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Jean Bodin et l’absolutisme politique

Publié le 16 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Jean Bodin, l’un des premiers théoriciens de l’absolutisme politique, nous surprend parfois avec des accents presque libéraux.

Article publié en collaboration avec l’aleps

Jean Bodin et l’absolutisme politique
Parce que Jean Bodin (1529-1596) est l’un des premiers théoriciens de l’absolutisme politique, on en fait parfois un disciple ou un prolongement de Machiavel. Rien n’est plus erroné, voire injuste : tandis que Machiavel ne s’encombre d’aucun scrupule, d’aucun principe pour justifier tous les moyens qu’emploie le Prince pour conquérir et exercer le pouvoir, Jean Bodin place toute son œuvre dans la perspective du droit.

La souveraineté, source du droit

La souveraineté a pour signification qu’il ne saurait y avoir plusieurs sources du droit dans le royaume. C’est le roi qui fait et change les lois. De la même façon que les eaux ruissellent du faîte du toit, toute règle sociale découle du pouvoir.

Jean Bodin reconnaît le pouvoir absolu de faire la loi parce que le roi a en charge la défense et l’harmonie de la nation. Il donne certes à l’État les mêmes caractéristiques que Machiavel : il est perpétuel et omniprésent, mais cet absolutisme dans le temps et dans l’espace est justifié par la prise en compte de la nation, elle-même forgée par l’histoire, par le milieu naturel. Bodin est donc l’un des premiers théoriciens de l’État Nation, la société politique absorbant la société civile pour mieux la protéger. Ce souverainisme est bien Français, et l’exception française se manifeste déjà alors que le reste de l’Europe s’organise encore en pouvoirs féodaux ou impériaux.

La monarchie royale : un pouvoir fort

La façon dont est exercé le pouvoir en France semble exemplaire à Jean Bodin. Au désordre politique qui règne en Europe, il oppose la stricte hiérarchie, la pyramide du pouvoir dont le sommet est le monarque. Après avoir passé en revue les mérites et faiblesses de la démocratie, de l’aristocratie, Jean Bodin s’arrête à la monarchie. À la différence des autres régimes, le roi n’a aucun contrat avec le peuple, il est « délié des lois », il a une puissance « souveraine », c’est-à-dire sans partage. Il gère le gouvernement avec la plus grande rigueur, et tout doit être soigneusement réglé dans les fonctions de chacun : voilà une recommandation dont Richelieu fera son profit. La stricte organisation des pouvoirs inspirera aussi sans doute les principes constitutionnels de Montesquieu. L’ordre public est prioritaire.

Les droits régaliens et leurs limites

Pourtant Jean Bodin nous surprend avec des accents presque libéraux, qui tranchent avec son plaidoyer pour l’absolutisme. Car si les « droits régaliens » sont étendus (faire et défaire les lois, déclarer la guerre, nommer les agents de l’État, rendre la justice et faire grâce), ils ne sont pas illimités. En particulier, le roi ne doit pas se livrer à des manipulations monétaires. Instruit sans doute par les scolastiques de Salamanque, et par la catastrophique inflation qui a frappé l’Espagne, Bodin plaide pour la stabilité de la valeur de la monnaie, que l’on peut obtenir par la stabilisation de la quantité de monnaie en circulation (il passe parfois – sans doute à tort – pour le premier « quantitativiste » liant le niveau général des prix au volume de la masse monétaire).

Il faut noter que le droit de propriété est considéré par Bodin comme inviolable, et à ce sujet Bodin surprendrait certains souverainistes modernes en condamnant le principe même de l’impôt ! Bodin a de longs développements sur les riches et les pauvres, il est résolument hostile à l’égalitarisme, source de jalousies et de conflits.

Le droit de Dieu et de la nature

Surtout, Jean Bodin enjoint au monarque de se comporter en serviteur de Dieu et des hommes. Il doit faire son « devoir de Prince ». Au-delà des lois qu’il peut édicter ou répudier à sa guise, il y a un « droit de Dieu et de la nature ». Serions-nous ramenés à la liaison thomiste entre droit positif (celui du prince), droit naturel et droit divin ?

Le peuple et les magistrats eux-mêmes doivent désobéir au monarque quand il prescrit des mesures inhumaines comme le meurtre d’enfants, l’assassinat d’innocents, le pillage et le sac des villes par les soldats.

On est donc bien loin de Machiavel. Tout n’est pas permis au Prince : le pouvoir est absolu vis-à-vis des sujets, mais pas vis-à-vis de Dieu ni des hommes. « Il n’est de richesse que d’hommes ».

Les hommes seraient-ils libres ?

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Un article du site de l’aleps, Libres.org, reproduit avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.


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