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Moody’s s’invite à la présidentielle

Publié le 19 octobre 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“La situation est très grave” F. Fillon le 18 octobre 2011

L’agence de notation Moody’s fait irruption sur la scène politique française. En mettant sous surveillance pendant trois mois les “fondamentaux” de l’économie hexagonale. En particulier le déficit et les mesures prises pour y parer. Comme oracles, ces prestataires en sécurité financière ne valaient pas tripette, notant en 2008, il faut bien s’en souvenir, les subprimes AAA. Aujourd’hui, c’est en faiseurs de rois qu’elles agissent, prodiguant conseils (à peine cachés) et avertissements aux États réputés souverains. Et ce, en pleine période électorale. Comme pris de panique le matin même, F. Baroin ministre de l’économie annonce qu’il est décidé “à tout mettre en œuvre pour garder le AAA”, son précieux Saint-Graal.

Timing parfait

Moody’s s’invite à la présidentielle

Christopher Dombres

Deux jours après la désignation du candidat socialiste la menace tombe. Comme un coup de semonce pour la gauche qui traine une (fausse) réputation dispendieuse. Moody’s met la France sous surveillance pour un trimestre. Avec une échéance au mois de janvier 2012, c’est à dire cinq mois avant l’élection majeure de la Ve République. Cette surveillance s’opère pendant les trois mois post désignation, où l’équipe dirigeante du PS mettra une dernière main à un programme économique qu’il faudra défendre devant les électeurs en mai 2012. Un timing parfait pour peser lourdement sur le scrutin.

Pourtant, il est peu probable que Moody’s décortique les propositions du PS, quoi que… Mais il est certain que l’équipe en charge du programme de F. Hollande aura reçu haut et clair le message de l’agence. Mais l’écouteront-ils ?

Interprétation des oracles

Reste néanmoins la question de l’interprétation. Moody’s ne se prononce pas sur  “comment” garder le AAA. Une position d’apparente neutralité sur la manière dont les États conduisent leur politique économique. Libre aux responsables de chacun des pays selon le mix adéquat de réduire les dépenses et/ou d’augmenter les recettes.

Lors du plan anti déficit présenté en août 2011, le premier ministre F. Fillon avait mis en avant la nécessité de diminuer la dépense publique tout en évitant une hausse générale des impôts, se concentrant sur quelques niches fiscales et une symbolique obole des plus riches. Recette typique du bréviaire orthodoxe de l’économie préférant sacrifier les services publics et la solidarité nationale, en poursuivant la chimère de la relance en favorisant davantage les plus favorisés. Dans le dispositif argumentaire, l’avertissement de Moody’s tombe à point nommé pour légitimer les “réformes dites de structures”. Il permet au gouvernement de passer l’écueil des difficultés des suppressions de postes dans l’éducation nationale, et des carences de ressources dans le secteur de la santé. Mais aussi de préparer les “réformes à venir”.

F. Hollande s’est d’ores et déjà prononcé pour une règle d’or financière après l’élection de mai 2012, tout en déclarant ne pas tenir compte des agences de notation. Et précisant que “la dette était l’ennemie de la gauche”. Une manière de faire la même chose (que la droite), sous des prétextes différents. Et ainsi, préparer le terrain à une austérité mode socialiste. Illustrée par les propos du candidat à l’époque en course pour la désignation à la primaire : “il ne faudra pas trop promettre”. Une position pas si éloignée de celle proposée par le gouvernement de F. Fillon aujourd’hui.

La quadrature de l’austérité et du fétichisme du déficit

Il existe pourtant un autre chemin. Loin des injonctions des agences de notations, interprétées quasi instinctivement par les gouvernements comme une obligation à l’austérité. Selon J. Stiglitz, résorber le déficit est devenu l’Alpha et l’Omega des politiques économiques. Une fin en soi. Or le prix Nobel d’économie (2001) soutient que pour relancer la machine économique le recours à l’austérité n’est pas la solution. Elle a même tendance à achever le malade, comme cela est observable en Grèce. En accélérant la spirale pernicieuse : crise – austérité – baisse des recettes – crise – austérité – baisse des recettes…

En keynésien, il prône au contraire une relance du système par la dépense. Avec une question simple : “comment stimuler l’économie pour créer des emplois ?”. Et des réponses simples : “Infrastructure, éducation, technologie”. En s’appuyant sur des investissements publics et le long terme. Avec un souci de réduction des inégalités pour donner une cohésion sociale au projet. Une approche qui entre en collision avec les directives à trois mois des agences de notations.

Il semble acquis que l’UMP gardera le cap fixé par les agences. En répondant sur le court terme au diktat par la réduction des dépenses. La droite trouve là une parfaite raison d’appliquer un remède indigeste en parfaite adéquation idéologique, celle des privatisations et du démantèlement des services publics. Une thérapie de choc, relevant plus du choc que de la thérapie.

Une politique de rupture pour le candidat progressiste consisterait à sortir de cette dictature de l’urgence. De ralentir et de remettre du sens à l’action politique dans l’intérêt des citoyens. De se défaire de son boulet sisyphien AAA, pour proposer une sortie de crise réelle en un seul morceau. Mais reste à savoir si F. Hollande choisira entre J. Stiglitz ou F. Fillon…

Vogelsong – 18 octobre 2011 – Paris


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