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Pourquoi on ne peut plus faire de narration

Publié le 11 octobre 2011 par Dangelsteph
Storytelling-chaos Pas de narration, pas de storytelling ? Le titre est volontairement provocateur. et il rebondit en fait sur une interview du chanteur et compositeur Jean-Louis Murat, il y a quelques jours sur France Inter. Il ne parlait pas de storytelling directement, mais de narration. Au journaliste qui l'interrogeait sur son travail, il a répondu : "ce n'est plus possible de faire de la narration aujourd'hui, il n'y a plus de place pour cela" (ce n'était pas un regret de sa part, juste un constat d'une nécessité d'adaptation à cette nouvelle donne). Il ajoutait : "il faut faire, aujourd'hui, un exercice de soi à soi".
Quand on touche, sans avoir l'air ou même conscience de le faire, au storytelling, cela ne peut que faire réfléchir ceux qui le pratique.Voir sous la surface

Lues en surface, ces paroles peuvent étonner. Quand même, ces storytellers (et aussi les détracteurs du storytelling) qui n'arrêtent pas de dire que le storytelling est partout, incontournable et tout le toutim, tous ces gens raconteraient-ils des histoires ? Prises ici au sens de bobards.
Non, c'est juste que le storytelling et la surface ne vont pas (du tout) bien ensemble.
La narration au sens que lui donne Jean-Louis Murat se situe au niveau de la surface. Et il est vrai qu'aujourd'hui, un récit unilatéral de type monologue, avec des interactions minimes, n'est vraiment plus possible. On ne va pas refaire le film de l'interactivité, de l'homo internetus 2.0 etc., mais le public est devenu pro-acteur - pro-actif. Bon, c'est du su, connu.   Mais ce n'est pas la seule dimension de cette narration de surface. Cette autre dimension concerne la notion de contenus. Et là, j'ai envie de dire que le temps n'est plus aux contenus. Je crois que dans le message de Jean-Louis Murat, il y a aussi (et peut-être surtout) cette dimension-là. Alors quoi ! Alors que la vague du brand content est encore vive, que la production de contenus est au coeur des débats qui agitent l'économie du web, il n'y aurait plus de place pour les contenus ? C'est le storytelling qui se tire un boulet de canon dans le pied, là ! Pas forcément. Pour faire un parallèle avec le monde des musiques actuelles, on voit bien que les messages formulés de manière riche, élaborée dans les textes des chansons ne fonctionnent plus vraiment.   Pour un storytelling plus brut   C'est la même chose dans le storytelling, à mon sens. Un storytelling de type publicitaire, qui reviendrait à instiller de la narration dans les outils, bien léchés, traditionnels des campagnes de com, est beaucoup moins efficace qu'un storytelling moins travaillé, plus brut. Avec des forces, des fragilités aussi, de la personnalité authentique surtout. Un storytelling personnel qui touche au coeur personnellement, en somme. En ce sens, ce qu'a pu dire un Denis Fabre sur Darkplanneur à propos du storytelling digital prend pour moi tout son sens : "le storytelling est en train de se faire dépasser par le storytelling digital". Je ne sais pas si c'était là le message voulu, mais la montée en puissance d'un storytelling digital certes réfléchi, conçu, architecturé, marque aussi l'essor d'un storytelling plus simple dans son expression, ce qui va aussi dans la même direction. De toute façon, l'intensité et le temps d'attention que le public est prêt à accorder rend la majorité des efforts consentis inutiles. Et prétendre que la créativité est faite pour cela, augmenter l'attention, est, pour moi, de plus en plus un alibi pour ne pas regarder en face la réalité de l'évolution des publics.   Alors que reste-t-il de narratif à mettre en oeuvre pour le storytelling ?   "L'exercice de soi à soi" dont parle l'artiste. Il y a plusieurs façons de l'interpréter, mais quelles qu'elles soient, c'est toujours du storytelling. Ouf ! Mais un autre storytelling. Je l'ai déjà dit quelquefois, la clé du storytelling est l'histoire que l'on se raconte à soi-même. Il y a bien l'histoire que l'on nous raconte (dont l'importance est de plus en plus minime en tant qu'outil) et celle que l'on se raconte.   Première interprétation : L'exercice de soi à soi est auto-centré. C'est l'artiste, pour rester dans le fil de Jean-Louis Murat, qui se parle à lui-même. Le public en est le témoin. A lui de comprendre ce qu'il veut, mais c'est bien l'artiste qui, seul, a la clé. Evidemment, cela peut fonctionner sans vrai problème dans un univers artistique, mais dans le monde des entreprises ? Il y a un intérêt, et cela fait longtemps que, personnellement, tout comme mon confrère et ami Jean-Marc Blancherie, nous mettons en oeuvre des outils partant de matériaux hyper-personnels pour en tirer de l'utilité collective, en entreprise. On peut par exemple imaginer un workshop dont l'objectif serait de rapprocher des gens que tout semble opposer en trouvant entre eux des patterns de connexions narratives. Des histoires auto-centrées, hyper-personnelles peuvent bien être un matériau de base de premier choix pour cela. Deuxième interprétation :
"Mobile lumineux dont tous ignorent l'utilité, ça me va", dit Jean-Louis Murat. On peut quand même lui en trouver, une utilité.
Le "soi à soi" peut bien être cet effet levier qu'une bonne histoire doit être capable d'avoir pour chacun de ses auditeurs. C'est donc bien une connexion entre l'histoire racontée et tout le "bagage" narratif de l'auditeur qui débouche sur une histoire que l'on se raconte. Pas besoin d'histoire bien léchée pour cela. Au contraire. L'histoire devra avoir des aspérités pour que l'auditeur puisse l'agripper. Et même des aspérités de nature multiple, pour correspondre à la diversité de la narrativité des auditeurs.
Le "soi à soi" est alors ici le fonctionnement normal du storytelling : deux soi qui se rencontrent. Et forcément de l'authenticité au bout.Ainsi va le storytelling des organisations d'aujourd'hui. Un storytelling grass-roots dans sa nature et dans son expression, quel que soit le vecteur de com, digital ou autre.
Il paraît que le retour à la nature mais dans une version moderne est en vogue dans la société ; et bien dans le storytelling aussi.
 

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