Magazine Conso

God Hand, Punk is not dead

Publié le 25 février 2007 par Jérôme / Khanh Dittmar / Dao Duc
medium_ME0000680274_2gpe.jpg  

C’est parfois au zénith de leur crépuscule qu’on reconnaît les plus grandes œuvres, les plus grands auteurs. Ce chant du cygne aura été celui de Clover qui en deux jeux magistraux sur des territoires parfaitement antinomiques, Okami et God Hand, a resitué encore un peu plus haut la qualité et le devoir d’exigence du jeu vidéo. Incroyablement empirique, d’une attente et d’une dévotion demandée au joueur comme on en voit plus, God Hand s’impose comme l’ultime beat them all. Un jeu d’une radicalité inouïe poussant notre investissement au paroxysme des œuvres totales.

Nul autre jeu vidéo comme God Hand n’a su se révéler comme une œuvre authentiquement punk, le reprenant à sa source, ses origines, débarrassé de toutes tentations ou récupérations politiques. Carrément dandy, manifeste esthétique pur et dur, intransigeant, absolu, God Hand c’est l’avant Sex Pistols, l’anti Exploited, l’anti Dead Kennedys. Plutôt tendance Suicide ou vaguement Ramones croisé de Guitar Wolf, God Hand est un jeu complètement low tech, débraillé, d’une affirmation telle dans son autodérision, sa complaisante vulgarité, son humour potache et son machisme triomphant, qu’il nous oblige sans cesse à outrepasser ses faiblesses pour voir plus loin. Un jeu d’avant-garde qui pourtant ne fait que systématiser à la perfection une sorte de synthèse idéale entre le jeu de combat et le beat them all, où le combo est un art, une recherche perpétuelle d’efficacité et du spectaculaire. Clover nous obligeant à constamment être en quête d’une perfection ultime que la difficulté du jeu ne cesse de nous imposer. Peu de jeu aujourd’hui pousse à de tels degrés d’exigence, de tels soucis ou rapport au perfectionnement à partir d’une œuvre visiblement sommaire comme pour mieux cacher sa complexité et sa richesse presque inépuisable.

Décidément punk, God Hand s’impose par son épuration de la belle image au prix d’une énergie colossale, radicale, frénétique, où l’on avait plus pressé un bouton aussi vite et compulsivement depuis près d’une décennie. Comme le punk, God Hand est la fin d’une époque, la limite « où votre ticket d’entrée n’est plus valable », un jeu qui reconfigure l’esthétique du jeu vidéo à partir d’une forme dégénérée et ultime où le passé vient s’actualiser pour un dernier tour de piste. Véritable manifeste à contre courant de toute son industrie, God Hand s’impose comme un joyeux bras d’honneur à son milieu et à Capcom tout en reprenant sa tradition en la poussant dans ses limites. Un jeu dédié à un tel amour du jeu vidéo radical qu’il nous force à épouser totalement son esthétique. Définitivement dandy malgré sa vulgarité autoproclamée, God Hand ne cesse de nous demander une ascèse absolue, une discipline constante, cette exigence de chaque instant où l’unique récompense est la beauté du geste, le notre.

Jérôme Dittmar 


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog