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Comptes de la cuisinière (Col Suire)

Publié le 08 octobre 2011 par Egea

Je vous en ai parlé l'autre jour : Benoist Bihan, sympa, l'a cité dans sa dernière chronique de DSI (à lire absolument, d'ailleurs) : Le colonel Suire vaut vraiment le détour. Petite fiche de lecture des Comptes de la cuisinière

Comptes de la cuisinière (Col Suire)
source

1/ Le projet du livre (paru en 1958, avant donc la bombe française et les débats sur la dissuasion : la guerre est alors une guerre nucléaire) est triple : s'appuyer sur l'histoire militaire pour démontrer l'importance de la logistique y compris dans une guerre nucléaire. Disons le tout net, ce dernier projet est obsolète et n'attire pas vraiment l'attention, hors la curiosité et l'admiration des connaissances mobilisées à l'appui de raisonnements originaux. Pour le reste, on se concentrera sur les premiers chapitres du livre qui en forment environ une moitié.

2/ En effet, M Suire montre tout d'abord que toute stratégie repose sur la sûreté, et que celle-ci dépend, in primo, de la logistique. Le 2ème chapitre parcourt l'histoire militaire pour montrer que longtemps, les mouvements étaient lents, et qu'on manœuvrait plus qu'on ne livrait bataille : celle-ci était rare. L'invention de la grande tactique tient de l'invention de la "division", c'est-à- dire du fractionnement des armées et donc à l'installation de plusieurs lignes logistiques. Pourtant, l'application des théories de Clausewitz tout au long du XIX° siècle aboutissent paradoxalement à un resserrement des lignes logistiques. Surtout, la mécanisation de la guerre imposait des tonnages formidables et entravait la vélocité des grandes unités. Lors de la 1ère guerre mondiale, une percée de 20 Km paraissait comme gigantesque, mais insuffisante toutefois pour empêcher le rameutage des réserves qui sont à la fois logistiques et opératives. "Le règne de Clausewitz s'achevait par un constat d'impuissance à arracher la décision par l'action militaire pure" (p. 51) : et pan sur le bec, écrire ça dans un blog clausewtizien, faut oser.

3/ La conclusion est exposée dans le chapitre 3 : "L'insécurité est devenue totale sur toute la longueur des lignes logistiques, tant qu'on n'a pas acquis la suprématie aéronavale. La possibilité de frapper l'adversaire aux sources logistiques mêmes a donné un regain d'actualité aux formules de guerre indirecte, surtout pour les peuples dont la sûreté stratégique est assurée par la nature" (p 53). Guerre indirecte ? voici déjà annoncé le prochain opus, nous y reviendrons.

4/ "L'insécurité logistique et les besoins toujours accrus des armées ont tellement accentué la dépendance de la tactique par rapport à la logistique qu'il est devenu tout à fait impossible de bâtir un plan d'opérations sans l'étayer de de prévisions logistiques minutieuses et à longue échéance" (p 54). Je ne doute pas que c'est toujours le cas.....

5/ Le chapitre 4 évoque la technicité des matériels et montre que celle-ci n'a pas, globalement, accéléré la manœuvre de l'armée par rapport à la vélocité du fantassin romain sous César. Le chapitre 5 traite rapidement des effectifs.

6/ Passons rapidement sur la deuxième partie pour aller directement à la conclusion. Et quelques maximes intéressantes : "Les guerres futures (...) vont allier l'autonomie tactique et la stratégie universelle, ce qui est un phénomène neuf. (...)" (p 215) : on dirait du caporal stratégique... à ceci près qu'on a de moins en moins d'autonomie tatcique, même s'il y a une ingérence/confusion du stratégique et du tactique. " En stratégie, il faut revenir à ces vues mondiales synthétiques dont l'amiral Castex a fourni l'exemple inégalé" : allusion à la mondialisation stratégique.

Ainsi, un bref opus dont on peut encore lire les 90 premières pages....

Réf :

  • Maurice Suire, "Les comptes de la cuisinière, influence de la logistique sur l'art de la guerre", Berger-Levrault, 1958.
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O. Kempf


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