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Etienne Chouard et le tirage au sort, ou émouvoir les fauteuils vides

Publié le 26 septembre 2011 par Edgar @edgarpoe

P4042986.JPGEtienne Chouard a eu son heure de gloire lors du référendum de 2005. Décortiquant patiemment le Traité de Lisbonne, il a démontré que ce texte n'était pas le simple toilettage du Traité de Nice que vendait les partisans du oui.

Aujourd'hui il continue ses recherches dans le domaine politique. Je n'avais pas suivi cette évolution mais je viens de découvrir qu'il s'intéresse maintenant au tirage au sort comme moyen de restaurer la démocratie.

Je n'ai que vagument écouté mais on peut lire certaines de ses idées sur le sujet dans un article sur Agoravox titré comme un match de catch : Etienne Chouard vs François Asselineau. La vidéo est sans doute un bon média de transmission mais pas de discussion : difficile de revenir point par point sur les arguments énoncés dans une vidéo. Je reprendrai donc plutôt les citations de Chouard sur l'article d'Agoravox.

Il me semble qu'Etienne Chouard confond spectaculairement un grand nombre de notions.

Par exemple lorsqu'il affirme que nous ne sommes pas en démocratie mais en oligarchie, il est en retard par rapport à Rousseau. Il suffit de lire le Contrat Social pour constater que le régime de la Vème république relève plus de la monarchie que de la démocratie. Il suffit aussi de lire Rousseau pour comprendre que la démocratie n'est atteignable que dans de petits états.

Chouard sort donc les travers bien connus de la démocratie moderne, décide qu'elle n'est pas démocratique du tout, même dans une acception large, ou dégradée, et sort le tirage au sort comme remède, un peu comme le lapin du chapeau.

Ce n'est que face à la contradiction d'Asselineau que Chouard reconnaît que son système de tirage au sort serait plus praticable au niveau communal, qu'il rêve d'une société différente où l'Etat disparaîtrait au profit de fédérations de communes... On découvre donc, sur Agoravox, en face du président d'un petit parti politique qui émerge sur Internet, un intellectuel curieux, passionné et passionnant, mais très peu soucieux de changer concrètement les choses tant ses idées sont encore fragiles.

 Par exemple, il insiste beaucoup sur la nécessité que l'assemblée soit "représentative" de la population. C'est à mon avis une obsession inutile : on n'attend pas de l'assemblée nationale - pour ce qu'elle conserve de pouvoirs - qu'elle "représente" l'opinion moyenne de l'électeur moyen qui n'existe pas. On s'attend à ce qu'elle délibère et argumente pour améliorer les textes de lois qui lui sont soumis. Cela nécessite un goût, une technicité et une ardeur au travail qui ne sont pas donnés à tout le monde. Nul doute qu'une assemblée même pas d'amateurs mais de quidams pris au hasard serait intégralement pieds et poings liés au personnel administratif : les administrateurs des assemblées deviendraient les véritables maîtres.

Par ailleurs, toutes ces discussions sur la désignation des représentants à l'assemblée sont un peu désuètes depuis l'instauration de l'élection présidentielle. Devrait-on tirer au sort le président de la république ? On ne peut se contenter de répondre que le régime d'assemblée sera réinstauré : les faiblesses de la IVème république montrent sa fragilité...

Je salue donc Etienne Chouard et son travail d'interrogation, qui renoue avec les questions fondamentales du politique. Mais je l'invite à prendre en compte que la politique est aussi concrète : il est dommage qu'il ne prenne pas position pour promouvoir la candidature de François Asselineau, dont il rejoint les positions sur l'Europe, plutôt que de privilégier le combat pour une idée certes intéressante mais bien fragile. bien plus fragile que l'aplication de l'article 50 du Traité de Lisbonne réclamée par François Asselineau.

Etienne est le symptôme du désenchantement radical du peuple envers la politique.

Jean-Claude Milner a écrit quelques lignes qui s'appliquent parfaitement à son cas, dans le tome 2 de son excellent Court traité politique :

"N'importe qui peut gouverner, telle serait, selon certains, l'essence de la démocratie. Nul besoin d'être grand clerc pour comprendre de quoi il est question ; sous le "n'importe qui peut gouverner", le plus léger coup de grattoir fait apparaître la platitude désenchantée, "n'importe qui peut faire semblant de gouverner". Certes ; en cela consiste la discussion politique depuis qu'elle s'est colorée de résignation. Tant qu'on en reste là, le scandale hautement annoncé ne saurait émouvoir que des fauteuils vides".


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