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En prison à Tahiti

Par Argoul

Papeari, 6 km de long, 4000 habitants, sur la côte ouest de Tahiti, à 50 km de Papeete. L’île s’étend entre Mataiea et Taravao. La côte ouest entre Papeete et Paea est actuellement  grillée, une seule allumette suffirait à embraser collines et maisons. Le vent de nord-est quasi présent se chargerait de colporter l’incendie.

En prison à Tahiti
Papara marque le début de la végétation luxuriante et verdoyante  malgré une sécheresse qui perdure. A Papeari, depuis plusieurs semaines l’eau a déserté les robinets. Il faut se lever à 2 heures du matin pour se doucher, laver la vaisselle, mettre le linge dans la lessiveuse (la machine à laver le linge). Qu’en sera-t-il quand il y aura 600 vies de plus à Papeari ?

En prison à Tahiti
Or Papeari est siège de la nouvelle geôle. L’Etat farani constate, enfin, que la prison de Nuutania (ville de Faa’a, maire Oscar Temaru, président actuel du gouvernement polynésien) est obsolète. Un record peu enviable. Prévue pour 150 prisonniers, on en dénombre aujourd’hui 440. Certes, ils sont un peu serrés à Nuutania, mais là-bas sous les tropiques, on vit surtout dehors, doivent penser les technocrates à Paris. Espérons qu’ils ont de l’eau les taulards, car faire la queue pour se laver, faire la queue pour les vespasiennes, faire la queue pour s’humecter la bouche. Que des histoires de queues en prison… cela pourrait créer des mouvements de foule. Le défi est lancé.

En prison à Tahiti
Ce sera à Papeari que l’Etat construira cette nouvelle prison. Attention, autre style : plus de hauts murs, plus de miradors, quelques grillages, une clôture végétale ; à l’intérieur,  cellules individuelles avec toilette et douche,  salle de fitness, appartements pour recevoir la famille ; le tout bourré d’électronique. Gare à la panne, gare à la panne ! Comptez avec moi 400 condamnés sur 10 hectares de terrain, plus le personnel, tout ce monde vivra à côté des habitants du cimetière. Et alors ? Aita pe’a pe’a (ça ne fait rien)? Mais si.

En prison à Tahiti
L’Etat n’a pas tenu compte des tupapa’u (revenants). Les soirs de pleine lune, ces locataires descendent à la mer et doivent impérativement être de retour avant le lever du jour. Alors  Messieurs les Farani (Français) vous  tirez les premiers ? L’histoire se répète. Serait-ce donc « Messieurs, les Ma’ohi, tirez les premiers » ou « Messieurs les Ma’ohi, tirez les premiers ». (Ma’ohi = autochtones de Polynésie). Une simple virgule peut tout changer… Et si les résidants de la prison prenaient l’habitude d’accompagner les parcours des tupapa’u avec des toere (tambour à lèvres en bois) des pahu (tambour à membrane) des tariparau (tambour européen) ? Ouah ! Cela plairait peut-être aux tupapa’u mais certainement pas aux pauvres oreilles des riverains, car il y a des riverains.

En prison à Tahiti
Pourtant,  les « indigènes » de Papeari sont des plus gâtés. Constatez vous-mêmes. Ils bénéficient déjà de la présence de la poudrière, du chenil de l’armée (ils aboient bien, les canidés !), du dépotoir Paihoro qui les gratifie de fragrances « immondices » gratuites, d’un terrain de moto-cross où les  pétarades se répètent tous les jours de la semaine y compris le dimanche, pourtant jour de repos. Au secours les verts ! Toujours à Papeari, le jardin botanique H. Smith aux arbres magnifiques mais qui souffre cruellement de soins, le Musée Gauguin qui attend avant de s’effondrer complètement des toiles… ou de bonnes reproductions des œuvres du Maître pour combler les vides de ses murs.

En prison à Tahiti
Monsieur « Prison », venu de Paris vendredi 30 septembre, présentait les avantages de cette super geôle à la mairie de Teva i Uta. Une petite explication pour les popa’a : Papeari est la commune associée de Mataiea et forment ensemble la commune de Teva i Uta. Les panneaux « Non à la prison à Papeari » ont fleuri le long de la route mais l’Etat impose son diktat  et demeure inflexible.

Début des travaux 2013, ouverture de l’hôtel 7 étoiles en 2016. Confidence, cet hôtel serait membre de la chaîne internationale « Mieukalamaison ». Les Ma’ohi et les Popa’a de Papeari se sont regroupés en association ou en petit comité contre ce projet. Ils se heurtent à la volonté du pouvoir. Ils ont parfois l’impression que les détenus sont mieux considérés qu’eux et que s’ils n’acceptent pas cette Bastille, ils n’auront qu’à aller voir ailleurs.

En prison à Tahiti
Oscar, l’Indépendantiste : « Si nous étions indépendants, il n’y aurait pas de prison ». Ainsi si l’indépendance est acquise demain, il n’y aura  plus ni voleurs, ni violeurs, ni assassins, etc. Chiche.

C’est qu’avec tous ces soucis, nous devenons un peu taravana (fam : timbrés).

Vos commentaires sur la future prison de Papeari seront les bienvenus, et pourquoi pas vos astuces pour faire capoter ce projet ou le faire déplacer dans un endroit moins idyllique ?

Hiata de Tahiti prend congé, portez-vous bien.



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