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Publié le 10 octobre 2011 par Marx

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Créé le 05/10/2011 à 15h45 -- Mis à jour le 06/10/2011 à 17h45 Rémi Lefebvre, en septembre 2011

Rémi Lefebvre, en septembre 2011 Charlotte Gonthier

VOS QUESTIONS - Le politologue, spécialiste du PS et auteur du livre «Les primaires socialistes. La fin du parti militant», a répondu à vos questions...

Voyez-vous un lien entre ces primaires et la montée en puissance du FN ?

Non   Les Primaires ont un grand avantage, elles font gagner en notoriété tous les candidats, ce qui sera très utile pour le candidat vainqueur puisque ces candidats deviendront membres de son équipe, et probablement futurs ministres si celui-ci est vainqueur. Qu’en pensez-vous ?   Je ne crois pas que la question de la notoriété des candidats soient une question importante, ils augmentent par contre leur notoriété personnelle et il est évident qu’il sera difficile pour le président socialiste s’il est élu d’écarter du gouvernement des candidats à la primaire. Ironiquement, on peut dire que les primaires sont une nouvelle modalité de composition d’un gouvernement. Valls ne joue pas la gagne... L’enjeu, pour lui, n’est pas là, beaucoup de dirigeants socialistes rêvent d un maroquin ministériel…   Les primaires signent-elles l’affaiblissement des partis politiques et ne renforcent-elles pas la personnalisation du politique?   C’est mon avis, à quoi bon militer si les adhérents ne désignent pas le candidat et si chaque candidat propose son propre projet? Il y a des divergences très fortes entre les candidats. Je pense qu’à terme, avec les primaires, il n y aura plus de projet voté par le PS. Je pense que les partis sont indispensables à la gauche et a la politisation des catégories populaires, indispensables aussi pour mener la bataille idéologique contre le libéralisme toujours dominant malgré la crise.  

Les primaires ne sont-elles pas en contradiction avec les critiques portées depuis longtemps par la gauche sur la Ve République? (notamment la présidentialisation)

Je le pense profondément. Les primaires renforcent la présidentialisation déjà accrue par le quinquennat, l’inversion du calendrier présidentiel, plus que jamais la vie présidentielle va tout dominer, dans aucun pays au monde, elle n’occupe une telle place, on a tendance à l’oublier. Je ne comprends pas que l’on puisse être favorable aux primaires et a la sixième république. Montebourg, il y a quelques années, militait pour la suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel direct!! Quel chemin parcouru! 

J'ai beaucoup aimé votre livre sur votre enquête sur les adhérents PS. Comptez-vous en refaire une? Je crois que la direction du PS de l'époque n'avait pas trop aimé votre livre...   Vous évoquez « la societe des socialistes » écrit avec mon collègue Frédéric Sawicki, nous comptons actualiser cet ouvrage. Les socialistes ont, au départ, trouvé notre analyse trop dure avant de l’accepter par réalisme. Beaucoup de militants et de cadres socialistes nous disent aujourd’hui que le bouquin est en deçà de la réalité : le PS est un parti de professionnels de la politique peu ouvert sur la société et replié sur lui-même.   La ou le candidat sortant de ces primaires, aura t-il oui ou non la légitimité de représenter l'ensemble de son parti désormais unifié?   Si deux a trois millions de personnes vont voter, le candidat jouiera d’une forte légitimité, je pense que chacun mesure les responsabilités considérables d’une division après la primaire, l’heure est grave, la situation sociale est catastrophique, la gauche ne peut pas perdre.   Comment expliquer l'échec de la Coopol, le réseau social du PS? (vous êtes un spécialiste du militantisme, donc je sais que votre réponse sera bonne!)   L’échec est peut-être à nuancer. Le problème, c’est que l’on ne change pas d’un coup une culture militante ancienne. Le militantisme reste très territorialisé au PS,  je vous renvoie au dernier ouvrage de Fabienne Greffet sur cette question.  

Le Parti socialiste est le seul parti où l'on peut faire appel non seulement à tous ses membres mais aussi à l'ensemble des citoyens qui désirent voter pour le candidat qui représentera une partie de l'ensemble de la gauche pour une élection Présidentielle. N’est-ce pas la le processus le plus démocratique qui soit?

Oui, sur le papier, mais alors quel rôle pour les partis politiques qui sont aussi indispensables a la démocratie? A la fin, de toute façon, c’est toujours les électeurs qui tranchent. Je pense que pour éviter une trop grande personnalisation les partis doivent conserver la maitrise de l’offre politique, on sort d’une logique de conviction et d’identité idéologique pour accentuer encore un peu plus la personnalisation. Le problème est que les partis aujourd’hui sont peu représentatifs et démocratiques, les primaires sont donc un aveu d’impuissance, si le PS était plus ancré dans la société, moins « notabilisé", les primaires ne seraient pas perçues, comme aujourd’hui, comme la seule solution...

Pourquoi les médias ont-ils tant critiqué les primaires et les différences des uns et des autres puisque que chacun présentait son programme? Est-ce un effet pervers de ce dispositif?   Les médias ont un rapport ambigu aux primaires : ils déplorent les divisions qu’elles génèrent et en même se gargarisent de ces divisions. Dans une démocratie médiatique, les primaires n’élèvent pas forcément le débat mais le personnalisent encore un peu plus, les médias aiment le pugilat personnel.    Le réel problème c'est qu’une partie du programme des socialistes est à revoir, écouteront-ils la volonté du peuple. Les primaires favorisent-elles vraiment la démocratie ou, plutôt, l'oligarchie ?   C’est votre opinion, je pense que de toute façon le programme va évoluer beaucoup comme en 2006, le candidat devra s’adapter à la configuration, aux propositions des autres candidats, mais aussi aux évolutions de la conjoncture économique et internationale, très incertaine…   Pensez-vous que Montebourg a surtout voulu réaliser les primaires pour servir sa propre cause? De même Terranova est aussi derrière les primaires, et on sait très bien qu'Olivier Ferrand a toujours été très pro-DSK (qui avait besoin de primaires pour rendre son retour légitime)   Montebourg aurait voulu être candidat en 2006, il n’a pas pu. Les outsiders du parti comme Valls et Montebourg ont défendu les primaires parce qu’elles les avantagent, elles leur donnent une publicité médiatique incroyable, elles cassent les rentes de situation des éléphants, ce qui est plutôt positif mais elles poussent aussi les dirigeants à investir toujours plus dans les médias au détriment du travail de fonds. Sur Terra nova, c’est un think tank qui a intérêt à affaiblir les partis parce que c’est son fonds de commerce, il cherche à se substituer a eux pour la production des programmes. Je ne sais pas si Olvier Ferrand a promu les primaires pour DSK mais il en a fait un produit d’appel marketing pour les activités de sa structure financée sur fonds privés…   Le délai est-il bon? J'entends par là, je pense qu'il ne faut pas que l'élection se fasse ni trop loin ni trop proche de la date de l'élection présidentielle. Pensez-vous que le calendrier du PS est bon?    La primaire est tardive, plus elle est tardive plus le risque de ne pas surmonter les divisions est forte et plus les sondages d’opinion jouent un rôle important, ce que l’on voit avec Hollande. Le candidat a quelques mois pour défendre ses idées et propositions, c’est peu…   Pourquoi les primaires seraient-elles néfastes alors qu'aux Etats-Unis elles ont été très utiles pour l'émergence d'Obama?   La situation n’est pas comparable : pas le même mode d’élection, il n’y a qu’un seul tour, pas de primaires liées donc au premier tout comme en France, l’argent dans les campagnes est déterminant aux états-unis, par ailleurs, il y a primaires des deux cotés : les coûts de la division sont donc partagés. Enfin, il n’est pas sur qu’Obama ait gagné grâce à la primaire, c’est plus compliqué, je pense.   Pourquoi ne pensez-vous pas que ces primaires n'attireront pas les classes populaires? (Royal est plutôt douée pour attirer ces gens là)   Le principe des primaires est complexe pour des citoyens peu politisés, beaucoup de citoyens n’ont pas compris que les primaires étaient ouvertes a tous, mon hypothèse est que les primaires s’adressent a un électorat plutôt bien inséré socialement, urbain, diplômé. Il y a une très forte démobilisation dans les catégories populaires et un fort absentéisme. Royal a effectivement des atouts dans cet électorat mais ses réseaux sont ils toujours actifs? A voir…   Martine Aubry n'aurait-elle pas plutôt eu intérêt à refuser ces primaires? Si elle les a acceptés, on peut penser que c'était car elle savait qu'elle n'irait pas (pour laisser DSK revenir)   Martine Aubry comme François Hollande étaient opposés aux primaires car attachés aux votes des militants et méfiants quand les primaires ont été adoptées, il y avait beaucoup d’incertitude encore par rapport à DSK…  

Les primaires au PS ne vont-elles pas épuiser les candidats potentiels, avant la campagne officielle, et augmenter le buzz des candidatures dissidentes ?

On va beaucoup moins parler du candidat socialiste dans les mois qui viennent dans la mesure où les médias vont devoir rééquilibrer les temps de parole. Le gros avantage des primaires est de créer une pre-dynamique électorale et d’enrôler les sympathisants dans la campagne. 

Le PS espère 1 millions de votant, n'est-ce pas utopiste?   Impossible de prédire l’affluence de dimanche, mais à moins d’un million ce sera difficile de parler d’une réussite…    Le PS, en tant que parti à t-il plus à y gagner ou à perdre en organisant ses primaires? Pourquoi?   Les primaires sont une prise de risque : exposition des divisions... mais le processus a été bien maîtrisé. Ma critique des primaires porte sur leurs effets a long terme : personnalisation, présidentialisation, prime aux sondages, affaiblissement des partis.   Le rassemblement est-il une utopie? On sait tous que les candidats se détestent entre eux. Montebourg, Royal, s'ils ne sont pas qualifié vont devoir se retrouver à choisir entre  Aubry et Hollande pour un second tour (si c'est le cas) alors qu'ils n'en aiment aucun des deux.   Je pense que le précédent de 2006 (divisions après la primaire) et l’enjeu (ne pas perdre une quatrième élection) vont pousser les candidats a la raison et a s’unir derrière le candidat choisi en dépit des réelles inimitiés.   Les primaires au PS ne sont-elles pas seulement, et finalement, qu'une course aux petites formules pour faire du buzz ?   Le débat a été plutôt de bonne tenue mais les primaires renforcent la politique comme course de chevaux entre des personnalités scandée par des sondages, la lutte des personnes prend un peu plus sur le pas sur la confrontation d’idées.  

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