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Frédérick B. Speakman : Existence et responsabilité

Publié le 24 octobre 2011 par Unpeudetao

Une serveuse prenait la commande d'un couple accompagné d'un jeune garçon.

Elle appartenait à cette classe de serveuse chevronnées qui ne sont jamais carrément irrespectueuses envers leurs clients, mais dont le regard “à égalité”
et le calme démontrent clairement qu'elles n'ont peur d'aucun mortel, pas même d'un parent. Silencieusement et sans se presser, elle prenait des notes tandis que le père et la mère choisissaient les plats et donnaient gratuitement leurs instructions sur ce qui devait être substitué à quoi et quel assaisonnement changer pour quelle sauce.

Lorsqu'elle se tourna finalement vers le garçon, il passa sa commande avec une sorte de désespoir rempli de crainte. « Je veux un hot dog » commença-t-il.
Et immédiatement les deux parents aboyèrent: « Non, pas de hot dog ! ». Puis la mère continua: « Apportez-lui des pommes de terre lyonnaises et du boeuf et un bouillon de légumes et un petit pain de blé entier et…» Mais la serveuse ne l'écoutait plus et dit au jeune garçon: « Que veux tu avec ton hot dog ? » Il sourit, étonné. « Du ketchup, beaucoup de ketchup et un verre de lait et des frites ». « Tout de suite », dit-elle en s'éloignant de la table, laissant derrière elle un silence de pierre, expression du désarroi parental le plus total.

Le garçon la regarda s'éloigner avant de se tourner vers son père et sa mère : « Vous avez vu ? dit-il, elle croit que j'existe ! Elle croit vraiment que j'existe ! »

L'existence humaine n'est pas donnée sous une forme seulement passive : exister, ce n'est pas pour un homme être un pot de fleur, ni même un personnage : même un “élève de terminale”, avec son rôle tout préparé. Exister, c'est prendre la pleine responsabilité de ce que l'on est. Cette histoire est tout à fait touchante sur ce point. Le garçon a pris l'habitude d'être constamment materné. Ses parents assument toutes ses décisions à sa place. du coup, il n'a pas vraiment le sentiment d'exister, puisque son existence ne lui est que prêtée. Il est placé sous une dépendance, une tutelle qui lui interdit d'assumer sa liberté. La serveuse, elle, le prend comme un être humain à part entière, responsable des ses choix. Pour la première fois, il a le sentiment d'exister vraiment! Avant, il avait le sentiment vague de n'être qu'une sorte d'ombre projetée, l'ombre de parents autoritaires, ombre d'une soumission constante qui l'étouffait. Là, quelqu'un lui parle comme on parle à une personne libre et responsable. Il se sent exister à travers cette reconnaissance. C'est un éveil à soi, un éveil de la liberté à elle-même que cette prise de conscience, une lumière qui se lève sur l'existence d'un être humain qui se sent capable enfin de se lever, seul, droit et heureux d'être ce qu'il est. Tant que cette étincelle ne s'est pas allumée en nous, nous n'existons qu'à moitié, ou encore nous ne vivons pas vraiment notre vie. Même si la situation d'expérience nous place dans une condition où nous devons dépendre d'un autre, il y a toujours place pour la liberté intérieure qui consent à cette existence et est capable de mettre une fin à une situation de problème. Le rayonnement de l'existence doit être libre pour que l'existence ait son sens et ne soit pas vécu comme une sorte de survie provisoire.

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