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Télévision sans frontières et tensions diplomatiques

Publié le 28 septembre 2011 par Duncan

CJUE, 22 sept. 2011, Mespotamia Broadcast e.a., 244 et 245/10. Voir également les conclusions de l'AG Bot.

La diffusion des programmes de télévision au-delà des frontières d'un Etat membre donne lieu à un contentieux constant. Celle-ci pose en effet, outre des questions épineuses de protection de droit de propriété intellectuelle, de nombreux problèmes relatifs à l'application des règles du pays de destination de l'émission. Ce problème est bien connu et a été abordé dans de nombreux arrêts, généralement assez célèbres (VT4 etc.).

Toutefois, l'affaire en cause a une teneur tout-à-fait particulière en ce qu'il ajoute à cet imbroglio juridique de sérieuses tensions diplomatiques...

Mesopotamia Brodcast, qui a son siège au Danemark, est responsable de l'émission de la chaîne Roj TV. Celle-ci se spécialise dans les programmes en langue turc qu'elle diffuse dans toute l'Europe et au proche-Orient via satellite. Deux procédures furent lancées contre Mesopotamia. La première par le gouvernement Turque, au Danemark, afin de faire cesser ces émissions au motif qu'elles favoriseraient la diffusion des idées du PKK. ceci serait non-conforme aux articles 22 et 2 bis de la directive télévisions sans frontières (TSF) (Voir ici pour une version consolidée de la directive TSF). Cette demande a été rejetée par l'autorité danoise de contrôle. La seconde, en Allemagne, a abouti à l'interdiction de la diffusion de Roj TV dans ce pays au motif que celle-ci serait un obstacle à l'entente entre les peuples. Roj TV conteste cette décision devant les tribunaux allemand au motif que seule l'autorité danoise est compétente en la matière s'agissant d'une société, Mesopotamia, établie au Danemark. La juridiction allemande saisie de ce recours s'interroge si l'interdiction, prévue par le droit allemand, de programmes qui présentent une menace pour l'entente entre les peuples peut être considérée comme faisant de l'exception générale introduite à l'article 2 bis (qui vise les cas d’«incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité»de la directive ou pas).

On le comprend, la question est délicate et l'opinion de la Cour sur le sens et la portée de la directive était très attendue.

LA Cour rappelle tout d'abord qu'il ressort de l'économie générale de la directive que "le contrôle de l’application du droit de l’État membre d’origine applicable aux émissions de radiodiffusion télévisuelle et du respect des dispositions de la directive n’incombe qu’à l’État membre dont les émissions émanent, et que l’État membre de réception n’est pas autorisé à exercer son propre contrôle pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés par la directive".

Toutefois, "il résulte du caractère non exhaustif de la directive à l’égard des domaines qui relèvent de l’ordre public, des bonnes mœurs ou de la sécurité publique qu’un État membre demeure libre d’appliquer aux activités entreprises sur son territoire par des organismes de radiodiffusion des règles généralement applicables concernant ces domaines, pour autant que celles-ci n’entravent pas la retransmission proprement dite sur son territoire des émissions télévisuelles en provenance d’un autre État membre et n’instaurent pas un contrôle préalable de ces dernières".

S'agissant plus précisément du sens à donner aux notions "d’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité", la Cour relève que la directive ne définit pas ces notions. Pour le sdéfinir, il faut tenir compte de leur sens courant ainsi que de leur contexte d'utilisation. Selon la Cour, la notion d'entente entre le speuples peut entrer dans la catégorie d'incitation à la haîne. Exacerber les tensions entre les peuples turcs et kurdes, favoriser la mésentente entre les peuples, participe d'un processus d'incitation à la haîne.

En conclusion, la directive ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre prenne, en application d’une législation générale, des mesures à l’égard d’un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans un autre État membre, au motif que les activités et les objectifs de cet organisme enfreignent l’interdiction d’atteinte à l’entente entre les peuples, pourvu que lesdites mesures n’empêchent pas, ce qui doit être vérifié par le juge national, la retransmission proprement dite sur le territoire de l’État membre de réception des émissions de radiodiffusion télévisuelle réalisées par ledit organisme à partir de l’autre État membre.


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