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Les rivières de la région sont toxiques pour les poissons

Publié le 04 octobre 2011 par Jean-Robert Bos

http://www.sudouest.fr/2011/10/03/les-pcb-se-sont-partout-invites-dans-les-rivieres-515669-706.php
dans Sud Ouest du 03/10/2011

anguille

La question n'est plus de savoir où il y a des polychlorobiphényles (PCB). Le jeu consiste plutôt à découvrir les cours d'eau où il n'y en a pas. « Avec Loire Bretagne, Adour Garonne était le bassin de référence, censé être épargné. Suite à des prélèvements effectués en 2008, il a pourtant fallu interdire la consommation des anguilles de Garonne. On était sur des teneurs légèrement supérieures au seuil toléré, de 14 à 20 picogrammes par gramme de poisson frais. Loin des 60 à 80 pg/g relevés sur les poissons de la Seine ou du Rhône. Mais la contamination était réelle », retrace Lydie Laurent, chargée de mission environnement et développement durable auprès du préfet de Région Aquitaine.

Des pêches complémentaires sur le gave de Pau ont ramené d'autres nouvelles, aussi mauvaises qu'étonnantes. La rivière qui dégringole des Pyrénées a taillé son lit au milieu d'un environnement préservé, au moins sur son cours amont. Pourtant, les anguilles sont là aussi contaminées, et ce jusqu'à l'embouchure de l'Adour. « Sur le gave de Pau, la surprise a été complète », confesse Philippe Chapelet, le chef du service prévention des risques à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Aquitaine.

les interdictions

Une rafale d'arrêtés

Charente le 14 septembre, Charente-Maritime le 12 septembre (la Charente et ses affluents), Gironde et Dordogne le 9 juin (estuaire de la Gironde, Garonne, Isle et Dordogne), Lot-et-Garonne le 9 septembre, Tarn-et-Garonne le 29 août (Garonne et une partie du canal latéral), Landes, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées le 9 septembre (Adour en aval de la confluence avec les gaves, Gaves réunis, gave de Pau) : tous ces départements ont pris ces derniers temps des arrêtés limitant ou interdisant la commercialisation et la consommation des anguilles.

L'alose feinte est également concernée en Gironde, dans le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne. Sur la partie de l'Adour visée par l'arrêté interpréfectoral, l'interdiction est étendue aux poissons de fond : barbeaux, brèmes, carpes, vairons et silures.

Les PCB sont partout alors qu'ils sont censés n'être nulle part. Les polychlorobiphényles, souvent appelés pyralènes (lire par ailleurs), ont été définitivement interdits en 1987 en raison de leur toxicité. Certaines de leurs applications étaient prohibées depuis 1979. Ces molécules potentiellement cancérigènes sont aussi des perturbateurs endocriniens à faible dose. Elles doivent être traquées dans l'alimentation des femmes enceintes, car elles sont néfastes au développement cérébral du fœtus.

Jusqu'à 2 700 ans

De l'eau a coulé sous les ponts, mais elle n'a pas éradiqué le problème. Les PCB sont des molécules de synthèse à durée de vie très longue. Certaines d'entre elles ont une demi-vie (délai nécessaire à la perte de la moitié de leur activité) de 2 700 ans…

Avant la mise en évidence de leurs effets dévastateurs, ces substances ont été très utilisées dans l'industrie. Leurs propriétés isolantes ont rendu leur usage banal dans les transformateurs et les condensateurs électriques, comme dans les peintures et les encres d'imprimerie par exemple. Des PCB, il y en avait en masse sur le territoire français.

Mis au point en 2003, le plan national d'élimination des appareils contenant des PCB en tenait compte. Il fixait au 31 décembre 2010 la date limite de mise au rebut dans les règles de l'art. Au début de cette année, la Dreal Aquitaine comptabilisait encore 17 sites non traités, avec déclenchement de procédures contentieuses à la clé.

« Le problème vient des friches industrielles. Sur ces terrains abandonnés, personne ne débloquera l'argent pour aller pister les PCB. Qui ira excaver des sols pollués qui contaminent les nappes phréatiques et les rivières ? D'anciens sites de broyage de ferraille peuvent aussi être contaminés. On est très longtemps resté dans l'ignorance. En 2001, l'inventaire des matériels contenant des PCB a été lancé sur la base du volontariat », déplore Christine Bossard, qui travaille sur le dossier au sein de l'association Robin des Bois, laquelle tient un atlas très pointu des sites terrestres et aquatiques pollués aux PCB.

C'est un secret de Polichinelle, des pratiques délictueuses ont aggravé la pollution. Plutôt que de supporter un coût d'élimination très important (de 10 000 à 20 000 € par transformateur), des possesseurs de ce type de matériels ont opté pour l'enfouissement ni vu ni connu dans la nature, voire pour le largage à la rivière. Accidentelles ou intentionnelles, ces diverses pollutions ont conduit les PCB droit dans les sédiments des cours d'eau, au voisinage des poissons de fond.

Dans le gras des anguilles

Au sommet de la chaîne alimentaire, les carnassiers accumulent les PCB tout au long de leur vie. « Soit ils mangent des proies contaminées, soit ils le deviennent eux aussi par contact direct avec les sédiments. Les anguilles présentent un taux de matière grasse quatre à cinq fois supérieur à celui d'autres poissons. De ce fait, elles ''bioaccumulent'' les PCB plus que d'autres poissons », indique le docteur Jean-Charles Leblanc, le chef du département d'évaluation des risques liés à l'alimentation à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Publié le 16 mai dernier, l'avis de l'Anses pour le bassin Adour Garonne a servi de base aux arrêtés préfectoraux limitant la consommation des anguilles, voire d'autres poissons. Grâce à de nouveaux échantillons de poissons prélevés par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), les experts de l'agence ont pu aller plus loin dans le détail. Ils ont déterminé que les anguilles concentraient d'autant plus les PCB que celles-ci étaient âgées, et donc de taille et de poids importants. Sur certains cours d'eau, les jeunes anguilles se retrouvent ainsi sous le seuil de contamination. Ce qui explique que des arrêtés préfectoraux ne visent que les spécimens qui dépassent 55 ou 60 cm (lire ci-dessous).

Dans quelle mesure cette pollution va-t-elle perdurer ? « Le retour à la normale pour les espèces interdites n'est pas pour demain. Mais la contamination est ancienne. On termine actuellement une " étude d'imprégnation " sur les consommateurs de poissons. On peut dire que la contamination chez l'homme a diminué depuis vingt à trente ans. Nous sommes moins exposés que nos parents. Mais eux ne le savaient pas », conclut le docteur Leblanc.


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