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Le mur du protectionnisme

Publié le 22 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Tout le monde souffre du protectionnisme quand il est mis en place, à part quelques uns qui savent acheter les faveurs des politiques. Un retour sur le cas canado-américain.

Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.

Le mur du protectionnisme
Je n’irais pas jusqu’à dire que l’ambassadeur américain David Jacobson nous prend pour des idiots. Mais c’est proche.

Jacobson parlait de la controversée clause Buy America du plan de relance d’Obama, mardi dernier à Ottawa. Cette loi interdirait aux entreprises canadiennes d’obtenir des contrats d’infrastructures aux États-Unis (routes et écoles, par exemple). Pour les réserver aux firmes américaines.

Pour nous rassurer, le diplomate nous dit : ce qui compte pour le Canada, c’est que l’économie américaine redémarre. Et c’est ce que le plan d’Obama souhaite accomplir. La clause Buy America? Bah. Il faut « accepter le mal avec le bien ».

Autrement dit : l’économie américaine est dans un trou. Et si on les laisse nous piler sur la tête pour grimper, elle sortira plus vite… Si la clause Buy America aide à redémarrer l’économie américaine, applaudissons-la. Car au final, ça va aider nos entreprises. Je caricature à peine.

Dommages irréparables

Demandez au chantier maritime Davie — celui qui vient de voir les lucratifs contrats fédéraux lui passer sous le nez —, ou au chantier Verreault, si le Jones Act les aide. Cette loi protectionniste interdit aux entreprises canadiennes de construire, réparer ou exploiter des navires qui vont livrer leur marchandise aux États-Unis. Elle prive les chantiers comme la Davie et Verreault de la moitié de leur clientèle potentielle.

Demandez à Ed Makin, président de Sucre Lantic, dont la raffinerie bâtie en 1888 crache toujours son épaisse fumée rue Notre-Dame à Montréal, si le protectionnisme les aide. Ses boîtes de sucre se font frapper d’une taxe allant jusqu’à 300 % si elles osent entrer aux États-Unis.

Demandez à nos scieries si les nombreuses mesures de représailles pendant le conflit du bois d’œuvre les aident aujourd’hui. Les scieries canadiennes ont perdu plus de 20 000 emplois depuis 2001, et craignent de nouvelles représailles au moindre ralentissement économique chez leur « partenaire ».

Les lobbys

David Jacobson vous dirait probablement que ces mesures, et des dizaines d’autres, ont vu le jour pour aider l’économie américaine. Et, indirectement, la nôtre…

Non. Elles résultent d’efforts soutenus d’intérêts particuliers, qui ont leurs seuls intérêts à cœur.

C’est la CFLI, une coalition réunissant de riches producteurs de bois d’œuvre américains, qui a convaincu les élus américains d’imposer des tarifs allant jusqu’à 27 % sur le bois d’œuvre canadien à la frontière. La CFLI a payé plus de 7 millions $ à des lobbyistes depuis 1997 pour défendre ses intérêts à Washington, selon l’organisme indépendant Center for Responsive Politics.

C’est le puissant lobby du sucre aux États-Unis, dominé par le producteur Flo-Sun, qui investit des millions en lobbying pour que les politiciens de Washington bloquent l’entrée de sucre étranger sur le territoire américain.

C’est une myriade de lobbys qui se battent pour l’industrie de la construction navale aux États-Unis. Dont le Maritime Cabotage Task Force – qui défend bec et ongles le Jones Act. Le lobby du transport maritime dépense 17 millions par an pour représenter ses intérêts à Washington.

Une mesure néfaste

Qui est derrière la clause Buy American? Entre autres le lobby de l’acier, de l’asphalte et de la construction. Et les syndicats de ces industries, qui veulent protéger leurs emplois.

L’ambassadeur américain a beau nous sortir son baratin, il est lui-même impuissant devant l’emprise des lobbys sur la politique économique de son pays.

Alors de grâce, qu’il nous épargne sa logique boiteuse. Le Buy American est une mesure qui nuira à nos entreprises, mais aussi à l’économie américaine. Car comme toute mesure protectionniste, elle forcera les États, les industries et les consommateurs américains à payer plus cher leurs produits et leurs infrastructures.

Pendant que le profit ira aux entreprises privilégiées, qui maîtrisent l’art de graisser la patte des politiciens. Ça vous rappelle quelque chose?


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