avec 22% des transactions en volume en 2009, figurera désormais parmi les pays européens les moins chers au regard de la CIP (en 5ème position). Dans le même temps, la commission interbancaire de retrait (CIR) relative au distributeur de billets passera de 0,72 € à 0,57 € (-21%). L’industrie française de la carte pourra-t-elle absorber cette baisse de revenus ?
La baisse des commissions interbancaires impacte directement le modèle de l’industrie de la carte en France
Le modèle économique complexe de la carte bancaire repose sur un système de recettes, alimenté d’une part par les cotisations et frais de cartes bancaires payés par les porteurs et d’autre part par les commissions et abonnements payés par les commerçants. Ce modèle permet d’encourager à la fois le développement des points d’acceptation de la carte (TPE, DAB/GAB) et le développement des porteurs de carte, tout en s’assurant contre les impacts de la fraude.
Ainsi, les réductions concédées par le Groupement CB devrait amputer d’environ 600 M€ (500M€ pour la CIP et 100M€ pour la CIR) les recettes liées à la carte bancaire, réparties inégalement entre les différents acteurs.
Après l’annonce de la nouvelle dans une lettre du 12 juillet 2011, le conseil du commerce de France à d’ores et déjà invité les commerçants à renégocier leur contrat d’encaissement carte auprès de leur banque. Raisonnablement, la baisse de la CIP devrait donc être en grande partie déduite des frais facturés aux commerçants. Dans ce système à « quatre coins », la banque du porteur de carte privée d’une partie de ses revenus supportera le coût de cette baisse ; à l’inverse les banques des commerçants pourraient de leur côté en profiter si elles ne répercutent pas intégralement cette réduction dans les frais qu’elles facturent aux commerçants.
Globalement, les établissements les plus impactés par la réduction de la CIP seront donc ceux dont la part de PNB générée par les porteurs de carte est la plus importante. Les banques en ligne mais aussi les gros réseaux de détail ayant moins de part de marché chez les commerçants seront donc les plus impactés. Les banques dont les activités sont plus équilibrées et les banques rattachées à un groupe de grande distribution en souffriront moins.
Concernant la CIR, dont le montant est plus marginal, la baisse des commissions sera supportée par les établissements possédant d’importants réseaux de DAB/GAB et bénéficiera aux banques des porteurs de carte qui vraisemblablement ne répercuteront pas cette baisse dans le prix des cotisations. Une manière de contrebalancer le manque à gagner due à la baisse de la CIP.
Comment juguler cette baisse de recettes pour l’industrie de la carte en France ?
La croissance organique régulière des volumes de transactions (+5,4% d’opérations traitées par le GIE CB entre 2009 et 2010 dont 6,9% de croissance sur les opérations de paiement) depuis le début des années 2000 permet de rentabiliser un système dont les coûts fixes sont de plus en plus amortis. Malgré un taux d’équipement arrivé à maturité (59,8 millions de cartes bancaires en France en 2010), la baisse des commissions pourrait venir accélérer cette tendance, puisque de nombreux commerçants qui imposaient un montant minimum d’opérations sous prétexte d’un coût de transaction important devraient abaisser ce seuil, voire l’annuler. En effet, définie par rapport à la moyenne pondérée des paniers d’achat, la baisse de la CIP sera plus importante pour les petits montants (de l’ordre de 45% pour les transactions de 15€ et de 15% pour les opérations de 1000€), rejoignant les recommandations dans le rapport de la commission Mallié de juillet 2011. Cette mesure permet donc à la carte bancaire de venir concurrencer les autres moyens de paiement sur les opérations de petit montant (l’espèce, les porte-monnaie électroniques) et de réduire encore plus l’usage du chèque dont le coût de traitement pour les banques reste important. En outre, le report partiel de la baisse de la CIP chez les commerçants, voire l’augmentation indirecte des cotisations des porteurs de cartes par la raréfaction des offres préférentielles, seraient des leviers complémentaires pour augmenter leurs recettes.
Par ailleurs, les pertes liées à la fraude, principalement sur les achats Internet, constituent un important levier de réduction des dépenses. En effet, en 2010 le montant concerné s’élève à plus de 130 M€ selon le GIE CB. La généralisation de solutions telles que l’authentification forte ou l’emploi de cartes à code unique en diminuerait rapidement la portée. La généralisation de standards de communication par IP permettrait également de réduire considérablement les postes de coûts de télécommunication supportés à chaque transaction, lors du téléchargement de mises à jour des terminaux de paiement ou des différents états de comptes.
La réduction importante des commissions sur les paiements prive les résultats des banques d’un produit stable, récurrent qui permet de financer les investissements nécessaires concernant les infrastructures et la sécurité des transactions. Comme le souligne le rapport Pauget-Constans de juillet 2010, une réduction trop conséquente pourrait déstabiliser ce système complexe et mettre en péril ses qualités en termes d’interbancarité, de sécurité, de disponibilité, de solution « universelle » alternative aux espèces voire de coût pour les porteurs de carte.
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