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Sarkozy: après la déroute, la colère, l'angoisse et le choc.

Publié le 29 septembre 2011 par Juan
Sarkozy: après la déroute, la colère, l'angoisse et le choc. Etait-il sonné, découragé ou simplement en colère ? Nicolas Sarkozy n'avait rien de prévu de grand, ce mercredi 28 septembre, alors que le second débat des primaires socialistes avait été organisé sur i-télé et Europe1. Pas de voyage impromptu en Libye ni déplacement provincial avec François Fillon... Sarkozy n'avait rien trouvé, cette fois, pour tirer la couverture médiatique à lui.
Il était sonné.
Les diversions furent pourtant énormes et terrifiantes: un procureur proche du pouvoir et du Monarque devait être mis en examen. Et une cascade de documents prouvant les liens directs entre Nicolas Sarkozy et Ziad Takieddine était publiée comme la triste confirmation de cette fin de règne.
La colère
Certains doutent de sa candidature, à nouveau. Depuis le printemps dernier, le Monarque était parvenu à effacer toute candidature concurrente à l'UMP. A coup de sondages catastrophistes sur l'éventualité d'un « 21 avril à l'envers», le candidat avait réussi à limiter la compétition. Même Jean-Louis Borloo ne représente plus que 7 à 8% des intentions sondagières.
La dernière déroute, au Sénat, a jeté le trouble. Le climat des affaires tout autant.
La défaite était partiellement prévisible, depuis les victoires successives de l'opposition aux élections locales. Mais cette défaite conserve un goût amer, à en croire la mauvaise tête du Monarque de ses derniers jours. Non pas qu'il reste persuadé de gagner le scrutin de 2012. Il a toute ses chances, contrairement aux habituels pronostics. Mais se voir rappeler combien le pays, même chez les grands électeurs vous déteste, est toujours désagréable.
Mardi matin, quand Pierre Méhaignerie, l'un des rares députés centristes restés à l'UMP l'interrogeait sur les conséquences de l'affaire Karachigate, Sarkozy tance: « Ce n'est pas l'affaire Hortefeux qui a été à l'origine des divisions en Bretagne, mon cher Pierre. »
Quand on l'interroge sur les raisons de la défaite au Sénat... il s'exonère rapidement, et l'attribue au «climat général de division» à droite et à «l’inquiétude provoquée par la crise économique et financière». «La division nous tue»...
Sarkozy avait peur. L'accusation de corruption est comme un virus. Il rêvait d'être réélu tel Mitterrand de 1988, il risque le déshonneur affairiste de 1993. « Il ne faut pas s'y tromper. Tout cela, c'est pour me salir moi »
Jean-François Copé a donc réclamé l'union sacrée autour du président. François Fillon s'est agacé des derniers atermoiements au sein de cette « majorité minoritaire » pour la préparation du budget. Le lendemain cependant, le scenario était calé. Le gouvernement allait présenté sa micro-taxe de 3% sur les revenus des couples gagnant un million d'euros par an. Et un gentil député UMP proposera de baisser le seuil à 500.000 euros.
Mercredi matin, Nicolas Sarkozy recevait ses ministres pour un conseil sans enjeu. Le projet de budget, présenté en grandes lignes et sans changement depuis les annonces estivales, n'est pas encore un sujet de commentaires. Sarkozy avait la tête ailleurs. Il avait dédié sa journée à l'Arménie. Il a des soutiens tout trouvés. Certains sont connus, tels Charles Aznavour, qui livre un mois de concerts à l'Olympia où Sarkozy s'est rendu mercredi soir. D'autres sont des déçus à reconquérir, tel Patrick Devedjian, le président du conseil général des Hauts-de-Seine qui a survécu à une attaque interne en règle de la part de quelques sbires de l'Elysée qui souhaitait le déloger de son strapontin pour y placer le Prince Jean. D'autres encore sont moins connus, comme Alain Terzian, fameux producteur ou ... le premier ministre arménien lui-même, avec lequel il déjeunait ce midi. Le 6 octobre prochain, Sarkozy filera en Arménie. 
L'angoisse
Henri Guaino, envoyé en « bouclier humain » sur un plateau de France 2 lundi soir, pour défendre Nicolas Sarkozy, n'aurait pas dû. Il n'aurait pas dû défier Edwy Plenel de prouver un quelconque lien entre Ziad Takieddine et Nicolas Sarkozy. Mediapart a facilement relevé le défi. Mercredi, le site publiait 6 documents liant Sarkozy à l'homme d'affaires mis en examen le 14 septembre pour abus de biens sociaux dans le cadre du volet financier de l'enquête sur l'attentat de Karachi.
Le dossier est énorme, solide, sans contestation. Certains de ces documents étaient connus. Ainsi ce un rapport (révélé en 2010), dans lequel la police luxembourgeoise présentait « Nicolas Sarkozy comme étant celui qui, avec Nicolas Bazire, alors directeur de cabinet d'Edouard Balladur, a validé la création de la société offshore Heine, boîte noire des secrets inavouables de Ziad Takieddine ». Et l'un des motifs de la mise en examen de Takieddine est qu'il a reçu 28 millions d'euros de commissions occultes de la part de la DCN dans une vente de sous-marins... un montage validé par le ministre du Budget Sarkozy (comme la réglementation fiscale de l'époque l'imposait). Les défenseurs de Nicolas Sarkozy aimaient à rappeler que le ministre Sarkozy ne s'occupait pas de tout. Raté ! Les policiers luxembourgeois ont exhumé un document, saisi chez M. Takieddine, selon lequel « les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances Nicolas Sarkozy. »


Dans une autre note, écrite par Takieddine et datée du 29 octobre 2003, saisie chez lui, l'homme d'affaires faisait le compte-rendu d'une visite en Arabie Saoudite, en désignant Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, comme le « patron ». Dans une autre note du 3 novembre suivant, Takieddine récapitule les préparatifs de la visite de Nicolas Sarkozy en Arabie Saoudite. Mediapart publie également des courriers directs et sans détour entre Takieddine et Claude Guéant, quand ce dernier était directeur de cabinet du ministre. En particulier, Takieddine a été mandaté par Nicolas Sarkozy pour aider à la négociation du contrat d'équipements de surveillance de la société i2i (Bull) en Libye. Mediapart publie également un fax à en-tête de la présidence de la République, daté du 20 juillet 2007, très croustillant, au sujet des infirmières bulgares: envoyé par Claude Guéant alors secrétaire général de l'Elysée, il est adressé à ... Ziad Takieddine dans sa villa du cap d'Antibes.
Mardi après-midi à l'Assemblée nationale, Claude Guéant était sous pression pour démentir l'absence de tractations commerciales dans la libération des infirmières bulgares.
Le choc
Mercredi, le choc était immense, en Sarkofrance, quand on apprit que le procureur Philippe Courroye était convoquée par la juge Sylvia Zimmermann, pour être mis en examen ! Courroye, autre grand ami de Nicolas Sarkozy, décoré puis promu par ce dernier, avait multiplié les enquêtes préliminaires dans l'affaire Woerth/Bettencourt pour mieux saucissonner et enterrer le sujet. Cette fois-ci, il va devoir s'expliquer lui-même devant la justice. Le journal Le Monde a porté plainte contre l'espionnage de trois de ses journalistes. 
Selon le Monde, qui a révélé la prochaine inculpation - une première sous la Vème République - , Courroye pourrait être mis en examen pour « atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique » et une « collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite». Le journal précise: « la magistrate a fait procéder à une perquisition, mardi 27 septembre, dans les locaux de l'inspection générale des services (IGS), pour saisir les archives de l'enquête menée en 2010 par les policiers, à la demande du parquet de Nanterre. La juge Zimmermann dispose désormais d'éléments qui lui permettent de penser que Philippe Courroye a personnellement supervisé la surveillance téléphonique, au cœur de l'affaire Bettencourt, de trois journalistes du Monde, Gérard Davet, Jacques Follorou et Raphaëlle Bacqué. »
Si la mise en examen est confirmée, comment Philippe Courroye peut-il rester procureur de la République à Nanterre ?
A l'Elysée, silence radio. On grimace: « ça démontre que nous sommes bien dans un Etat de droit ». L'argument, cette fois-ci répété par Luc Chatel sur BFM-TV en fin de journée, est toujours aussi drôle.« il s'agit d'une procédure judiciaire en cours qui n'appelle pas du gouvernement de commentaires » a commenté la porte-parole Valérie Pécresse. Philippe Courroye, lui, éructait.
Cela ne s'arrêtera donc jamais.
Et non.
Jeudi, Sarkozy file au Maroc. Il était temps.


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