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Les mots de la politique (16) : l’UMP veut “éclairer le chemin”

Publié le 26 octobre 2011 par Variae

Un slogan est un slogan. Ni plus, ni moins – et c’est déjà beaucoup. Celui que l’UMP est en train d’installer sous la houlette de Jean-François Copé mérite donc toute notre attention. « Nous souhaitons éclairer le chemin pour les années qui viennent », a-t-il déclaré ce mercredi à son point presse du jour. Éclairer le chemin : une expression sans doute soigneusement choisie, puisque le patron de l’UMP l’a déjà utilisée il y a une semaine, lors du mémorable et baroque show télévisé consacré au programme socialiste.

 

Les mots de la politique (16) : l’UMP veut “éclairer le chemin”

Première impression : une fois de plus, la droite s’aventure dans des contrées lexicales étonnantes, et moins proches des canons de la politique que de ceux de la spiritualité. Une fois de plus car j’avais déjà fait ce constat, cet été, au sujet de l’insistance du président et de sa majorité à mettre en avant le terme de « règle d’or », qui me semblait teinté de connotations morales et religieuses. Ici, c’est encore plus net, avec un renvoi assez transparent, me semble-t-il, aux notions d’illumination, de vérité, et de trajectoire de vie au sens spirituel du terme. Une rapide recherche Google sur l’expression confirme ce sentiment : on trouve dans les premières réponses un ouvrage sur la franc-maçonnerie, un article sur les scouts malgaches, un site canadien consacré à la santé mentale, ou encore un autre ouvrage sur la formation des chrétiens. Autant le recours à ce champ de références pouvait paraître habile avec la règle d’or, autant je suis ici perplexe sur les effets recherchés et attendus. Il y a au minimum matière à plaisanterie (« Le sentier lumineux »), et, au pire, des questions sur les inspirateurs d’une telle formule.

Deuxième niveau de lecture, un peu moins subjectif. Cette expression constitue, quand on y songe, un petit bouleversement dans la phraséologie UMP, et sarkozyste en particulier. Oubliés les impératifs de changement, de réforme, de transformation : J.F. Copé nous propose ici de mettre un peu de lumière sur le chemin que nous parcourons. Après les députés-godillots et le parti-croupion, le parti-lampion ? On sous-entend qu’il existe un cours des choses qui s’impose à nous – le propre d’un chemin est qu’on l’emprunte sans l’avoir soi-même dessiné – et on réduit le rôle d’un parti, même plus à opérer des changements à la marge, mais à apporter sa lumière sur les événements (notion obscure s’il en est : est-ce apporter un peu de réconfort, un peu d’explication, autre chose encore ?). Un supplément d’âme, en somme. Lapsus ? C’est en tout cas à ma connaissance un cas très rare, dans le monde politique, d’aveu de renoncement à agir sur le réel. On notera que c’est cohérent avec la dimension spirituelle et religieuse dont je parlais précédemment : l’idée qu’il faut se changer soi-même, plus que l’ordre du monde, est souvent au cœur des mystiques. Cohérent aussi avec l’objectif du « 0 euros de dépense publique supplémentaire », qui n’indique pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un grand volontarisme politique.

Il y a pour moi, enfin, une notion qui se dégage fortement de ce slogan : la passivité. La passivité crépusculaire, impuissante, et désemparée, d’un parti en bout de course avec un candidat fragilisé. Peut-être d’ailleurs est-ce l’inconscient (et l’état d’esprit actuel) des patrons du parti présidentiel qui a parlé, malgré eux. Une passivité teintée d’incompréhension et de manque de maîtrise sur les événements, comme le montrent les propos de Copé : « certes nous vivons une crise très importante, mais aussi une mutation de notre société. Il y aura un avant et un après la crise avec une transformation de nos habitudes de vie et de notre modèle de développement qui doivent être vu comme des opportunités ». Peut-on imaginer plus vague ? Le chemin (vers où, vers quoi ?), une mutation (laquelle ?), une transformation (laquelle ?) … des termes aussi forts qu’indéfinis dans leur contenu.

Après l’omniprésident, le guide spirituel ? Même pas : un guide montrerait le chemin et ne se contenterait pas de l’éclairer. Les agences de communication ne devraient pas tarder à se presser au portillon de l’Élysée : il y a du pain sur la planche.

Romain Pigenel

De l’éclairage sur les autres mots de la politique ici.


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