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Karachigate: l'autre de Neuilly, la tirelire, et les silences.

Publié le 01 novembre 2011 par Juan
Karachigate: l'autre de Neuilly, la tirelire, et les silences. Ziad Takieddine s'est décidé à parler, un peu. Le 30 octobre dernier, le Journal du Dimanche publiait quelques extraits des procès-verbaux de ses audition devant le juge Renaud van Ruymbeke. L'homme d'affaires, proche des réseaux sarkozystes depuis le milieu des années 1990, est soupçonné d'avoir rétrocédé une partie des commissions qu'il a reçu à l'occasion de ventes d'équipements militaires. L'été dernier, il a été mis en examen pour complicité et recel d'abus de biens sociaux, tout comme Nicolas Bazire, un proche ami de Nicolas Sarkozy et ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur en 1995.
Jeudi 27 octobre, Nicolas Sarkozy avait fustigé ces enquêtes sur l'affaire de Karachi: « Ça fait bientôt 17 ans. Est-ce que vous imaginez, s'il y avait quoi que ce soit à reprocher à M. Balladur, qu'on ne l'aurait pas trouvé en 17 ans ? »
Il avait simplement oublié l'essentiel. Depuis que les familles des victimes ont changé d'avocat et que les juges Marc Trévidic puis Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loir se chargent des différents volets de cette instruction, les révélations ont nombreuses. Roland Dumas a ainsi avoué avoir validé des comptes de campagne erronés d'Edouard Balladur quand il était président du Conseil constitutionnel en 1995. L'ancien premier ministre avait reçu une curieuse dotation de 10,25 millions de francs en liquide (1,5 million d'euros) en avril 1995, quelques heures après un premier acompte d'un même montant versé par les autorités pakistanaises pour l'achat de sous-marins français.
On a également mis la main, voici deux ans, sur divers éléments prouvant l'implication de Nicolas Sarkozy. Alors ministre du Budget, il a validé la déductibilité des commissions occultes (mais légales) et l'établissement de la société HEINE comme intermédiaire de ces versement. Dissoute peu de temps avant son élection, cette société a fait reparler d'elle quand, l'an dernier, on a retrouvé un courrier de son ancien dirigeant adressé à Sarkozy le jour de son investiture.  On a aussi découvert qu'il y avait d'autres contrats et négociations impliquant Ziad Takieddine, et notamment la vente de frégates à l'Arabie Saoudite.
Bref, la liste est longue des informations ainsi révélées ces deux dernières années. Nicolas Sarkozy le savait très bien. Mais ces deux intervieweurs Calvi et Pernault n'avaient rien à dire ni relancer.
Le lendemain, un vendredi, François Fillon a déclassifié quelques documents financiers réclamés par les enquêteurs. Il a suivi l'avis favorable rendu le 13 octobre par la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN).
Samedi, Mediapart livrait une autre interview, plus troublante que le monologue présidentiel, celle du frère d'un « suicidé ». Il y a 16 ans, Akim Rouichi, 29 ans, était retrouvé pendu. Quelques mois auparavant, en avril 1995, au plus fort de la campagne présidentielle opposant Balladur à Chirac, il avait proposé ses services à l'équipe Balladur. Le Point, dans son édition du 27 octobre, a justement publié une note interne écrite par un certain Jean-Charles Brisard, ancien responsable des jeunes Balladuriens en 1995 (sic!),  adressé à l'état-major de campagne d'Édouard Balladur (dont Nicolas Bazire), datée du 5 avril 1995, qui « atteste qu'Akim Rouichi s'était rendu au QG du candidat pour proposer de "vendre" des enregistrements de conversations téléphoniques parce qu'il disait avoir été "lâché" par ses commanditaires », en l'occurrence le camp Chirac.
Récemment interrogé, Brisard a confirmé que Akim Rouichi lui avait fait écouter des enregistrements de conversations entre Léotard et Donnedieu de Vabres qui portaient sur des contrats de livraison de matériel militaire et  « sur l'état d'avancement du programme Agosta », cette vente de sous-marins à l'origine du Karachigate.
François Rouichi est le second témoin récemment interrogé par la police. C'est le frère d'Akim. Il a déclaré avoir entendu certains des enregistrements, dont une conversation entre Pasqua et Léotard : « L'un demandait à l'autre si le contrat était signé et s'il allait toucher sa commission. » 
 
Le pire était ailleurs. « mon frère a évoqué, alors qu'il était au téléphone avec une de ses sources aux RG, un homme qu'il appelait “l'autre de Neuilly, avec un nom à consonance étrangère qui venait de l'Est. Je pensais à un nom polonais. Puis il a cité son nom. Il l'a cité au moment où il a eu entre les mains ce document sur une société au Luxembourg, qu'il appelait “la tirelire»
Dimanche, on apprenait que Ziad Takieddine avait finalement admis avoir joué l'intermédiaire dans la vente des sous-marins au Pakistan, pour laquelle il a déclaré avoir reçu 4,5 millions d'euros. Mais il conteste toujours tout paiement de commission occultes au bénéfice des Balladuriens. Le JDD faisait état de 3 auditions, les 5, 12 et 19 octobre derniers. On découvre de l'article de Laurent Valdiguié comment Takieddine a organisé ses placements offshore.
Une société-tirelire, l'Homme de Neuilly, un mort.
L'affaire du Karachigate devient plus glauque encore.


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