Magazine Moyen Orient

Plus vides les discours, plus rude sera la chute

Publié le 25 septembre 2011 par Jcharmelot

Les récents exercices oratoires à la tribune de l’ONU des protagonistes du dossier palestinien ont illustré de façon pathétique l’anachronisme des arguments et de ceux qui les exposent. Dans une région arabe en pleine ébullition, alors qu’Israël est confronté à une crise sociale et morale grave, que le monde est menacé par une nouvelle « Grande Dépression », l’impuissance des principaux acteurs du conflit contemporain le plus durable est particulièrement inquiétante. Leur vacuité laisse la voie ouverte aux peurs irrationnelles, aux frustrations accumulées, au désespoir et à la violence qui l’accompagne.  

 Vieilles rengaines

Benjamin Netanyahou a fait appel à des grands noms de l’histoire, et cité Lord Balfour et le président Truman;  Mahmoud Abbas a repris à son compte une formule vieille de prés de 20 ans: les « assez » d’Yitzhak Rabin. Avant eux, Barack Obama avait usé d’une réthorique dont les présidents américains s’étaient éloignée depuis longtemps: Israël est une petite nation encerclée par des pays qui ont lancé des guerres contre l’état hébreu, et sa sécurité est encore menacée. L’exil biblique, les persécutions historiques, et la shoah justifient les inquiétudes du peuple juif et sa détermination à user de tous les moyens pour se rassurer. 

Au delà des formules, les crispations de tous étaient évidentes. Obama en pleine campagne pour sa réélection a prononcé les paroles que des électorats pro-israéliens dans des états-clefs avaient besoin d’entendre. Il n’était pas question de rouvrir avec Netanyahou les querelles qui lui ont valu d’être vertement attaqué par les Républicains, les chrétiens conservateurs, et même des Démocrates qui considèrent que faire pression sur Israël est contre productif. Il a donc renoncé à évoquer le problème fondamental de la colonisation juive dans les Territoires occupés, dont il avait demandé pourtant le gel comme condition évidente d’une reprise des négociations avec les Palestiniens. Et il n’a pas insisté sur le tracé des futures frontières, le long des lignes d’armistices de 1949, qui avait tant faché Netanyahou.  

Dans le même temps, des fuites à la presse américains ont révélé que les Etats-Unis avaient fourni à l’état hébreu des bombes perforantes à haute capacite de pénétration, des « bunker busters ». Ce type d’armes est tout à fait adapté à la destruction d’installations sous-terraines, comme celles dans lesquelles les Iraniens sont soupçonnés de vouloir développer une arme atomique. Cette initiative de l’administration Obama ne peut que satisfaire les « faucons » aux Etats-Unis, mais elle ne fait certainement pas progresser la résolution pacifique de la question du nucléaire iranien. Ni la paix au Proche-Orient. 

Mahmoud Abbas a pris la parole, avec l’ambition d’écrire l’histoire. Il a surtout démontré qu’elle avait la facheuse tendance à se répéter. Il a repris l’argument central des Palestiniens que la poursuite de la colonisation des terres palestiniennes, occupées depuis la guerre de 1967, est l’obstacle principal à la paix. Et il a annoncé qu’il était décidé à sortir de cette impasse en cherchant à obtenir de l’ONU une reconnaissance d’un état palestinien dont le territoire serait ainsi légalement déterminé. A ses yeux, cette nouvelle étape dans l’affirmation nationale des Palestiniens ne peut que rendre encore plus illégale la présence de quelque 500.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-est. Il n’a toutefois rien dit sur ce qu’une éventuelle déclaration de souveraineté allait changer dans la pratique sur le terrain. Et il a ainsi prété le flanc à ses critiques qui voient dans son apparition à la tribune de l’ONU moins un coup d’éclat, qu’un coup d’épée dans l’eau.

Dans son discours il a également omis de parler de ce qui fache: de Hamas, qui contrôle la bande de Gaza et son million et demi d’habitants. L’organisation concurrente de l’OLP de Mahmoud Abbas avait avant même la démarche de ce dernier à l’ONU dénoncé ce qu’elle considère comme une nouvelle dérobade de la direction palestinienne. Le groupe armé revendique encore toute la Palestine historique comme territoire palestinien et refuse d’admettre explicitement le droit d’Israël à exister. Et cette divergence fondamentale est la faiblesse essentielle de la stratégie de reconnaissance des Palestiniens. Ceux qui s’y opposent sont en droit de demander à l’OLP et à Mahmoud Abbas au nom de qui parlent ils?

Quant au premier ministre israélien, il n’a surpris personne. Il s’est attaqué à l’ONU qu’il a comparé à « une maison de mensonges ». Il a dénoncé le danger de l’islam militant, et a exhorté le monde à se débarrasser de l’Iran. Il a accusé les Palestiniens d’avoir rejeté tous les efforts de négociations des Israéliens en usant du prétexte dilatoire de la colonisation. Finalement, a-t-il dit, les Palestiniens refusent l’idée même de l’existence d’Israël et n’ont d’autres intentions que de terroriser les Israéliens en faisant pleuvoir sur leurs villes des milliers de roquettes.

Le Quartette, en roue de secours

Pour couronner cette pitoyable épisode onusien, le Quartette, mécanisme diplomatique grippé depuis sa création, a repris du service. Il a proposé de nouvelles rencontres, de nouvelles négociations, de nouvelles échéances pour un réglement définitif. Cette initiative semble surtout destiner à mutualiser la responsabilité  de l’échec. Les Etats-Unis qui monopolisent le dossier israélo-palestinien depuis la guerre de 1973 ne veulent pas supporter seuls le poids du naufrage. Les Européens, bailleurs de fonds, mais incapables d’imposer leur voix dans la recherche d’une solution, semblent trop contents d’être admis pour assister à l’enterrement du processus de paix. Les Russes, en embuscade depuis le cavalier seul des Etats-Unis et de l’Europe en Libye, espèrent tirer un avantage au moins d’image dans l’organisation éventuelle d’une grande conférence internationale à Moscou. Et l’ONU, méprisée et insultée, se résout encore une fois à jouer les arbitres d’un affrontement où elle ne peut que compter les coups. Et tenter de les éviter.

Pourtant, il y urgence à changer de ton et à faire preuve d’imagination pour apporter une réponse aux revendications légitimes des Palestiniens et aux inquiétudes tout aussi légitimes des Israéliens. Mais ce n’est pas dans une génération de responsables politiques marqués par le passé que germeront les idées nouvelles. La désillusion a sans doute gagner les rues de Tunis, Le Caire, Sanaa ou Bahreïn où des révoltes ont fait croire au Printemps arabes. Et à Tel Aviv le camp de toile des « indignés » israéliens a été démantelé. Mais le vent de la contestation, gonflé par le désir d’avenir d’une population de plus en plus jeune, et de mieux en mieux éduquée, s’est levé dans cette région du monde et cherche à la faire sortir des ornières du passé. Et il risque de se transformer en tempête pour y réussir.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jcharmelot 247 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte