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L’équation vertueuse du télétravail selon la CCIP : « sécurisation du système = dynamisme du télétravail = croissance + emploi ».

Publié le 17 octobre 2011 par Jblully

L’équation vertueuse du télétravail selon la CCIP : « sécurisation du système = dynamisme du télétravail = croissance + emploi ».À la surprise générale, un amendement à la proposition de loi Warsmann relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives propose d’intégrer une section « Télétravail » dans le Code du travail. Adopté par la Commission des lois, il doit encore être discuté en séance publique.

Passons sur la fragilité du lien entre cet amendement et l’objet de la proposition de loi tant elle est évidente. Soulignons en revanche que le télétravail mérite assurément plus qu’un simple amendement dans un projet de loi tentaculaire. Son potentiel en termes de croissance et d’emploi, conjugué à ses implications juridiques, économiques et sociales, devrait en toute logique lui assurer une consécration législative « par la grande porte ».

Nonobstant, cet amendement a un mérite indéniable : relancer le débat sur les moyens de promotion du télétravail en France. C’est en ce sens que, jeudi 6 octobre 2011,  la CCIP a adopté un rapport intitulé « Dynamiser le télétravail : un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi ». À partir d’une analyse des défauts du système actuel, elle a élaboré un plan d’actions des plus audacieux.

1. Le postulat de départ : le paradoxe du télétravail

C’est un consensus : le télétravail recèle un important potentiel de croissance économique, qui est, cerise sur le gâteau, socialement et écologiquement responsable. Tous les critères nécessaires à son développement paraissent ainsi réunis :

-   les postes éligibles au télétravail sont nombreux,

-   les salariés plébiscitent le télétravail (facteur de conciliation vie professionnelle / vie personnelle) ;

-   les employeurs s’y intéressent pour les gains de productivité qui y sont associés (coût de l’immobilier et du mobilier, hausse de la productivité, réduction de l’absentéisme, augmentation de la créativité) ;

-   enfin, last but not the least, il favorise le développement durable (réduction des déplacements consommateurs d’énergie, lutte contre la « désertification » de certains territoires et aide au désengorgement des grandes villes).

Le public visé étant par avance conquis par le télétravail, la messe semble donc dite : le télétravail devrait logiquement prospérer. Pourtant, l’inertie de la courbe de croissance du nombre de télétravailleurs vient contredire cette analyse rationnelle.

Parmi les multiples facteurs expliquant cet échec,  deux freins sont d’une importance particulière :

-   la conception française du management, encore trop axée sur le lien hiérarchique et le contrôle de visu des collaborateurs ;

-   et l’insécurité juridique qui, par l’incertitude et les coûts qu’elle induit, diminue d’autant l’intérêt de recourir au télétravail.

Vous conviendrez avec moi que le premier peut être laissé de côté sans remords. D’une part, les blocages culturels se résorberont vraisemblablement avec le temps au contact des TIC. D’autre part, il est particulièrement malaisé de faire évoluer les mentalités avec des dispositions juridiques. Pragmatique, la CCIP a donc choisi d’axer sa réflexion sur les moyens de circonscrire autant que faire se peut les entraves d’ordre juridiques.

2. La solution de la CCIP : sécuriser le télétravail pour améliorer la croissance et favoriser l’emploi

Se limiter à inscrire le système actuel dans la loi, comme c’est le cas avec l’amendement à la proposition de Loi Warsmann qui est actuellement débattue à l’Assemblée nationale, risque de décourager définitivement les employeurs de recourir à ce mode d’organisation du travail. En réalité, pour transformer la croissance potentielle du télétravail en points de croissance tangibles, véritable Saint -Graal contemporain, il n’y a qu’une seule voie efficace et pérenne : opter pour une réforme de fond. C’est à cette tâche que s’est attelée la CCIP dans son rapport « Dynamiser le télétravail : un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi ». Sa substantifique moelle tient en deux axes directeurs : clarifier la notion de télétravail et sécuriser son régime. 5 propositions concrètes déclinent ces deux préceptes sans que – c’est assez rare pour être souligné – aucun fonds public ni imposition supplémentaire ne soit nécessaire.

Premier axe : clarifier la notion de télétravail

L’imprécision de la définition actuelle du télétravail est un fait qui comporte un risque de taille : étendre le champ du télétravail à des situations qu’il ne devrait pas couvrir. Pour pallier ce problème, la CCIP suggère d’adopter une nouvelle définition plus précise du télétravail excluant expressément le travail nomade irrégulier, non substantiel, ou qui n’est pas expressément demandé ou accepté par l’employeur.

Il est évident que le télétravail ne se développera jamais si les entreprises ne sont pas convaincues de la souplesse et la productivité qu’elles peuvent en tirer. De cette lapalissade, la CCIP tire une deuxième proposition : élaborer un guide du télétravail à destination des employeurs, et plus spécialement des PME.

Deuxième axe : sécuriser le régime du télétravail

En premier lieu, un régime sécurisé suppose un degré de stabilité élevé. Or l’existence et la détermination d’une contrepartie pour l’occupation professionnelle du domicile du télétravailleur a été le théâtre d’innovations jurisprudentielles attentatoires à la sécurité juridique exaltant un sentiment d’insécurité déjà présent. Pour éviter au maximum l’aléa judiciaire et redonner confiance aux employeurs dans le télétravail, la 5ème proposition de ce rapport prévoit de définir avec précision et exhaustivité les contreparties versées aux télétravailleurs à domicile.

En second lieu, sécuriser le régime juridique du télétravail implique de l’ajuster aux caractéristiques du télétravail.  À défaut, il serait déconnecté de la réalité et génèrerait mécaniquement insécurité juridique et contentieux.

En effet, organisant librement son activité, le télétravailleur exécute sa prestation dans des locaux n’appartenant pas à son employeur. Peut-on raisonnablement demander à ce dernier d’assurer la sécurité de salariés qui travaillent dans des lieux auxquels il n’a même pas librement accès ? Comment croire que ce risque ne bloque pas l’essor du télétravail ? Par souci de réalisme, il faut donc, et c’est la proposition n°3, exclure expressément les télétravailleurs à domicile du bénéfice de la présomption d’imputabilité de l’accident au travail car la présomption d’imputabilité de l’accident au travail nie les réalités les plus élémentaires du télétravail.

Point n’est besoin d’une boule de cristal pour deviner le dernier blocage juridique : le droit du temps de travail n’est pas adapté au télétravail. Non seulement les horaires stricts sont incompatibles avec l’autonomie des télétravailleurs mais, de plus, le système des forfait-jours, seule solution a priori viable dans le cadre de ce qui existe, est sur la sellette. Vous conviendrez donc que la décision la plus logique est d’exclure les télétravailleurs à domicile et les télétravailleurs nomades du champ d’application des dispositions réglementant la durée du travail pour la part de leur activité qu’ils exercent en dehors de tout rattachement physique à des locaux appartenant à leur employeur. Avant de pousser des cris d’orfraie, je précise que cette mesure est tout aussi favorable aux employeurs qu’à leurs salariés. En effet, tout l’intérêt du télétravail pour ces derniers est justement de pouvoir concilier le rythme de travail et les besoins personnels, c’est-à-dire adapter librement leurs horaires dès lors que leurs objectifs sont atteints. De surcroît, le statut des VRP le prévoit bien, alors pourquoi pas celui des télétravailleurs ?

J’admets bien volontiers que le raisonnement formulé dans le rapport « Dynamiser le télétravail : un enjeu décisif pour la croissance et l’emploi » est audacieux. Cependant, il est en même temps logique et rationnel. Surtout, ces modifications de fond sont l’unique clef d’accès à un télétravail optimal en France et, corrélativement, à des points de croissance dont on manque aujourd’hui cruellement.


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