Face à la grave situation que rencontre la zone Euro depuis dix-huit mois, le Conseil européen a mis au point cette nuit un nouveau dispositif. Un accord, même au bout de la nuit, était nécessaire, de ce point de vue le pire a été évité. Mais plusieurs points me paraissent insuffisants aussi bien sur le plan financier que sur le plan économique.
Les décisions prises pour alléger le poids de la dette grecque étaient incontournables. J'avais moi-même souligné dès juillet dernier, quand un premier accord est intervenu sur cette question, qu'il fallait accorder à la Grèce un très important allégement de sa dette. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour prendre enfin des mesures à la hauteur de l'enjeu ? Si ce n'est pour protéger un secteur bancaire qui aurait du être appelé au sacrifice bien plus tôt. Plusieurs mois d'instabilité ont été la conséquence du manque de courage que traduisait l'accord du 21 juillet dernier, dont Nicolas Sarkozy prétendait déjà à l'époque qu'il était le dernier.
Les gouvernements et les chefs d'Etat ont souhaité que soit mis en oeuvre un plan de recapitalisation des banques européennes pour leur permettre de faire face à la situation grecque et leur donner les marges de sécurité nécessaires. Je demande que le dispositif qui sera au bout du compte adopté ne se fasse pas au détriment des crédits indispensables au bon fonctionnement de nos économies et de nos entreprises. Si, d'une manière ou d'une autre, l'Etat devait intervenir dans cette recapitalisation, il conviendra qu'il exerce des pouvoirs au sein des établissements concernés, qui lui permettront de peser sur la bonne utilisation conforme à l'intérêt général des capitaux ainsi garantis ou mis à disposition.
Le troisième point de l'accord est, de mon point de vue, le plus critiquable. Sans indiquer formellement de sommes précises, les partenaires européens ont annoncé la mise en oeuvre d'un fonds de stabilisation renforcé afin de faire face aux difficultés que pourraient rencontrer à l'avenir tel ou tel Etat appartenant à la zone euro. Les modalités de cette intervention sont d'une imprécision regrettable. Ni le montant exact, ni les conditions de sa mise en oeuvre ne sont clairs. Mais surtout l'annonce de la participation de grands Etats extérieurs à l'Europe, dans la mise en oeuvre de ce fonds, est profondément troublante. Peut-on imaginer que si la Chine, par ce biais, venait au secours de la zone euro, elle le ferait sans aucune contrepartie ? Peut-on penser que le fait de se mettre, ne serait-ce qu'en partie, entre les mains de ces nations avec lesquelles nous avons par ailleurs à négocier sur le front monétaire et commercial nous mettra en capacité d'obtenir des résultats positifs pour l'Europe ? Il s'agit là d'une dépendance de fait qui traduit un aveu de faiblesse. Comme je le demande depuis plusieurs mois, la mise en place d'euro-obligations aurait permis à l'Europe elle-même de prendre en main son destin, plutôt que de le confier à d'autres. Sur ce point, Nicolas Sarkozy porte une grave responsabilité, puisque dès le mois d'août dernier, il a renoncé à défendre cette capacité autonome d'agir s'alignant totalement sur la position d'Angela Merkel.
Enfin, le Conseil européen a renoncé à prendre toute décision pour soutenir l'activité et renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires au moment même où le ralentissement de l'activité et l'accroissement du chômage frappent plusieurs Etats d'Europe dont la France. Au total ce Conseil européen ne vient pas mettre un terme à la crise financière, même s'il règle enfin le cas grec ; il n'offre pas à la zone euro la gouvernance économique indispensable, pour lui permettre de relever les défis qui pèsent sur elle en matière de croissance et de solidarité entre les pays qui la composent.
Le risque c'est donc que l'austérité se généralise à l'ensemble du continent, sans être sûr pour autant que les déficits et les dettes souveraines pourront être maîtrisés, règle d'or ou pas.
Quoiqu'il en soit de nouvelles décisions seront à prendre. J'aurai à promouvoir dans les mois et les années à venir une nouvelle donne européenne.