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La libye… toujours l’alibi.

Publié le 28 octobre 2011 par Naceur Ben Cheikh

L’été 1982, après  le débarquement des Palestiniens à Bizerte  et auparavant l’exhortation qui leur avait été  adressée par Le Colonel  Kadhafi, alors qu’ils étaient  assiégés  dans Beyrouth, à  se laisser  mourir jusqu’au dernier,  j’avais assisté à une réunion très restreinte à la Maison du Parti (PSD) à la Kasbah  au cours de laquelle Salah Khalaf  (Abou Iyad) devait déclarer que les responsables de l’OLP disposaient d’informations sûres qui leur permettaient d’affirmer que Kadhafi était l’agent d’Israël.

La libye… toujours l’alibi.
Je devais,  le lendemain (fin Août), consacrer l’éditorial du quotidien l’Action  au rôle d’alibi que la Libye jouait sur la Scène arabe  pour justifier le refus des Israéliens de ne pas faire la paix avec « des Arabes décidés à jeter les Juifs à la mer »   et ce, quelques mois, avant que les hommes de Abou Nidhal  n’assassinent  Issam Sartaoui,  dans un hôtel à Lisbonne, où il assistait à une réunion de l’Internationale Socialiste, en même temps que Shimon Perez.

Près de trente ans plus tard, L’Occident continue à avoir cette même attitude qui consiste à « dramatiser  » toute déclaration faite par un responsable libyen, fusse-il son allié déclaré, en vue de s’arroger le droit  de veiller à ce que les révolutions libyenne et tunisienne ne reproduisent  des régimes dictatoriaux , semblables à ceux  quelles viennent d’abattre, sinon pires.

Il y a quelques jours, Mustapha Abdejelil, devant des milliers de personnes, rassemblées à Benghazi, pour la célébration de la Victoire sur Kadhafi, avait annoncé que désormais les lois du pays seront inspirées de la Charia et de procéder sur le champ à une suite de « Fatouas » qui rendent  « illicites » le fait de se faire justice soi-même, d’être animé du sentiment de vengeance, en considérant  comme une obligation religieuse  le fait de donner priorité à l’action d’une justice équitable, d’éviter la pratique de l’exclusion « politique de qui que ce soit, dans la définition  de l’avenir de la Libye et de terminer en ajoutant que la Charia interdisait que l’on tire en l’air pour exprimer sa joie, parce que cela risquait de tuer des innocents. Ces « fatouas », toutes à caractère politique immédiat, ont été précédées, par l’annonce de  la légalisation de la polygamie, « par décision révolutionnaire » et non celle  d’une quelconque instance législatrice,  .

Il ne fallait pas plus pour que Alain Jupé  ne fronce les sourcils en déclarant que la France ne saurait tolérer que l’on touche aux droits des femmes en Libye et  pour que certains intellectuels de l’opposition  tunisienne de gauche, encore sous le choc de la victoire électorale des islamistes de Ghanouchi,  lui emboitent le  pas, en évoquant l’exemple Iranien et celui de l’Algérie voisine. Ce qui semble avoir provoqué une mise en garde de La France  signifiant qu’elle ne saurait tolérer que l’on touche aux acquis de l’État Tunisien moderne en rapport avec le caractère avant-gardiste de la législation tunisienne  en matière de droits de la femme.

Il n’est pas nécessaire d’être bien informé comme l’est en principe un Ministre des Affaires Étrangères d’une Grande Puissance, surtout lorsque celle ci est impliquée sur le terrain, pour comprendre que les déclarations de Mustapha Abdejelil étaient  destinées à calmer des hommes armées, de plus en plus difficiles à contrôler.  La capture de Khadhafi  à Syrthe, son  exécution sans jugement et l’usage macabre dont son cadavre a été l’objet de la par de ceux qui l’ont transformé  en « trophée » exhibée dans la chambre froide d’une boucherie de la ville de  Misrata, ville martyre il est vrai, avaient pourtant donné indirectement l’impression que les hommes qui venaient de nuire gravement à l’image de la Révolution libyenne  échappaient,  de fait, au contrôle du  pouvoir, à Benghazi .

Prendre au sérieux des déclarations de circonstances, prononcées, par un ancien ministre de la Justice, qui s’improvise législateur et faiseurs de « fatouas » , c’est sous estimer les capacités de « négociateurs » dont Mustapha Abdejelil, a fait preuve, depuis qu’il s’est rallié aux insurgés pour en prendre la tête, les dotant de la structure de commande et de représentation dont ils avaient besoin.

Deux jours plus tard, on commence à révéler au monde  ce qui s’était passé au cours de la libération de Syrthe en découvrant les charniers dans lesquelles les révolutionnaires avaient ensevelis les corps de centaines  d’hommes des Phalanges de Kadhafi, sommairement exécutés. Les hommes armés « islamistes »  venaient de répondre au « crime de guerre » par le « crime de guerre », désignant le risque de voir, la révolution aboutir au remplacement d’une dictature par une autre, le tout sous la protection des forces de l’OTAN.

Au même moment et tout en décidant de faire une enquête sur les circonstances de ces crimes pour en désigner les coupables, le pouvoir, dans un communiqué officiel, rappelle qu’aucune loi n’a été abolie, y compris celle interdisant la polygamie et le recours à la répudiation instaurée par Kadhafi. Si l’on ajoute le fait que depuis des semaines les deux radios de Misrata et de Tripoli   martelent à longueur de journée, dès les émissions matinales que le Coran et la Sunna doivent être interprétés par de véritables savants imbus des  principes humanistes de l’Islam et que les combattants ne doivent  pas se laisser guider par des aventuriers « déguisés en hommes de religion. Une véritable campagne anti wahabiste que pourraient envier les Tunisiens anti-salafistes  qui reprochent au pouvoir  de ne rien faire pour protéger les citoyens contre les menaces  que ces derniers proférent quotidiennement  à l’encontre des « mécréants » que sont, à leurs  yeux, la majorité des Tunisiens.

Curieuse position que celle de la France de Sarkozy et de Jupé, qui tout en cautionnant, avant même les élections et dès les premiers mois de la Révolution , la possible arrivée au pouvoir des islamistes nahdhaouis, se permet de préciser qu’elle demeure vigilante au respect des  Droits de l’Homme  et de la sauvegarde des acquis de la femme en Tunisie.

Les  Afghans libyens, encadrés par  des Qataris  servent, comme Kadhafi auparavant, d’alibi à l’ingérence « humanitaire », dans un pays qui, pour tracer les grandes lignes de son avenir n’a pas besoin de la vigilance, pour le moins intéressée  des grandes puissances.

Quant à la Tunisie, la démocratie qui  y a été amorcée dans des conditions politiques satisfaisantes augure de la capacité des Tunisiennes et des Tunisiens de faire face à leur destinée avec courage, détermination et respect de la règle du jeu démocratique, en toute lucidité et sans panique aucune. Ils n’ont donc pas besoin d’être sécurisés  par les déclarations des officiels français quant à l’aboutissement démocratique de la Révolution qui ne fait que commencer.

Contrairement aux attentes des Grandes Puissances qui souhaitent que nos révolutions se limitent  à des changements  de pouvoir, l’espoir de l’opposition démocratique  tunisienne pourraient s’inscrire dans la durée et prétendre à faire accéder la Révolution tunisienne  au statut d’innovation historique qu’elle mérite.

Naceur Ben Cheikh


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