Juin 40 : la défaite et l’exode

(Images de l'exode)

17 juin 1940 : l'armée allemande occupe Metz, Dijon et Orléans. Environ dix millions de personnes ont pris le chemin de l'exode ; « Le pauvre pays sur les routes, bafoué et humilié» écrit Hervé Gaymard dans sa présentation de la réédition du livre du général de Gaulle Au fil de l'épée en 2010. Dans une allocution radiodiffusée, Pétain annonce à midi et demi qu'il a demandé l'armistice à l'Allemagne nazie et propose, en signe de gage à l'ennemi, de cesser le combat.

C'est un traumatisme profond pour la France que cet épisode de la seconde guerre mondiale. Un homme politique comme Jean-Pierre Chevènement, né en 1939, racontera plus tard que ce fut l'une des raisons, cette débâcle, qui le conduisit à s'engager au service de l'État via l'E.N.A., puis, vers la fin des années soixante, dans une carrière politique.

Sur ce que constitua l'exode à proprement parler, il importe de se référer au roman d'Irène Némirovsky (1903-1942) Suite française, publié en 2004¹, dont la première partie (elle devait en comporter cinq mais Irène n'eut le temps que d'en écrire deux) "Tempête en juin" raconte dans un entrelacs de destins croisés la fuite désordonnée de plusieurs familles françaises, c'est un témoignage de première main, la romancière qui s'était réfugiée dans un village de Saône-et-Loire a connu ces heures peu glorieuses de notre Histoire :

« Ils échangèrent des propos pessimistes, presque désespérés mais d'une voix allègre. Les uns avaient bien profité de la vie ; ils étaient à l'âge où l'on se dit en contemplant les jeunes : "Qu'ils se débrouillent!". Les autres recensaient, en hâte, dans leur esprit, toutes les pages qu'ils avaient écrites, tous les discours qu'ils avaient prononcés, qui pourraient les servir auprès du nouveau régime... », p. 192

Rappelons ici qu'Irène Némirovsky², d'origine juive, fut livrée par la Gendarmerie française aux autorités allemandes, elle, qui avait cru que la France était une terre hospitalière pour les gens persécutés, écrira dans un cahier : « Mon Dieu! que me fait ce pays? Puisqu'il me rejette, considérons-le froidement, regardons-le perdre son honneur et sa vie. »

Sur l'aspect historique de ces événements, nous avons la chance de pouvoir nous référer à trois excellents livres qui permettent de comprendre l'enchaînement des faits :

1/ Emmanuel Berl (1892-1976), La fin de la IIIe République, éditions « Témoins Gallimard », 1968, nouvelle édition en 2007 ;
2/ Marc Bloch (1886-1944), L'étrange défaite, « Folio Histoire », 1990³ ;
3/ Léon Werth (1878-1945), Impressions d'audience sous-titré "Le procès Pétain", éditions « Viviane Hamy », 1995

Ce sont trois livres ont une approche très différente.

Factuel, linéaire, pour le livre d'Emmanuel Berl qui raconte d'une manière très détaillée le déroulement des faits au regard de la personnalité des différents protagonistes (Mandel, Pétain, Reynaud, Weygand, etc.). Plus tourné vers la réflexion à la lumière de l'incurie des autorités militaires de l'époque, avec beaucoup de détails sur les questions d'intendance, pour Bloch, enfin, attaché à comprendre la personnalité de Pétain pour Léon Werth qui suivra son procès du 23 juillet au 15 août 1945 pour la revue « Résistance », il note le témoignage de Léon Blum :

« Le Maréchal est un mystère que je ne comprends pas. Je ne puis saisir les vrais mobiles de ses actes : ambition, mobiles personnels, desseins depuis longtemps prémédités ou conçus dans le désastre de la patrie?... », p. 52

Il m'a semblé utile d'attirer l'attention du lecteur, jeune ou vieux, étudiant, actif ou retraité, sur ces trois ouvrages exceptionnels à plus d'un titre.

Notes

¹ Irène Némirovsky, Suite française, éditions Denoël, 2004. Saluons le courage du jury Renaudot qui attribuera ce prix à Irène Némirovsky à titre posthume
² « Le Livre de Poche » publiera en novembre les œuvres complètes d'Irène Némirovsky, soit deux tomes de 2 000 pages chacun présentés en coffret
³ Ce témoignage a été écrit en 1940