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Le Parti socialiste et la logique présidentielle de la Ve République (1/2)

Publié le 07 octobre 2011 par Sylvainrakotoarison

Nombreux sont les commentateurs qui pensent que le PS n’est pas génétiquement adapté au culte de la personnalité providentielle qu’impose le principe de l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Et pourtant… Première partie.

yartiPSinstit41La gauche a souvent été victime de ses divisions. La droite et le centre également. Si bien que les élections se déroulent depuis longtemps avec des choix par défaut.

Le troisième échec des socialistes depuis la fin des septennats de François Mitterrand, le 6 mai 2007, avait beaucoup encouragé les analystes politiques à affirmer que le PS n’était pas dans la culture de l’homme (ou la femme) providentiel(le) et qu’il était un parti trop collectif pour se permettre d’affirmer un leadership personnel.
Avoir dans ses rangs un leader charismatique est une nécessité dans un pays où l'élection présidentielle régule tout le paysage politique.

La précampagne présidentielle qui s’est ouverte depuis le début de l’été 2011 pourrait montrer que, décidément, les socialistes seraient structurellement incapables de s’organiser autour d’une personnalité forte et incontestable.

Un calendrier politique en porte-à-faux avec les institutions

Le calendrier du PS imposé par Martine Aubry pour l’élection présidentielle de 2012 est d’ailleurs le même que celui imposé par son prédécesseur François Hollande pour 2007 : construire un programme présidentiel avant de désigner, tardivement, un candidat qui, de toute façon, ne serait pas incontesté.

Or, la logique de la Ve République qui voulait, initialement, remiser les partis politiques en lisière de l’élection présidentielle, et donc, qui ne pourrait se satisfaire du principe qu’un parti impose un programme à son candidat puisque l’élection présidentielle est un dialogue entre une personne et le peuple français, va à l’encontre de ce type de calendrier.

D’ailleurs, Ségolène Royal l’a confirmé après 2007 : sa candidature avait été enfermée dans des positions politiques qui n’étaient pas les siennes et dont elle n’était elle-même pas convaincue (comme le SMIC à mille cinq cents euros).
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(Dessin issu de "Monsieur le Ministre, tome 2" par Binet).

La logique aurait voulu au contraire que le PS se choisît le plus rapidement possible son candidat et que ce dernier, éventuellement accompagné du PS, élaborât son propre programme présidentiel, avec sa personnalité propre, ses priorités, ses analyses, ses missions, sa vision.

Les commentateurs se disent alors, impuissants observateurs, qu’à part l’exception notable de François Mitterrand, les socialistes n’ont jamais réussi à avoir un leader incontestable depuis une cinquantaine d’années.

À cela, je dirais oui et non.
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apide historique de l'aventure mitterrandienne

Même le leadership de François Mitterrand était contesté au sein du PS avant 1981. Au fameux congrès d’Épinay du 11 au 13 juin 1971, il a pu "s’emparer" du Parti socialiste (dirigé alors par Alain Savary) grâce au soutien intérieur (François Mitterrand venait de l’extérieur du PS) de Pierre Mauroy, le dauphin désigné de Guy Mollet.

Ensuite, François Mitterrand a dû batailler pour verrouiller en interne son parti et également pour imposer son idée d’union de la gauche qui devait être le seul vecteur d’une victoire électorale (il a eu raison sur ce point). Notamment, le congrès de Metz des 6 au 8 avril 1979 a été très difficile pour lui à la suite de la défaite électorale de mars 1978 pour contenir les ambitions présidentielles de Michel Rocard, allié à Pierre Mauroy, grâce au soutien de Laurent Fabius et à celui, plus capricieux, de Jean-Pierre Chevènement.

Même à l’Élysée, François Mitterrand ne maîtrisait pas beaucoup le Parti socialiste. Pour la campagne des élections législatives du 16 mars 1986, il n’a pas pu empêcher de s’affirmer la rivalité suicidaire entre ses deux héritiers directs, Laurent Fabius, alors jeune Premier Ministre depuis le 17 juillet 1986, et Lionel Jospin, premier secrétaire du PS depuis le 24 janvier 1981.

Et sa perte de contrôle sur le PS fut totale en mai 1988 après sa réélection, puis lors du congrès de Rennes des 15 au 18 mars 1990, quand son protégé Laurent Fabius fut battu par Pierre Mauroy (soutenu par Lionel Jospin et Michel Rocard) à la tête du parti.

Donc, d’une certaine manière, on pourrait dire que le PS n’a jamais eu de leader incontesté depuis sa naissance le 4 mai 1969.

Mais d’une autre manière, on pourrait dire qu’au contraire, jusqu’en 2007, le PS n’a jamais eu de problème de leadership. L’élément majeur est la désignation et le soutien d’un candidat (unique) à l’élection présidentielle.

Des candidatures de Mitterrand naturelles

En 1974 et en 1981, la candidature de François Mitterrand avait été incontestée. Même Michel Rocard, qui avait annoncé le 19 octobre 1980 sa candidature (à l’époque il avait à peu près l’âge d’Arnaud Montebourg ou de Manuel Valls), s’était immédiatement effacé lorsque François Mitterrand était sorti du bois le 8 novembre 1980.

Évidemment, le statut de Président de la République sortant rendait sa candidature également évidente (ou prioritaire) en 1988, malgré, là aussi, une déclaration de candidature de Michel Rocard avant la décision hésitante de François Mitterrand annoncée le 22 mars 1988.

La défaite annoncée de 1995

En 1994, les sondages laissaient à Jacques Delors un boulevard, un peu à la manière de Dominique Strauss-Kahn avant mai 2011. Pourtant, les socialistes avaient subi une défaite monumentale aux élections législatives de mars 1993 (jusqu’à entraîner Pierre Bérégovoy au suicide le 1er mai 1993). Leur véritable "chance" était la terrible division du RPR qui, lui, avait un lourd problème de leadership entre balladuriens et chiraquiens.

Le renoncement de Jacques Delors le 11 décembre 1994 a rendu les socialistes quasiment orphelins. La candidature de Michel Rocard n’était politiquement plus envisageable après son échec des élections européennes du 12 juin 1994 qui avait mis sa liste quasiment au même niveau que celle conduite par Bernard Tapie, respectivement à 14,5% et à 12,0%.

Une primaire interne au PS s’était donc organisée, initialement entre trois candidats : Lionel Jospin (qui a annoncé sa candidature le 4 janvier 1995), qui avait eu des tentations de quitter définitivement la politique après son échec personnel dans sa circonscription en 1993, Henri Emmanuelli (un ancien jospiniste et premier secrétaire de l’époque) et Jack Lang (chouchou des sondages).

Après la défection de Jack Lang, la désignation de Lionel Jospin s’était imposée naturellement le 5 février 1995 au sein des fédérations socialistes dans la mesure où sa stature politique était bien plus importante que celle de son rival interne.

L’enjeu de l’élection présidentielle de 1995 chez les socialistes était cependant très faible puisque personne n’imaginait une victoire, et le débat public se faisait plutôt autour d’un duel entre Édouard Balladur et Jacques Chirac. À l’époque, certains socialistes avaient même envisagé de proposer une candidature "morale" et pas politique, histoire de témoigner pour l’honneur, en investissant une personnalité comme Robert Badinter ou Pierre Joxe.

Finalement, le premier tour de l’élection présidentielle de 1995 fut surprenant dans la mesure où Lionel Jospin est arrivé premier avec 23,3%, dépassant les deux duettistes de la campagne de plusieurs pourcents. Son combat pour le second tour fut cependant perdu d’avance (autant dans les sondages que dans sa propre psychologie), mais son score de 47,4% était finalement assez honorable après la défaite cuisante de 1993 : le PS avait réussi à faire bonne figure grâce à Lionel Jospin.

Ce dernier a ainsi déclaré au soir de sa défaite du 7 mai 1995 : « Dans ce grand moment de confrontation démocratique qu’est une campagne présidentielle, j’ai senti se créer autour de ma candidature et de mes propositions un profond mouvement de renouveau. Il n’a pas permis aujourd’hui la victoire, mais il ne s’arrêtera pas car il est porteur d’espérance. J’invite toutes celles et tous ceux qui croient aux valeurs de justice et de progrès à se rassembler pour prolonger cette espérance et préparer les succès de demain. ».

Dans la seconde partie, j’évoquerai un processus très particulier qui est la cristallisation d’un nouveau leadership au parti socialiste.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 octobre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Lassitude des coureurs de fond.
La primaire et l’esprit des institutions.
Le parti théorique.
Le congrès de Reims.
Le congrès de Metz.


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