Il est à nouveau papa, depuis mercredi soir. Les télévisions ont pu le montrer hyper-actif, de Frankfort à Paris, d'une réunion avec Angela Merkel à la clinique de la Muette au chevet d'une Carla accouchant. Jeudi, la mort du colonel Kadhafi consacrait la fin de l'intervention française en Libye et son rôle de chef de guerre. Il avait même prévu, pour une fois, de bosser un dimanche, avec un sommet européen qualifié de « décisif » ce dimanche.
Malheureusement, cette image de Père de la Nation protecteur et rassembleur ... n'est qu'une image. La désignation de François Hollande dimanche dernier comme candidat socialiste l'a mis en rage. Sarkozy est entré en campagne, multipliant les mots doux aux centristes désemparés par le retrait du débranché Borloo, et les attaques personnelles souvent ignobles contre l'adversaire Hollande. Sur le terrain économique, l'Europe est enlisée, Sarkozy n'a aucun ascendant ni leadership. Et Moody's a menacé de dégrader notre fameux Triple A national d'ici Noël...
Patatras !
Giulia Sarkozy
Elle a quelques jours, elle s'appelle Giulia et ses parents, Nicolas et Carla,
font tout pour nous convaincre que sa naissance doit finalement
restée intime. Tout au long de sa grossesse, Carla Bruni a été
régulièrement exhibée en renfort médiatique de son mari. Le 14 juillet dernier, l'invitation par la Reine Carla de dix épouses de soldats au Fort de Brégançon faisait même partie du programme officiel des cérémonies. Les magazines people s'étaient disputés les photos « exclusives ». Après l'étalage Bling Bling des années 2007-2009, le couple Sarkozy préfère la « starification » version show-biz, avec paparazzis, photos volées et petites allusions. Comme par hasard, jeudi 20 octobre, le lendemain de la naissance de Giulia Sarkozy, France 2 diffusait une quelques mots d'interview de Carla Bruni qui annonçait sa participation à la campagne de réélection de son « mari ». Et la radio publique France Inter réservait 9 minutes de son journal de 13H à la naissance royale.
Nicolas Sarkozy profite évidemment de son rôle de nouveau papa, il a même pris le micro, jeudi en Mayenne, pour expliquer combien son bonheur était privé: «Tous les parents ici peuvent comprendre la joie très profonde que Carla et moi ont ressent, et en même temps, chacun peut comprendre que c'est une joie d'autant plus profonde qu'elle est privée. Donc je me contenterait de ces quelques mots: elles vont très bien. ». Depuis trois semaines, les rumeurs d'un accouchement imminent se multipliaient. On avait même cru que l'opération avait été calée pour le dernier weekend des primaires socialistes. Finalement, ce fut mercredi, dans une clinique du bourgeois 16ème arrondissement.
Impuissance européenne
Entre deux visites à la clinique, Sarkozy a eut le temps d'un aller-et-retour à Frankfort. La crise financière s'est aggravée. Mardi, l'agence Moody's a donné trois mois à la Sarkofrance pour prouver qu'elle tiendra le rééquilibrage promis de ses comptes publics. Mercredi, l'Espagne perdait encore un cran de note. Angela Merkel refusait toujours d'élargir le fond européen de stabilisation financière. Le plan du 21 juillet dernier prévoyait 440 milliards d'euros de prêts ou garanties bancaires supplémentaires. Sarkozy en voudrait davantage. Il sait qu'il en aura besoin pour nos propres banques nationales.
Jeudi, le couple franco-allemand annonçait le report des décisions de restructuration de la dette grecque à mercredi. Ni rééchelonnement des remboursements, ni l'ampleur de la participation du secteur privé bancaire ne seraient finalisés avant ce dimanche. Sarkozy espérait conclure dimanche, puis se montrer à la télévision le lendemain. L'émission est prête, avec son décor façon « C'est à vous », et les deux journalistes sélectionnés par les communicants élyséens. Le show a été décalé à jeudi prochain. En fin de semaine, les marchés financiers anticipaient une dégradation prochaine du Triple A français. Cela se mesure facilement, à l'importance du fameux « spread » (l'écart) de rémunération entre les obligations d'Etat françaises et allemandes.
Campagne accélérée
Le Monarque est en campagne, il n'attend plus. Il s'est doté d'un conseil politique pour 2012. Ses proches répètent qu'il annoncera sa candidature en janvier, mais les allusions perfides et sans débat au contexte politique ne trompent personne. Ses ministres sont chargés d'accélérer le maquillage du bilan. Kadhafi tué (dans des circonstances non éclaircies), Alain Juppé pourra célébrer la victoire de la démocratie, pour mieux masquer les courbettes passées, les échecs en Egypte et en Tunisie, et ... les ventes d'équipements négociés par le couple Takieddine/Guéant. Mercredi, une otage est morte, un autre était libéré. Le moment fut vite « récupéré».
De son côté, Roselyne Bachelot, ministre aux Solidarités Actives, devait livrer un rapport au Parlement « prouvant » que la pauvreté avait baissé en France depuis 2007. L'imposture a été rapidement démasquée. Jeudi, Nathalie Kosciusko-Morizet accompagnait son Patron en Mayenne célébrer les 4 années de Grenelle de l'Environnement. Depuis l'échec du sommet de Copenhague, puis les succès électoraux d'Europe Ecologie Les Verts, Nicolas Sarkozy avait délaissé l'environnement de son agitation de campagne. Il préférait choyer les agriculteurs, victimes de la crise et surtout écoeurés par la désinvolture du Monarque élyséen. De discours dans les champs en visites de fermes, de mots doux en soutiens discrets (cf. le silence gouvernemental sur l'affaire des algues vertes en Bretagne), Sarkozy espérait regagner le terrain perdu. Mais la campagne approche, et le candidat devait rejouer à l'écolo.
Pour couronner le tout, vendredi, le candidat Sarkozy a réitéré sa demande de création d'une taxe sur les transactions financières internationales: « Je suis persuadé que, dans les semaines et les mois à venir, les
opinions publiques des pays qui ne se seront pas dotés de cette taxe
interrogeront avec beaucoup de violence leurs gouvernements en disant : pourquoi refusez-vous de faire ce geste ?" » Il a même refusé d'attendre que « le monde entier s'en dote ». Et bien chiche ! Vas-y Sarko, vas-y Nico !
Doutes français
En France, l'examen du projet de loi de finance 2012 a débuté mardi. Le gouvernement a lâché un lest minimum pour calmer les impatients. La grogne vient de toutes parts. Contre la gauche, il faut faire croire que ce budget est juste et rigoureux. A droite, certains fustigent la surestimation des recettes fiscales, pour 10 milliards d'euros au moins. On fait la chasse aux niches, de la défiscalisation des ventes de chevaux aux dons aux partis politiques. Même la taxe sur les boissons sucrées a été étendue aux boissons light, vendredi. Sarkozy l'avait promis aux agriculteurs, voici dix jours, pour leur financer un nouvel allègement de charges sociales. D'autres députés de son camp voulaient alourdir l'impôt sur le revenu des plus riches, via la création d'une nouvelle tranche. François Fillon a concédé un durcissement de la fameuse taxe exceptionnelle et temporaire qu'il avait prévu dans son micro-plan de rigueur: de 3% du revenu fiscal, elle passera à 4% pour les revenus supérieurs à 500.000 euros. Et elle s'appliquera dès 250.000 euros de revenu.
Quel effort ! Pécresse espère ainsi gratter 2 milliards d'euros supplémentaires. Seuls 26.000 foyers sont concernés. La France est le pays européen qui compte le plus de millionnaires.
Mais la véritable inquiétude est ailleurs, y compris et surtout chez les agences de notation: le projet de budget français n'est pas crédible. Les perspectives de croissance sont maintenues à 1,75% l'an prochain, une estimation à laquelle aucun institut ne croit plus; et le rabot des niches fiscales reste modeste. Mercredi après-midi, les députés socialistes ont proposé 12 à 15 milliards d'euros de suppression de niches fiscales complémentaires. Le lendemain, François Baroin (Finances) a laissé entendre que le gouvernement allait se résigner à réduire sa prévision de croissance. Il craque.
Parti des Riches
Depuis lundi, le Monarque était furax. Le sacre tant redouté de François Hollande a bien eu lieu. Le candidat socialiste l'a emporté haut la main face à Martine Aubry lors du second tour des primaires socialistes, de surcroît avec une participation plus importante qu'au premier tour. Dès lundi, la charge était lancée. Jean-François Copé, debout sur sa petite estrade au siège l'UMP rue de la Boétie à Paris, traita Hollande de poltron. La riposte du clan sarkoyenne sera personnelle et ad nominem. Toute une équipe de sous-ministres, députés médiatiques et conseillers de l'ombre ne travaillent qu'à cela.
Mardi, les ténors de l'UMP et du gouvernement se sont succédés sur la tribune du Pavillon Gabriel, face aux jardins de l'Elysée, pour fustiger le coût du programme socialiste, 255 milliards d'euros en 5 ans (alors qu'un institut patronal le chiffrait à 30 milliards, avant recettes nouvelles), Fichtre ! Copé avait fait installer un gros compteur sur le mur. Valérie Rosso-Debord, la jeune députée et nouvelle égérie du Sarko-fan-club, égrénait les charges comme une animatrice de Téléthon, micro en main. Le spectacle amusa la galerie médiatique et les réseaux sociaux. Une telle rage illustrait surtout l'inquiétude qui règne au coeur de l'aréopage sarkozyen.
Parti des affaires
La Sarkofrance, c'est aussi des scandales, ses affaires, une République irresponsable et si reprochable. Mardi, coup de théâtre, Bernard Squarcini, le patron de nos services secrets, un fidèle du Chef de l'Etat, était mis en examen pour « atteinte au secret des correspondances, collecte illicite de données et recel du secret professionnel » dans l'affaire des fadettes du Monde. Squarcini n'est pas content. Il n'a fait qu'exécuter les ordres. Son propre patron, Frédéric Péchenard, directeur de la police nationale, devrait suivre.
Jeudi, on apprenait que l'ancien ami du Monarque Thierry Gaubert, inculpé pour recel d'abus de biens sociaux, était en plus visé par une plainte pour subornation de témoin. Des enregistrements de conversations téléphoniques avec sa femme montreraient qu'il l'a menacé si elle en confiait trop au juge.
Une autre proche de Nicolas Sarkozy, Joelle-Ceccaldi-Raynaud, maire UMP de Puteaux, avait été entendue cet étécomme témoin assisté
par un juge de Nanterre dans une enquête sur des soupçons de
malversations financières, dans le cadre du renouvellement d'un contrat de chauffage urbain du quartier d'affaires de la Défense. De nouvelles révélations du Canard Enchaîné ont provoqué l'ire de l'élue qui a fait acheté tous les exemplaires du journal dans sa ville.
On croit rêver.
Dans 10 jours, le SMIC n'augmentera pas. Le mois dernier, l'inflation officielle n'était « que » de 1,96%. Cela tombe bien, la revalorisation mécanique du SMIC ne se déclenche qu'à 2% d'inflation.
C'est aussi ça, la Présidence des Riches.
Ami sarkozyste, où es-tu ?