Magazine Moyen Orient

Les visages moins souriants de la nouvelle Libye

Publié le 17 septembre 2011 par Jcharmelot

Lors de la visite de Nicolas Sarkozy et de David Cameron en Libye, les deux responsables européens ont salué –tout sourire– le soulèvement victorieux d’un peuple arabe contre une dictature. Il s’agissait pour eux d’écrire un nouvel épisode du récit construit depuis le début de la révolte anti-Kadhafi d’une lutte populaire spontanée qui a balayé un pouvoir détesté. Et ils ont pudiquement omis, au moins dans leurs démonstrations publiques, toute référence à une réalité plus trouble que des indices commencent à révéler. Celle d’une implications depuis de longs mois de services étrangers, qui avaient de bonnes raisons de vouloir en finir avec l’imprévisible colonel. Et de la présence sur la scène libyenne de personnages dont la réputation laisse présager que l’affaire est loin d’être close.

Le nouveau commandant militaire de Tripoli est un homme connu des services de sécurité occidentaux. Abdel Hakim Belhaj  avait formé dans les années 90 un groupuscule islamiste armé pour combattre le régime de Kadhafi, et il s’était rapproché d’Oussama ben Laden. Par la suite, son groupe avait été placé sur la liste américaine des organisations soutenant le terrorisme, et il avait été arrêté  par les autorités de Kuala Lumpur alors qu’il se trouvait en Malaisie. Il a été remis à la CIA, qui l’a interrogé avant de le renvoyer en Libye où il a été jeté en prison. Il avait été libéré à la suite d’un accord entre les Islamistes et le fils de Kadhafi, Saif al Islam. Aujourd’hui, Belhaj est un homme puissant, qui dispose d’une brigade de plus de 8000 hommes, financés, armés, et entrainés par le Qatar.

Belhaj est étroitement associé à une autre figure émergente dans la nouvelle Libye, Ali Sallabi, un précheur islamiste, dont l’influence se fait sentir de plus en plus. Il est le responsable de la mouvance Etilaf, qui est la branche libyenne des Frères Musulmans. Dans ses déclarations publiques, Sallabi assure que les intentions de son organisation sont d’assurer que la rébellion et la transition conduisent à un système politique démocratique. Mais ses critiques l’accusent de dissimuler son véritable objectif d’imposer en Libye un ordre religieux strict.

Pour contrer ce que les milieux occidentaux considèrent déjà comme une influence croissante des milieux islamistes, les Etats-Unis ont dépêché en Libye un homme à eux: le général Khalifa Ifter.  Le Conseil National de Transition a annoncé qu’il était chargé de mettre sur pied une nouvelle armée nationale, et de faire entrer dans le rang les différentes milices qui ont participé à la campagne contre Kadhafi. Notamment la Brigage de Tripoli de Abdel Hakim Belhaj. Ifter avait déserté le régime de Kadhafi en 1987, et tenté d’organiser au Tchad une troupe de combattants anti-Kadhafi financée par la CIA. Il a par la suite été hébergé aux Etats-Unis, dans une banlieue de Washington dans le voisinage du QG de la centrale de renseignement. Il y a vécu une vingtaine d’années avant d’être renvoyé en Libye pour tenter de prévenir le chaos post-révolutionnaire.

Le président Sarkozy, qui a joué un rôle crucial pour lancer l’offensive contre le régime de Kadhafi a reçu un accueil enthousiaste à Tripoli et à Benghazi. Il avait auprès de lui  pour savourer les vivas de la foule l’écrivain français, Bernard Henri Levy, qui s’est pris d’enthousiasme pour les révolutionnaires libyens. Un autre homme aurait pu venir lui aussi goûter au plaisir d’être acclamé: Mouri Mesmari, ancien chef du protocole de Mouammar Kadhafi. Il a fui son pays en octobre 2010 et s’est réfugié en France. Depuis il y vit sous la protection des autorités et, selon des indiscrétions que les services secrets italiens ont laissé circuler, c’est lui qui aurait aidé les responsables français à planifier l’insurrection qui a finalement chassé du pouvoir le dictateur libyen.


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