L’arche de Noé ou le congélateur qui pourrait sauver le monde !
NORVÈGE encore elle ! C’est dans l’archipel Norvégien du Svalbard que sera inauguré demain le 26 février, par M. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, et l'environnementaliste Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la paix, un étrange entrepôt. Sa mission : conserver des échantillons de graines et semences en tout en cas de cataclysme. Rien que le nom évoque un vestige de la guerre froide ou un film de James Bond..
On en parle comme du "coffre-fort de l'Apocalypse", et il repose au cœur d'un glacial bunker de béton et d'acier, à plus d'une centaine de mètres dans le permafrost montagneux d'un archipel de l'Arctique. Pourtant, la réserve mondiale de semences du Svalbard constitue la dernière tentative de l'humanité pour se doter d'une Arche de Noé des temps modernes, sorte de police d'assurance planétaire dans l'éventualité d'une catastrophe, comme de violents bouleversements climatiques provoqués par le réchauffement.
« Cet entrepôt est "l'endroit idéal" pour stocker des semences. Il se compose de trois grandes chambres froides étanches logées dans un long tunnel en forme de trident, creusé à travers le permafrost dans le flanc d'une montagne de calcaire et de grès »
Après des dizaines d'années consacrées à la planification et aux travaux de construction, la réserve sera officiellement opérationnelle à partir du 26 février. Premier entrepôt mondial de stockage de graines, il a la capacité d'abriter jusqu'à 4,5 millions de types de semences provenant de toutes les variétés connues des principales cultures vivrières de la planète. Sa construction a coûté 6 millions d'euros. Il peut résister à des tirs de missiles nucléaires et même à une montée cataclysmique du niveau de la mer, qui pourrait résulter de la fonte simultanée de la banquise du Groenland et de l'Antarctique.
Il a pour but de permettre de réimplanter des cultures et des végétaux, s'ils venaient à disparaître de leur environnement naturel ou étaient détruits lors de grandes catastrophes. Pour Cary Fowler, membre du Global Crop Diversity Trust, à l'origine du projet avec la Banque génétique nordique de Norvège, le dépôt est "l'endroit idéal" pour stocker des semences.
L'archipel norvégien du Svalbard est situé à environ 1 000 kilomètres du pôle Nord, à l'intérieur du cercle arctique. Aucun arbre n'y pousse, mais on y dénombre quelque 2 300 habitants. Ces îles ont été choisies du fait de leur climat hostile et de leur inaccessibilité. En hiver, il y règne une température moyenne de - 14 °C. Le dépôt est protégé par de hautes murailles de béton renforcé, des portes d'acier blindées, et une garde d'ours polaires en maraude. "L'installation est conçue pour abriter deux fois plus de variétés de semences que celles dont nous connaissons l'existence, explique Fowler. Il ne sera pas rempli de mon vivant, ni du vivant de mes petits-enfants, mais, à de telles températures, les graines de végétaux essentiels comme le blé, l'orge et les pois peuvent survivre pendant mille ans", ajoute-t-il. Grâce au permafrost et à la roche qui entourent les tunnels, les échantillons resteront congelés, même en cas de panne du système de réfrigération ou d'augmentation de la température extérieure due au réchauffement planétaire. "Pour la planète, c'est une police d'assurance", déclare Fowler.
Le 26 février, quand José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, et l'environnementaliste Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la paix [en 2004], arriveront au Svalbard pour l'inauguration, le dépôt contiendra déjà quelque 250 000 échantillons. Les scientifiques impliqués dans le projet ont fait remarquer qu'une partie de la biodiversité mondiale avait déjà été mise à mal par les guerres et les catastrophes naturelles. Des réserves génétiques ont disparu en Irak et en Afghanistan à la suite de l'invasion américaine, et des banques de semences ont succombé à des catastrophes naturelles aux Philippines et au Honduras. Le dépôt du Svalbard semble d'ores et déjà avoir survécu à sa première épreuve écologique. Le 21 février, ce que l'on a présenté comme "le plus grand tremblement de terre de l'histoire de la Norvège", une secousse d'une magnitude de 6,2, a été enregistré près de l'archipel.By Tony Peterson, The Independent
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