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Dexia ou l'effondrement d'un système

Publié le 09 octobre 2011 par Raphael57

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Dexia : voilà le nom d'une banque qui risque fort de rester dans l'histoire économique comme le symbole de l'effondrement d'un système, sans que l'on puisse précisément la déclarer victime de la crise bancaire actuelle plutôt que de la crise des subprimes de 2008. Ce mastodonte franco-belge, issu du rapprochement en 1996 entre le Crédit communal de Belgique (1860) et le Crédit local de France (1987), était devenu le spécialiste du prêt à long terme aux collectivités européennes... et américaines, avant de frôler la liquidation en 2008 à cause des subprimes dont il s'était gavé ! Mais heureusement pour Dexia, la Belgique, la France et le Luxembourg avaient trouvé en une nuit 6,4 milliards d'euros pour la sauver de la faillite...

Mais les faiblesses structurelles de Dexia ont persisté, malgré la restructuration menée à marche forcée sous les injonctions de la Commission européenne. Ainsi, en dépit d'une réduction drastique des besoins en liquidité à court terme de 265 milliards d'euros en 2008 à 96 milliards d'euros au 30 juin 2011, et la vente de 74 milliards d'actifs jugés non stratégiques, Dexia n'inspirait plus confiance au système bancaire depuis un certain temps déjà. Tout ceci va inévitablement déboucher sur une scission du groupe, avec la création d'une structure de défaisance (appelée bad bank dans le jargon financier) qui récupèrera 120 milliards d'euros d'actifs toxiques afin d'assainir son bilan toujours bien garni de titres pourris... et un rapprochement avec une banque plutôt saine, la banque postale ! On comprend dès lors pourquoi les collectivités territoriales s'inquiètent, car il n'est pas inutile de rappeler que Dexia ne se gênait pas pour leur vendre des prêts toxiques exotiques, comme on peut le lire ici. Voir également la vidéo ci-dessous :

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Bref, les banques vont mal en Europe ! C'est pourquoi, la réputée très conservatrice Banque centrale européenne (BCE), à l'instar de ses homologues d'Angleterre (BoE) et du Japon (BoJ), s'est ainsi décidée à réactiver des mesures non conventionnelles pour soutenir les banques. Parmi elles, on trouve le maintien des prêts à taux fixe et sans limite de montant, la mise en place de prêts à un an et un programme de 40 milliards d'euros d'achat de covered bonds (obligations sécurisées). Il est vrai que la santé financière des banques n'est pas au beau fixe, à moins de croire les incantations liées aux relax tests qu'ont passés les banques avant l'été et dont j'ai rendu compte dans ce billet.

La déconfiture de Dexia n'aura au fond qu'accéléré le calendrier du projet de recapitalisation des banques européennes fragilisées par la crise de la zone euro. C'est du reste un aveu incroyable de la part de la Commission européenne : d'un côté elle nous vantait la solidité du système bancaire européen en début d'année, et désormais elle avoue qu'un tel projet de sauvetage était dans les cartons depuis longtemps... Et le comble est atteint lorsque qu'Angela Merkel, toujours prompt à refuser plus de solidarité européenne, en vient à nous expliquer que "la révision des traités européens ne devrait pas être un tabou"... lorsqu'il s'agit de sauver des banques !

Au-delà du problème politique (coordonner les actions des États membres), il reste d'épineuses questions en suspens : quels seront les établissements financiers qui bénéficieront de cette aide ? Quel sera dès lors le montant des besoins (le FMI suggérant 100 à 200 milliards d'euros !) ? Quelles seront les contreparties exigées, si tant est qu'il y en ait ?

Tous ces scénarios ne tiennent pour l'instant pas compte d'un aléa potentiellement dévastateur : une nouvelle récession, techniquement appelée double dip . Or, si la crise des subprimes a conduit à la socialisation des dettes privées sous forme d'endettement public des États, on ne voit pas très bien comment l'opération pourrait être répétée aujourd'hui au vu des faibles marges de manoeuvres financières dont disposent encore les États. En outre, l'opinion publique admettra-t-elle de devoir payer encore une fois pour les errements des banquiers qui ont réussi à reconstituer leurs marges au détriment de l'économie réelle ?

Qui expliquera enfin aux politiques que la solution à la crise de la zone euro ne se trouve ni dans l'austérité ni dans la croyance occulte qu'aider les banques sans contreparties sérieuses c'est aider l'économie réelle ? La seule solution viable qui a fait ses preuves, est de soutenir directement l'économie réelle pour obtenir de la croissance ! Et si les citoyens récupéraient enfin le pouvoir économique ?

N.B : l'image de ce billet provient du site kritiks.


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