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"Et te voici permise à tout homme" d'Eliette Abecassis

Publié le 29 octobre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Le dernier roman d'Eliette Abecassis, Et te voici permise à tout homme, paru chez Albin Michel, se passe dans un milieu traditionnel juif.

Le titre provient d'ailleurs de la formule écrite de répudiation - le guet -, par laquelle un mari juif se sépare religieusement de sa femme :

"Voici ton guet. Maintenant je te répudie, je t'abandonne afin que tu sois libre et maîtresse de toi-même. Et te voici permise à tout homme."

Anna est née dans une famille de stricte observance :

"Notre père, dont le métier est de copier la Torah et d'écrire les contrats de mariage à la main, nous a enseigné les lois et leurs applications."

Son propre contrat de mariage - la kétoubbah - avec Simon Attal a été rédigé par son scribe de père, qui "avait passé une semaine entière à la graver de sa plume de roseau, de belles letttres carrées, à l'ancienne".

Anna, maltraitée par Simon, qui prétendait l'aimer et en fait la haïssait, qui la négligeait et faisait tout pour qu'elle le quitte, a demandé le divorce civil et l'a obtenu trois ans auparavant. Leur fille Naomi a été laissée à sa garde, Simon l'ayant un week-end sur deux et les mercredis.

Anna pour qui la religion est autant une culture qu'un culte veut obtenir le guet, le divorce religieux, de la part de son mari. Sans ce document, en vertu de la loi juive, elle ne peut pas se remarier et se voit interdire tout contact avec un homme.

Avant d'obtenir le guet tout enfant conçu serait mamzer, adultérin avec de terribles conséquences religieuses pour lui, et tout homme avec qui elle referait sa vie serait considéré comme amant à jamais et ne pourrait être épousé religieusement par elle.

Or personne, même pas les rabbins, ne peut obliger un mari à donner le guet à sa femme. Simon justement refuse de le donner à Anna. Tant qu'elle ne l'a pas reçu elle est prisonnière, agouna, c'est-à-dire enchaînée, ancrée, enlisée, sa vie est bloquée.

Dans sa librairie Anna reçoit la visite de Sacha, un photographe. Ils tombent amoureux l'un de l'autre. Mais lui n'est pas religieux et ne comprend pas qu'Anna, qui est pourtant divorcée, se refuse à lui, alors qu'ils partagent le même désir.

Le roman est donc l'histoire de cette quête du guet dont Simon va se servir indéfiniment comme moyen de chantage sur Anna pour obtenir des avantages financiers, sans lâcher le précieux document, et des amours interdites entre Sacha et Anna.

Eliette Abecassis nous apprend beaucoup sur la loi juive orthodoxe en matière matrimoniale. Au-delà de cette connaissance de la loi qui contraint l'héroïne, ce livre est surtout la révélation de l'amour à une femme à qui il a été refusé jusqu'alors par son mari et qui le découvre dans les bras d'un autre.

Cet amour d'Anna, qui est "un voyage, un départ vers un autre monde", inspire à Eliette des pages d'une grande beauté, où celle qui a tant souffert du désamour de son mari découvre "le monde des sens", "le monde du sens" :

"Il me prit dans ses bras. Sa délicatesse me fit chavirer. Ses mains me lissèrent. Il suffisait qu'il me touche et je m'embrasais. Lorsqu'il effeura ma peau, ce fut mon âme qu'il fit sursauter. A travers mon corps, c'était ma vie qu'il caressait."

Le dénouement ne pouvait qu'être douloureux et la fin tient cette promesse.

Francis Richard  


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