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France-Angleterre 2007 : Orgueil et préjudice

Publié le 05 octobre 2011 par Levestiaire @levestiaire_net

Ce fut l’avant dernier match du grand Bernard Laporte et le dernier article du petit Peyo Greenslip

Un pêché d’orgueil aussi prévisible qu’intolérable et un manque total de réactivité tactique ont poussé les Bleus dans l’abîme. Les miracles restent uniques. Le rêve de toute une nation vient de s’enfuir par la Manche.

Par Peyo Greenslip

«Sans un grain de folie, il n’est point d’homme sérieux.» S’il ne croupirait pas entre quatre planches, La Rochefoucault, se serait plu, hier, le visage affublé d’une barbe Chabalesque et le corps couvert d’une salopette tout droit tirée de l’imagination d’Uderzo, à crier haut et fort, dans les tympans d’un Laporte inanimé, sa maxime. Hier, le grand gourou a regardé, presque béatement, son XV de France, perdre lentement mais implacablement, le contrôle d’une rencontre qu’elle maîtrisait jusqu’ici, sans pour autant parvenir à se mettre à l’abri.

Michalak traille un costard à Laporte

Pourtant à 9-5, on ne donnait pas cher de la Rose. Mais, c’est de cette adversidité générale que l’Angleterre aime se nourrir. Les Anglais ne sont pas d’extraordinaires joueurs de rugby, comme nous l’écrivions hier, mais ils n’en demeurent pas moins d’éternels compétiteurs, jamais battus, même, et surtout, lorsqu’ils apparaissent abattus. Do or die contre Just do it. Le réalisme contre l’idéal marketing. Le rugby, amateur d’humilité et de courage, ne s’y est pas laissé duper, choisissant son camp non sans un suspense des plus amers. 2003-2007, le parallèle est troublant. Choquant même. De Plan B, il n’y avait pas eu à Sydney. Quatre ans plus tard, ce maudit Plan B, qui sonne comme une ligne de métro, n’était toujours pas au point pour sortir les Bleus du long tunnel dans lequel ils s’enfonçaient au fil des minutes d’un second acte dont ils perdaient le fil. A croire que les Français n’apprennent rien de leurs échecs. Laporte, vulgaire robot sans âme ne sut, une fois de plus, trouver la manette d’arrêt d’urgence. Alors les Français, même privés de Beauxis, persévérèrent dans leur entreprise de bombardement au pied. Sauf que le petit poucet Michalak n’a pas la botte d’ogre du Bigourdan. Pourquoi, à ce compte-là, ne pas avoir fait glisser Traille à l’ouverture et Heymans (trop brillant hier et donc remplacé, sic) à l’arrière? Ou tout simplement mis en place un jeu plus aéré? À force de vouloir faire évoluer les joueurs contre leur nature, le ressort sur lequel on parvient à agrafer quelques victoires de prestige a fini par rompre. L’exemple de Traille est à ce point frappant. La chance des novices qui le portait à Cardiff l’a abandonné dès l’entame à Saint-Denis. Nul doute qu’un arrière de métier ne se serait laissé berner par le coup de pied de Gomarsall. Sitôt débutée, la rencontre était déjà terminée pour le Biarrot. Pied de nez à la stratégie d’occupation mise en place par Laporte, c’est même le vieux Jason Robinson qui venait déambuler dans la défense tricolore alors que Poitrenaud se languissait en tribune. Le pied des Français est finalement venu leur botter les fesses. L’Angleterre n’est pas la Nouvelle-Zélande.

À Laporte

Le plus cruel, c’est que cette équipe de France s’est inclinée face à de faibles britanniques, jamais en position d’inscrire le moindre essai. Il en fut d’ailleurs de même pour les Français dans un match qui ne valut que pour son seul suspense. Emmené par une troisième ligne encore impeccable, le pack a tenu son rang, malgré quelques atermoiements en conquête. La seconde ligne souffrit néanmoins. Pelous quittant rapidement le navire, Chabal fit étalage de sa méforme physique. Solide pendant trente minutes, l’homme des cavernes finit par s’effondrer, assénant un ultime coup de gourdin illicite, à l’origine du drop victorieux de Wilkinson. Lorsqu’il vint relever la bête à la fin du match, Lionel Nallet, camarade exemplaire, était frais, lui.
Devançant son monde, Laporte, les deux pieds et la tête déjà derrière son bureau ministériel, a positivé: «Ce Mondial n’est ni raté, ni gâché.» De mémoire, l’objectif était pourtant la victoire finale. Que le futur secrétaire d’État aille expliquer ça aux 88 % de Français qui voyaient déjà les Français en finale. Poussée de fière, poussée d’orgueil. Un rêve s’est dérobé, peut-être à tout jamais. Rangez drapeaux, maquillages et trompettes. Le retour sur terre lundi sera pénible…


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