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2012, une élection présidentielle particulière : comme 1981 ?

Publié le 18 octobre 2011 par Sylvainrakotoarison

Forte participation à la primaire "citoyenne", mandat impérieux de faire gagner la gauche, sondages au rendez-vous de l’histoire… Certains peuvent prendre leurs rêves qu’ils réenchantent pour des réalités. Le réveil risque de leur être douloureux.

yarti2012201101L’année 2012 sera-t-elle l’année de la rupture ou l’année de la continuation ?

2007 comme 1974 ?

Beaucoup d’observateurs avaient émis l’analogie entre la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 et celle de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. À la fois en continuation et en rupture avec leurs prédécesseurs, ils avaient été élus dès leur première candidature à une élection présidentielle et à un âge relativement jeune (48 ans pour Valéry Giscard d’Estaing, 52 ans pour Nicolas Sarkozy).

Rupture de génération, mais aussi, rupture de style, qui tendait à se rapprocher de leurs citoyens, très maladroitement pour les deux jusqu’à parfois tomber dans la condescendance pour le premier et la vulgarité pour le second.

À l’ego fort (comme les autres) et accélérant la présidentialisation du régime (à savoir, l’implication présidentielle à la moindre décision gouvernementale), ils ont secoué la fonction présidentielle par leur style très personnel au point, pour le premier, d’avoir accéléré jusqu’au rythme de l’hymne national.

Leur personnalité très forte, qui a su imposer leur candidature à leur camp malgré leur marginalisation d’origine, a été bien sûr l’une de leurs grandes qualités, puis, une fois exerçant leur mandat, leur principal défaut. Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy semble détesté plus pour sa personnalité propre que pour son action (ou inaction) dans les différents domaines de la politique nationale.

Le climat des affaires se rajoute aussi dans l’analogie même si Nicolas Sarkozy reste pour l’instant hors d’atteinte et que l’affaire des diamants de Bokassa a été pour Valéry Giscard d’Estaing plus un exemple de mauvaise communication (par orgueil) qu’un véritable scandale (les diamants ne valaient pas très cher et ont été revendus au profit d’œuvres humanitaires).

2012 comme 1981 ?

C’est donc assez logique que 2012 pourrait se mettre en parallèle avec 1981. C’est d’ailleurs les socialistes qui insistent le plus dans l’analogie, histoire de se redonner de l’optimisme après tant d’échecs.
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(Le Premier Ministre François Fillon était l'invité du journal de 20h00 du lundi 17 octobre 2011 sur France 2.)

Si l’on écarte De Gaulle dont la légitimité historique était telle que cette exception ne peut être analysée avec des critères de politique ordinaire, 2012 sera la seule élection présidentielle, avec 1981, qui verra le Président de la République sortant demander (probablement pour Nicolas Sarkozy) le renouvellement de son mandat hors de période de cohabitation.

Ces périodes de cohabitation avaient d’ailleurs déclenché mécaniquement la candidature du Premier Ministre en exercice (Jacques Chirac, Édouard Balladur, Lionel Jospin) avec le succès que l’on sait.

Comme en 1981, le Premier Ministre en exercice sera d’ailleurs dans l’impossibilité politique de se présenter à l’élection présidentielle de 2012, car il devra être au contraire le garant de l’unité de la majorité.

yarti2012201104De toutes ces considérations, les socialistes, en vogue avec leur primaire dont ils ont assuré un niveau satisfaisant de participation, sont convaincus que 2012 sera leur tour. Mais déjà en 2007, ils en étaient convaincu. À l’époque, ni Président de la République sortant, ni Premier Ministre en exercice, ni même ancien Premier Ministre n’avait sollicité les suffrages des Français.

Pourtant, tout le monde devrait rester très prudent dans les projections pour 2012. En effet, l’histoire a montré que les projections ont toujours été assez fumeuses.


Le gagnant… n’est jamais donné d’avance

1969 et 1974 ayant été des élections présidentielles à campagne ultracourte (un mois) en raison de la démission de Charles De Gaulle et de la mort de Georges Pompidou, les seules échéances comparables dans les sondages sont à regarder à partir de 1981.

Il est donc assez intéressant de savoir qui avaient le vent en poupe l’automne précédent l’élection.

En octobre 1981, Valéry Giscard d’Estaing était donné gagnant au second tour et Michel Rocard était largement préféré à François Mitterrand.

En octobre 1987, Raymond Barre, pourfendeur de la cohabitation, était très populaire avec son État impartial et devait gagner face à François Mitterrand au second tour.

En octobre 1994, c’est Jacques Delors qui crevait les sommets des sondages tandis qu’Édouard Balladur commençait à s’imaginer élu dès le premier tour. Je reste convaincu que Jacques Delors aurait fait un moins bon score que Lionel Jospin au premier tour en 1995 car il aurait été capable certes de mobiliser les centristes en sa faveur, mais beaucoup de militants de gauche l’auraient rejeté.

En octobre 2001, il est presque inutile de rappeler l’impopularité de Jacques Chirac et la victoire assurée pour Lionel Jospin qui avait bénéficié d’une longue période de prospérité mondiale.

Enfin, en octobre 2006, Ségolène Royal était gagnante au second tour face à Nicolas Sarkozy et sa large victoire à la primaire (fermée) du 16 novembre 2006 avait montré la volonté des socialistes de gagner coûte que coûte l’élection présidentielle du printemps suivant.

yarti2012201103Tiens ? C’était justement l’argument principal de la victoire de François Hollande ce 16 octobre 2011, même si elle aurait été bien plus significative s’il l’avait emporté dès le premier tour de la primaire. L’objectif serait de gagner. Quoi qu’il advienne. Et si Dominique Strauss-Kahn n’avait pas eu ses ennuis judiciaires américains, il l’aurait remplacé dans le rôle de meilleur candidat des sondages face à Nicolas Sarkozy.

Ceux qui l’emportent sont principalement ceux qui l’ont souhaité le plus fortement. François Hollande a été le plus ambitieux et le plus tenace dans son ambition de tous ses concurrents au sein du PS, mais face à Nicolas Sarkozy et à François Bayrou, cela risque d’être beaucoup plus rude pour lui.

Prudence

La longue suite de déceptions, de désillusions, de singularités montre que le gagnant des sondages six mois avant l’échéance ne gagne jamais une élection présidentielle. Ces précédents devraient amener les socialistes à un peu de retenue et de prudence.

C’est finalement heureux : cela signifie qu’une campagne électorale a son efficacité, et sa fonction, celle d’éclairer les électeurs dans leur futur choix. Éclairage parfois oblique.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 octobre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Hollande, vainqueur des siens.
Les ambitieux doivent-ils toujours gagner ?
La Valls République.
Le PS et la logique présidentielle.

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