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Dette et emprunts toxiques : pourquoi ? à qui la faute ? et demain ?

Publié le 16 octobre 2011 par Jflehelloco

Le 3 novembre 2008 une réunion entre les représentants des associations d’élus locaux et les principaux établissements bancaires actifs dans ce secteur a été organisée par le gouvernement. C’est là qu’est née la création de la fameuse « charte Gissler », du nom du médiateur missionné pour la rédiger.

La Charte s’applique aussi bien aux nouveaux prêts et aux opérations d’échange de taux qu’à leur renégociation. Elle n’a pas d’effet rétroactif. Elle concerne les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs syndicats. La charte n’est signée que fin 2009…

Que dit la charte qui régit désormais les relations entre notre ville et les banques ?

- LES ETABLISSEMENTS BANCAIRES RENONCENT A PROPOSER AUX COLLECTIVITES LOCALES TOUT PRODUIT EXPOSANT A DES RISQUES SUR LE CAPITAL ET DES PRODUITS REPOSANT SUR CERTAINS INDICES A RISQUES ELEVES.

- LES ETABLISSEMENTS BANCAIRES SENGAGENT A NE PLUS PROPOSER DE PRODUITS AVEC DES EFFETS DE STRUCTURE CUMULATIFS.

LES ETABLISSEMENTS BANCAIRES SENGAGENT, DANS LEURS PROPOSITIONS AUX COLLECTIVITES LOCALES, A PRESENTER LEURS PRODUITS SELON LA CLASSIFICATION CONTENUE DANS LES TABLEAUX DES INDICES DE RISQUES. (voir le tableau)

Dette et emprunts toxiques : pourquoi ? à qui la faute ? et demain ?

- LES ETABLISSEMENTS BANCAIRES RECONNAISSENT LE CARACTERE DE NON PROFESSIONNEL FINANCIER DES COLLECTIVITES LOCALES ET LE FRANÇAIS COMME LANGUE EXCLUSIVE DES DOCUMENTS ET ILS SENGAGENT A FOURNIR AUX COLLECTIVITES LOCALES UNE ANALYSE DE LA STRUCTURE DES PRODUITS:

- LES COLLECTIVITES LOCALES SENGAGENT A DEVELOPPER LA TRANSPARENCE DES DECISIONS CONCERNANT LEUR POLITIQUE DEMPRUNTS ET DE GESTION DE DETTE.

- LES COLLECTIVITES LOCALES SENGAGENT A DEVELOPPER LINFORMATION FINANCIERE SUR LES PRODUITS STRUCTURES QUELLES ONT SOUSCRITS EN FOURNISSANT LES ENCOURS, LES INDICES SOUS-JACENTS ET LA STRUCTURE DES PRODUITS.

Ces deux derniers points sont des obligations désormais pour les collectivités d’informer les élus et les habitants sur la nature des prêts qui sont signés, ce qui n’était pas le cas précédemment dans de nombreuses villes dont Saint-Maur.

Cette charte montre combien les banques n’avaient pas fait un travail de conseil mais bien de vendeurs malintentionnés, un peu comme ceux, trop célèbres qui viennent sonner à la porte pour vendre des encyclopédies dont on n’a pas besoin et qui coutent une fortune… Car c’est un peu cela qui est à l’origine de ces prêts. Comment faire en sorte que les communes qui n’empruntaient plus beaucoup, se relancent dans l’emprunt ?

Les produits structurés sont un parfait appât pour les élus et les établissements publics : Un crédit structuré comporte une première période sécurisée de deux à cinq ans, où le taux d’intérêt est bas (de 1 à 2 % au lieu de 4 à 6 % par exemple). Il permet à l’emprunteur d’alléger ses frais financiers. Mais ensuite, le taux devient variable et suit l’inflation, les cours de devises étrangères (franc suisse, dollar, livre, yen), voire le prix de l’électricité ou les écarts entre divers taux directeurs, de long ou court terme, à Londres ou New York. Ces taux variables peuvent alors se retrouver très bas – très rarement – ou beaucoup plus haut du fait de la crise notamment et aller jusque 25 %… Il n’y a en effet pas de plafond de risque, ces prêts ne sont donc pas « sécurisés ».

Et cet appât a fonctionné car cinq mille cinq cents collectivités locales et établissements publics français ont souscrit des emprunts toxiques, selon un document confidentiel de la banque Dexia dont fait état le journal Libération. Et tout le monde est concerné: collectivités de droite comme de gauche, grandes communautés urbaines comme petites villes. Les banques sont responsables, les élus qui leur ont fait confiance mais également les Préfets qui sont en charge de la légalité des budgets des collectivités. La direction générale des collectivités locale n’a pas, contrairement à ce qui a été fait en Angleterre au début des années 90, créé de circulaire alertant les communes ou interdisant tout simplement le recours à ces emprunts. Donc il y a une multitude de responsables qui tous essaient de renvoyer sur les autres.

Pour notre ville, le site de Libération liste les emprunts contractés chez Dexia (voir la carte des villes touchées) et l’on peut voir combien les emprunts cités du premier d’aout 2006 au dernier en octobre 2008 sont dangereux, même si chacun est différent dans sa structure. Libération résume cela à 112, 633 millions d’euros empruntés avec un surcoût du fait de ces emprunts « toxiques » de 31,632 millions ! Et tout les emprunts ne sont pas chez Dexia, il y en a donc d’autres !

La Chambre Régionale des Comptes qui a analysé la situation de la ville en 2009 (voir le rapport de la chambre) prévoiyait, sur la base des chiffres proposés par le cabinet d’Audit pris par la ville en 2008, un passage d’un taux moyen de l’emprunt de 2,2 à 2,4 % jusqu’en 2009, puis 3,8 à 4,4 % de mars 2013 à avril 2021 puis stabilisation à 4,3 % d’avril 2021 à 2032 puis pour finir une redescente du taux moyen vers 4 %. Il était alors précisé que « cette simulation repose sur une estimation des principaux indices favorable à la collectivité. Une partie d’entre eux dépendant de la fluctuation des monnaies mondiales, il n’est pas exclu de devoir constater des hausses importantes ; cette approche peut donc être considérée comme à minima ». Et c’est justement ce que nous semblons vivre actuellement…

Heureusement que la sonnette d’alarme a été déclenchée par de nombreuses villes fin 2008 car comme le signale la Chambre Régionale des Comptes « la commune a poursuivi, jusqu’à une date assez récente, sa stratégie d’achat de produits structurés. En octobre 2008, elle a contracté deux nouveaux prêts structurés : l’un d’un montant de 8 M€ pour le financement des investissements, le second (sous forme d’un produit dit de pente) de 4,5 M€« . Il était donc temps que le montage dangereux des banques soit découvert pour éviter d’alourdir encore plus la note.

(NDLR : produits de pente : produits dont le taux est fonction d’une fourchette de variation entre les taux courts et les taux longs.)

Pourquoi notre ville est si touchée par les emprunts toxiques ?

La solution un peu simpliste, et très « petite politique locale » serait de dire que tout est la faute politique de nos prédécesseurs qui se sont fourvoyés avec les banques. Mais si plus de 5000 communes sont impactées par ces emprunts, on voit bien que ce sont les banques qui ont été malhonnêtes et ont pu tromper bien des villes. Alors oui, des villes ont été plus prudentes et on évité ces emprunts hasardeux, comme me  l’a rappelé mon ami Laurent Lafon, maire de Vincennes, spécialiste en finances locales, qui n’a jamais voulu souscrire ces produits dangereux. Si Saint-Maur a plongé autant dans ces emprunts c’est en raison de la conjonction de l’ambition politique démesurée de Jean-Bernard Thonus qui voulait à tout prix (surtout celui de nos impôts) et du retard d’investissement des dizaines d’années de mandature de Jean-Louis Beaumont et de ses équipes. Donc oui il y a eu des millions d’euros de dépensés en investissement. La Chambre Régionale des Comptes explique que 160 millions d’investissement faits lors du dernier mandat : « le principal poste de dépenses d’équipement a été la rénovation et la construction de groupes scolaires avec 22 M€, soit 13,3 % du total. Viennent ensuite les travaux de voirie (12%), puis l’aménagement et la réhabilitation d’équipements sportifs (8,3 %) et divers travaux de grands équipements (7,5 %), dont la rénovation du marché de La Varenne. 4 % des dépenses d’équipement ont été affectés à la rénovation de la bibliothèque, 4 % au réaménagement des crèches et 1,6 % à des travaux sur le bâtiment de l’hotel de ville. Enfin, la collectivité a rénové son centre technique municipal pour un montant de 7,7 M€, ce qui a représenté 4,7 % de l’investissement sur la période« . Je crois que c’est là que se situe la première vraie faute politique concernant notre ville. Ce retard d’investissement qui a duré pendant des années a obligé à dépenser beaucoup et vite car, comme on le voit encore aujourd’hui les rues, les trottoirs, les écoles, les équipements sportifs… tout est vétuste et doit être rénové rapidement pour l’usage quotidien mais également pour la sécurité. Il y a donc eu obligation à dépenser beaucoup à un moment où les banques étaient justement en train de proposer des prêts dangereux. Ajoutez à cela l’ambition démesurée du premier adjoint qui tenait toutes les affaires en main et vous obtenez le cocktail détonnant. Et pas de raison de ‘inquiéter puisqu’il disait en 2008 au magazine l’Express « «Rien de grave», assure en substance Jean-Bernard Thonus. La preuve? L’annuité de la dette (c’est-à-dire la somme que la ville doit rembourser chaque année) n’est pas plus élevée aujourd’hui (14 millions d’euros) qu’elle ne l’était voilà dix ans. Par quel miracle? Le premier adjoint met tout d’abord en avant le statut de «première signature bancaire» de Saint-Maur, qui lui permet d’emprunter à des taux fixes particulièrement bas. » Les taux n’étaient en fait pas fixes mais structurés et c’est maintenant que nous devons payer, c’est à dire au moment où il espérait être élu…

Mais, si les coupables politiques sont identifiés, si les coupables bancaires le sont également, cela n’apporte pas de solution à court ou moyen ou long terme pour notre ville. Car il faut payer la dette et on va avoir du mal mais surtout il faut continuer à investir ! La reconstruction du centre sportif Gilbert Noel, l’aménagement des bords de Marne sont des projets qui vont demander de l’investissement, mais la voirie a toujours besoin de rénovation, tout comme nos écoles, nos différents bâtiments, etc. Saint-Maur est la deuxième commune en superficie de la région parisienne. Nous avons fait le choix d’un cadre de vie « village » à quelques minutes de Paris mais nous n’avons pas fait pour autant l’impasse sur les services et le confort attendu, il faut donc trouver un financement. La ville, par un protectionnisme extrême, a compliqué l’implantation des entreprises, donc pas de grand financement à attendre de ce côté, au contraire, ESSILOR, notre principale entreprise est sur le départ vers Créteil. Concernant les impôts, autre moyen de financer une ville, nous avons déjà une taxe d’habitation et une taxe foncière bien plus élevée que nos voisins.

A ce propos, petit rappel du calcul de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. La ville vote des taux qui s’appliquent sur des bases de valeur. Et justement Saint-Maur a une très forte base de valeur et des taux raisonnables mais pas forcément anormaux. Ainsi, en 2007 avec une base de 2320 euros pour la taxe d’habitation et un taux de 11,83 % les impôts dus sont en moyenne de 274,45 euros par habitants contre une moyenne départementale de 1604 euros de base et 14,48 % soit 232,25 euros par habitants.Voyez qu’on peut avoir un taux de taxe bas sur la feuille d’impôts mais au final un chèque bien plus haut que la moyenne à faire…

Difficile donc d’imaginer augmenter beaucoup les impôts sauf à accepter que désormais notre cadre de vie doit se payer au prix « très » cher… Alors quelles sont les variables si on veut conserver ou améliorer les prestations que l’on attend de notre ville ? Il n’en reste pas beaucoup, sauf à augmenter le nombre d’habitants, d’entreprises, de commerces… ou continuer à s’endetter…  tout cela devra être intégré dans une vraie réflexion pour le futur car nous allons devoir faire de vrais choix, je pense que la campagne municipale de 2014 sera passionnante sur ce point car là il faudra vraiment poser les bases du problème et offrir des axes de solutions. Il faudra que les futurs candidats osent ce débat jamais simple mais essentiel pour notre ville.

Réunion sur « l’état des finances communales » jeudi 20 octobre 2011 à 20 h à la Salle des fêtes de l’Hotel de Ville.


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