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Claude Guéant souffre en silence

Publié le 30 octobre 2011 par Juan
Claude Guéant souffre en silence Pendant que Sarkozy jouait sa composition de « Zorro » du monde, Claude Guéant, son ministre de l'intérieur, souffrait en silence. Mercredi, il avait reçu un curieux et inutile rapport, un Livre Blanc sur la Sécurité rédigé par deux proches que tout le monde ignora. On savait qu'il avait moins d'argent, moins de moyens, sacrifié comme d'autres sur l'autel de la Rigueur.
Après la PJ de Lyon, celle de Lille fut à son tour décapitée. A Paris, son grand patron de la police nationale échappait de justesse à une mise en examen à Paris dans une affaire d'espionnage de journalistes.
Et le ministre devait gérer le dernier mauvais bilan mensuel de sa lutte contre la délinquance.
Opération de communication
A quoi sert un Livre Blanc ? C'est une opération de communication. Des experts y livrent le fruit de quelques mois d'études, assorti de recommandations. Le commanditaire, un ministre voir un président, s'abrite ensuite derrière ces « blanches » paroles pour sa propre action. Cela fait moins subjectif ou orienté qu'une initiative gouvernementale.
Ce Livre Blanc sur la Sécurité ne déroge pas à la règle. La commande émanait de Brice Hortefeux en janvier dernier, quand il était encore ministre de l'intérieur. Le Livre a été rédigé par deux proches de la Sarkofrance: Michel Gaudin, préfet de police de Paris, et Alain Bauer, ancien conseiller Sécurité de Sarkozy, actuel président de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Il n'est ainsi pas surprenant que leur critique du bilan des dix dernières années Sarkozy soit bien modeste: « La réactivité [des forces de l'ordre] et les bons résultats associés depuis le début des années 2000 n'ont pas toujours suffi à améliorer la perception, par la population, d'un climat de sécurité »
Les deux recommandations principales fuitées dans la presse de ces sarkozyens de coulisses sont l'amélioration de la présence sur le terrain et le renforcement du fichage personnel.
Le premier point est une critique, en creux, de la suppression de la police de proximité décidée par Nicolas Sarkozy dès 2002. Le ministre devenu Monarque a préféré les brigades de choc délocalisées aux interventions locales de policiers et gendarmes connaissant les populations. Les auteurs du rapport recommandent au contraire la mise en place d'une « police de contact ».
La seconde recommandation est la création d'une « base nationale de photographies». Les auteurs se justifient: « Grâce à l'évolution rapide des algorithmes de rapprochement, il est souhaitable de rendre les techniques d'identification encore plus précises et réactives, notamment en situation de mobilité, en développant les nouvelles biométries, en particulier au niveau du visage. (...) Le système de traitement des procédures judiciaires (TPJ) serait ainsi complété par un outil de rapprochement des photographies, notamment dans le système Canonge ». L'idée est de recourir aux logiciels de reconnaissance automatisée des visages et des corps. Les auteurs sont bien optimistes, promettant « d'importantes retombées pratiques ». Par exemple, il sera « également possible de travailler sur d'autres particularités morphologiques et physiques, tels les tatouages ».
Cette opération ne saurait masquer la réalité. La publication du rapport a d'ailleurs fait pschitt, effacée de l'agenda médiatique par la dramatisation des enjeux européens et ... une affaire proxénétisme qui frappe la police de Lille.
Super-flics décrédibilisés
François Mitterrand avait le capitaine Barril. Sarkozy a Péchenard et Squarcini.
Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, a passé son vendredi après-midi dans le bureau d'une juge, Silvia Zimmerman, qui instruit l'enquête sur l'espionnage du journaliste Gérard Davet, au Monde. Il en est ressorti libre et toujours pas mis en examen. On imagine qu'il s'est défaussé sur son subordonné Bernard Squarcini. Ce dernier, patron de la DCRI, a été mis en examen la semaine dernière. Et il avait laissé entendre qu'il ne souhaitait pas porter seul le chapeau.
Claude Guéant avait de toutes façons prévenu qu'il ne se séparerait pas de ses deux directeurs favoris. Il respecte tellement la présomption d'innocence !
Après Lyon, Lille
A Lille, la police du Nord vacille. Le patron de la police du Nord a été débarqué en quelques heures. La présomption d'innocence !
L'affaire de proxénétisme supposé du Carlton de Lille a pris de l'ampleur. A droite, certains se frottaient les mains voici quelques semaines, puisque le nom de Dominique Strauss-Kahn était à nouveau cité. L'ancien favori des sondages est soupçonné d'avoir passé quelques soirées en compagnie de prostituées. Mais l'enquête cible désormais des policiers, comme l'expliquait le Figaro. Un commissaire divisionnaire local, Jean-Christophe Lagarde, a été interpellé puis placé en garde à vue par l'IGPN, la police des polices. 4 autres policiers, en activité ou à la retraite, sont également visés.
Et voici le directeur  de la police du Nord, Jean-Claude Menault, également auditionné. La veille du fameux 14 mai dernier, à quelques heures de ces fameuses 9 minutes de contacts et relations sexuelles entre Nafissato Dialo, femme de ménage, et Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, au Sofitel de New-York, Ménault était sur place, prétendument pour conseiller DSK sur des questions de sécurité avec Lagarde, deux chefs d'entreprise nordistes et deux prostituées. Formidable image de la police de Sarkofrance !
En déplacement à Bordeaux, Claude Guéant, a nié toute mise à la retraite d'office du directeur Ménault : « Non, pour qu'il y ait une mise à la retraite d'office, il faut qu'il y ait une procédure disciplinaire et il n'y a eu aucune procédure disciplinaire à son encontre ». Menault a quand même été viré (« muté à Paris » dans le jargon administratif).
Guéant respecte toujours la présomption d'innocence.
A Lyon, autre direction décapitée par l'affaire Neyret, une nouvelle équipe sera installée dans quelques semaines.
Mauvais bilan
L'insécurité est une réelle préoccupation électorale chez le « patron ». Neuf ans après sa première nomination à l'Intérieur et quatre ans après son élection, le bilan réel de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre la délinquance est malheureusement détestable.
Le dernier état de la délinquance, à fin septembre, livrait encore de détestables résultats: sur 12 mois glissants, le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique a atteint 468.892 actes, soit 7.280 de plus que l'année précédente (+1,6%). 70% d'entre eux sont des violences physiques crapuleuses, en hausse de 4,3% sur un an.
L'an prochain, les forces de sécurité perdront encore des effectifs, en application de la sacro-sainte règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit, pour 2012, 3.621 postes supprimés. Vendredi, le père de la jeune policière tuée d'un coup de sabre il y a 10 jours a ciblé le ministre Guéant : « J'accuse le ministre de l'Intérieur de ne pas donner à ses policiers les moyens de se mettre en sécurité »
En 10 ans, une décennie de gouvernance Sarkozy en matière de sécurité, les effectifs auront baissé de 1800 postes...
La boucle est bouclée, et Guéant peut déprimer.

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