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Primaires : larguez-nous !

Publié le 16 octobre 2011 par Laurelen
Primaires : larguez-nous ! Ma chère et douce cousine, sans doute es-tu comme moi, comme nous, sur ton île lointaine mais néanmoins chérie, sûrement dans les premiers frimas de l'automne métropolitain, es-tu exsangue, pâle comme la brume qui monte de la Plaine-des-Cafres à la levée du jour. Je t'imagine, serrée dans un gros pull de grosse laine, te réchauffant à coups de cafés fumants, froissant de colère tes chers journaux qui à la une ne t'impriment qu'un mot : "primaires" et ne te montrent que quelques photos, les mêmes têtes, les mêmes émotions surjouées, les tronches graves de Hollande et d'Aubry, les larmes de Royal, le sourire satisfait de Montebourg...
Oui, chère et fragile cousine, Je t'imagine t'interroger sur les priorités de l'information. Où est passé le drame d'Haïti ? La catastrophe japonaise ? Les révolutions arabes (dont on commence à voir, comme pour toutes les révolutions, qu'elles ne sont pas forcément nées du peuple pour le bien du peuple...) ? Les enfants de Somalie ? Et ceux dont on ne parle jamais, ceux de Madagascar, ou ceux qui se noient dans l'océan Indien après un accident de kwasa-kwasza, entre la Grande-Comore et Mayotte ?
Aujourd'hui, c'est fini. On parlera enfin de choses sérieuses. Peut-être. Un des deux candidats de ce grand guignol démocratique sera qualifié pour la phase de poules. Comme l'équipe de France de foot. Nicolas Sarkozy se réjouit. Il aura au final un adversaire, éreinté par un combat préliminaire qu'il n'aura pas eu à faire.
Je dois t'avouer, ma frileuse et adorable cousine, que je n'ai pas été voter pour cette élection-exhibition ridicule. Je voterai en mai prochain, par devoir, pour un candidat que je n'aurais pas choisi au préalable. Quitte à être déçu après. J'aurais choisi, peut-être par défaut, non pas un homme ou une femme, mais les idées qu'il ou elle porte. Ou est censé porter.
Mais, tendre cousine, je te sens fatiguée. Et je ne voudrais pas t'importuner. Je t'imagine enroulée dans une chaude couette, te rappelant les broquettes qui peuplaient nos routes vers la plage, les dimanches d'élection, et mon père, pestant par avance contre ses pneus crevés, qui bravait le danger pour nous emmener à la Saline.
Nous n'avions pas l'âge de voter alors. Juste celui d'imaginer des requins dans le lagon, des pirates planqués dans la vieille barque échouée sur la plage, et leur fabuleux trésor caché sous le pied de filaos tordu, juste à l'orée de la forêt.
Nous rêvions, alors, mon enfantine cousine. Je nous souhaite juste de pouvoir rêver encore.

François GILLET

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